Petrus s'était installé et n'avait pas tardé à s'assoupir dans la banquette en moleskine du train de banlieue, lorsqu'elle lui apparut pour la première fois, sur l'air de la méditation de Thaïs. Violette avait les cheveux couleur miel et le regard doré comme un soleil qui vient juste de se lever. Sa voix ample et fluide coulait dans l'atmosphère comme une effluve sonore entêtante. Mais elle manquait de force et s'était tue presqu'aussitôt. Petrus avait juste eu le temps d'entendre prononcer le surnom que sa mère lui avait choisi quand il était jeune enfant. Ce surnom était si secret qu'il ne devait être révélé à personne...personne.... Etait-il possible qu'elle sache tout de lui ?
Les yeux encore tout imprégnés de sommeil, et gonflés des poussières émises par le repose-tête pourpre élimé du siège, Petrus fut soudain glacé par un regard qu'il avait déjà trop souvent croisé. Pintev. Il avait cru l'apercevoir juste un instant, à l'extrémité de la railcar numéro trois dans laquelle il avait pris place à minuit.
Le chef de Diabolic Choral était donc déjà sur sa trace. Dorénavant, Petrus devait s'attendre à être épié jusqu'à Sonoritad. Il fallait absolument poursuivre le voyage autrement. A part le train, aucun mode de locomotion n'était prévu pour atteindre le 5ème périph. A moins que....Petrus serra les dents, se saisit du violon et du cartable, et se leva, l'estomac soudain noué par l'angoisse. L'empreinte légère de son corps menu sur la banquette, un instant figée par une pression invisible, s'estompa peu à peu. Il s'était dirigé lentement vers l'extrémité de la voiture, serrant contre sa maigre poitrine l'étui noir et râpé de l'instrument. Inlassablement, les fils musicaux des portées suspendues le long de la voie comme des lignes électriques à leurs poteaux ondulaient au fur et à mesure que le train roulait. Petrus ouvrit brusquement la portière et se précipita dans l'intervalle. L'eau glacée engloutit d'un coup le violoniste.
Lazuli avait passé la nuit au bord de la Roadriver. Il avait perdu son cartable et son contenu, mais son bien le plus précieux était sain et sauf. Il savait que le cours d'eau suivait la voie ferrée jusqu'à Partition One, la première étape, et il s'était mis en route aux premières lueurs du jour. Tout en marchant, Petrus pensait à Diabolic Choral. Cette association de maîtres chanteurs lui avait nui bien des fois par le passé. Octav Pintev s'était mis en tête de s'accaparer les instruments de facture très spéciale venus des laboratoires de Sonoritad. Pire encore, il projetait de s'introduire dans la cité secrète de la musique, pour capturer l'homme en vert. Petrus serra la crosse de son pistolet et accéléra le pas. Pour s'arrêter net quelques mètres plus loin. Il fallait vérifier que l'étui avait protégé convenablement sa pensionnaire lors de leur immersion dans la rivière.
L'intérieur était sec. Mais les cordes de l'instrument étaient toujours rongées par le vert-de-gris.
Il se saisit de l'archet comme d'une épée. Et soudain, l'objet projeta devant lui un trait de feu qui ricocha sur une pierre couverte de mousse orange pour venir mourir, dans un fumet strident, au fond de la Roadriver. Etait-il possible que l'accessoire se fût transformé en une arme formidable?
Je travaillerai la suite ultérieurement, pas nécessairement en ligne.
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Style : Nouvelle | Par valig patoyea | Voir tous ses textes | Visite : 978
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