Petrus s'était installé et n'avait pas tardé à s'assoupir dans la banquette en moleskine du train de banlieue, lorsqu'elle lui apparut pour la première fois, sur l'air de la méditation de Thaïs. Violette avait les cheveux couleur miel et le regard doré comme un soleil qui vient juste de se lever. Sa voix ample et fluide coulait dans l'atmosphère comme une effluve sonore entêtante. Mais elle manquait de force et s'était tue presqu'aussitôt.

Lire la suite

Je savais que c'était idiot.
Rentrer dans le Grand Bazar du Centre à 18h59 et me perdre au rayon cosmétique, c'était la dernière chose à faire. Surtout ce soir. Mais il fallait que je le récupère, ce bâton de rouge nâcré. Il était tombé dessous. Et j'aurais voulu vous y voir, à quatre pattes sous le présentoir, la jupe coincée dans ce satané bout de ferraille. Et les caissières qui ne m'entendaient pas appeler. Tout ça pour un rouge à lèvres. Un cadeau de Bertrand. Pour une fois que mon fils me montre un peu d'affection. Enfin voilà, ma grande Josie, où ça te mène, la sentimentalité. Dans une heure, sa nouvelle fiancée arrive.

Lire la suite

Lorsque la célèbre cantatrice Elsa Halenboot, par exemple, avait reçu une déclaration codée d'un admirateur qui n'osait lui signifier en clair sa flamme ardente, Mania avait été le seul capable de trouver la clé du message, grâce aux charges émotives cachées derrière certains signes universellement utilisés dans les billets doux. L'auteur, partagé entre le désir de se déclarer, et la crainte de se dévoiler, avait d'ailleurs incorporé la clé de ses aveux au texte, laissant au hasard le soin de sceller son destin.

Lire la suite

Le haut-parleur de bakélite cracha un temps encore le souffle nauséabond de la respiration de Pintev. Les pieds de Petrus, aux plantes fragiles, s'enfoncèrent d'un coup dans le plancher. Comme dans un sable mouvant. C'est du moins l'impression qu'il ressentit, alors qu'il venait d'entendre l'impitoyable malfaisant lui rappeler que le temps n'avait pas de prise sur lui. Lui qui aurait tant souhaité être un homme normal.

Lire la suite

Le chalet  dans la neige sentait le feu. La fumerolle grise qui hésitait au-dessus du toit dans l'air figé dessinait un point d'interrogation.
Bientôt un panache plus dense et sombre s'échappa de la petite cheminée de brique, au-dessus des rondins.
Comme d'habitude. Comme chaque année, un mois avant Noël. Cela durait toute une semaine, pour cesser soudain la veille du grand Jour. Jusqu'à l'année suivante, lorsque le chalet réapparaissait.

Lire la suite

Ce lundi avait été éprouvant. Dès le matin, constatant que sa binoculaire n'avait pas été époussetée par Sonia, sa femme de ménage, Zelmut Mania n'avait pu retenir un cri de rage, effrayant du coup son chat Mystère, hérité d'un voisin parti en maison de retraite l'année précédente.

Lire la suite

La foule canalisée le long du bassin comme une marée humaine allait et venait, avec ses contre-courants bariolés. Les badauds levaient leurs têtes empourprées, pour photographier les acrobates hâlés, accrochés à leurs mâts comme des allumeurs de réverbères.

Lire la suite

C'est tout d'abord le désordre qu'il créait qui attira l'attention du Professeur Mania. Le petit bout de papier à-demi chiffonné posé au bord de son bureau n'avait pas sa place dans cet univers ordonné et policé qu'était son cabinet d'expertise en cryptographie.

Lire la suite

20h30.

L'objet lisse et verni gisait à même le sol dans son étui, la mort dans l'âme.

Petrus Lazuli, premier violon par intérim dans l'orchestre symphonique de Bessiland Jam, pleurait, à genoux sur le parquet, devant son instrument devenu aphone, dans le petit appartement situé au 3ème étage du vieil immeuble victorien de la rue des Harmonies.

Lire la suite