5 - UN TOUR DE MAGIE!
voir 1ere partie: http://www.mytexte.com/texte.php?id=9884
Alors, même s'il n'y avait aucune solution, il s'était à réfléchir, si tant est qu'il y avait encore à réfléchir à se sujet, puisque solution, il n'y avait pas.
Les chiffres digitaux du microondes indiquèrent 07:49. Fred compara instinctivement avec l'horloge murale - un tout vieux modèle du siècle dernier avec deux aiguilles: une grande pour les heures, une plus petite pour les minutes et une plus longe, rouge, toute fine, pour les secondes qu'on appelait autrefois la trotteuse. Le V formé par les deux aiguilles principales confirma qu'il était presque 8 heures.
C'était son père qui lui avait appris à lire l'heure sur une horloge analogique. Cette faculté n'était plus au programme de l'enseignement fondamental, mais le père de Fred en avait décidé autrement, et à grands coups de gueule, de cris et d'hurlements, autant de démonstrations avec le carton circulaire percé de deux bouts de métal qu'il faisait tourner manuellement pour les déplacer sur les positions les plus tordues comme celles correspondant à la demie ou encore celles des 5 minutes avant et après la demie, il parvint péniblement à inculquer à son fils la science analogique du temps.
Fred se rappela alors l'épisode du tour de magie.
Parce qu'il n'avait commis aucune faute au cours des exercices qui avaient précédé, Fred eu droit à ce fameux tour de magie. Son père avait fouillé le tiroir de la commode sous la cheminée, il en avait sorti un objet qu'il avait sitôt dissimulé dans la paume de sa main - en fait plus précisément entre l'index et le majeur - et puis, brandissant le carton-horloge en guise de bouclier, il avait épaté son fils en faisant tourner les fausse aiguilles en tous sens comme si une force invisible les avait mues par impulsion magique.
Fred avait ri et applaudi, il en avait réclamé et le patriarche avait recommencé à manipuler le petit aimant qui animait les bouts métalliques.
C'était le bon vieux temps, soupira Fred en tâchant de retenir encore un peu ses agréables souvenirs.
Et puis ça avait été comme une Révélation, avec «R» majuscule.
Sjobodan, le Père de Fred, l'horloge analogique, le tour de magie. Le compte y était. Les quatre éléments-clés qui avaient, comme une explosion soudaine, éclairé son esprit, qui entra en ébullition, étaient rassemblés.
Fred ordonna à son pc de se connecter d'une voix encore sous le choc. L'écran scintilla et finit par s'ouvrir sur la fenêtre de Windows 2014. "Richard" commanda-t-il encore en s'adressant à la webcam-micro qui était reliée à la machine et le programme de communication se mit en marche.
Richard pouvait vous procurer toutes les victuailles possibles et imaginables et même celles inimaginables, mais il pouvait aussi fournir un tas de choses introuvables, interdites ou illégales.
Quand il demanda au programme de se déconnecter, Fred eu encore la présence d'esprit d'effacer manuellement les archives de conversations et de supprimer le back-up de son appel, puis il ordonna à la machine de se couper.
Il ne prit pas la peine ce jour-là de passer sous la douche, il enfila simplement son pantalon de la veille et se précipita au fond du jardin, là où se tenaient une petite annexe et l'ex-garage, son atelier à outils, des outils qu'il avait hérités de feu son père.
Deux planches de bois suffirent à immobiliser sa cheville gauche. Il les relia ensemble avec du câble électrique - il en possédait les trois quarts d'une grosse bobine - et puis il s'accouda à l'établi pour reprendre son souffle. Vu sa corpulence, le moindre effort l'essoufflait.
La masse - un vieux bâton piqué de millions de trous, autant de traces de petits insectes qui se nourrissent de bois sec - avec à son extrémité une espèce de merlin rouillé, avait été abandonnée jadis dans le coin de la pièce. Fred boita jusque là et s'en empara.
La perche centrale de la cage à canari, qui contenait un tas de choses sauf un oiseau, en guise de mors, Fred fit pivoter la masse de côté, lui imprima un mouvement progressif de balancier, il serra les dents sur la bride de fortune, ferma les yeux et puis, de toutes ses forces, il frappa la planche qui cadenassait sa rotule.
Il ne put hurler, mais il s'écroula par terre, à demi inconscient. La douleur avait été telle qu'il avait immédiatement regretté son geste pourtant bien réfléchi. C'était comme si son pied avait explosé, comme si on lui avait arraché la moitié de sa jambe et la douleur ne s'arrêta pas, au contraire, elle s'amplifia au fur et à mesure que la cheville s'était mise à gonfler, et pour gonfler, celle-ci gonflait à vue d'œil! Alors, dans un effort surhumain, il défit les torsades du câble électrique et libéra son pied. Vu sa position oblique il était certes bel et bien cassé.
Il lui fallut plusieurs minutes pour refaire surface à la réalité et c'est avec toutes les peines du monde qu'il retourna à l'intérieur de la maison, à cloche-pied, manquant tomber ici et là, se mordant la lèvre pour ne pas laisser s'échapper un cri qui aurait pu alerter un voisin curieux.
Il était devenu fou, aurait pu penser un témoin qui serait passé par là. Un fou furieux qui s'était automutilé. Mais Fred n'avait pas soudain perdu la tête, ni même disjoncté rien qu'un peu. Il avait fait ce qu'il lui restait à faire, et rien de plus!
C'est vers 11:00 que les services de secours embarquèrent Fred qui les avait appelés après "sa dégringolade dans les escaliers". Les deux ambulanciers qui avaient voulu l'étendre sur la civière l'avaient jugé d'un coup d'œil critique et avaient à peine caché leur sourire moqueur. Mais Fred leur avait évité la lourde peine de le soulever, et il était grimpé dans la navette par ses propres moyens.
- C'est une belle fracture bien nette! annonça l'homme en vert en reposant les radios. - Vous avez eu de la chance dans votre malheur, cette chute aurait pu avoir des conséquences bien plus fâcheuses! On va vous plâtrer, on vous louera une paire de béquilles, demain vous serez sur pieds et dans 6 à 8 semaines, on n'y verra plus rien.
En fin d'après-midi Fred était de retour chez lui. Le bas de son pantalon avait été découpé, son pied était plâtré jusqu'au dessous du genou et un sac recyclable contenant sa tennis gauche pendouillait à une des deux béquilles qu'on lui avait prêtées sous caution.
Tant bien que mal, il se rendit encore au débarras, à l'étage du dessus. Grâce aux calmants qu'on lui avait administrés, le mal s'était presque tu pour se résumer à une douleur sourde. Il explora les vestiges entassés là et, au bout d'une demiheure qui lui sembla durer une éternité, il retrouva le tout vieux corset de sa grand-mère Eva.
Fred n'avait que de vagues souvenirs de Mémé Eva: elle était fort gentille, avait les cheveux gris crollés et une dentition en touches de piano, mais surtout, elle était grande et corpulente. Les voisins et les gens du quartier, à l'époque, lui avaient donné le sobriquet d' "Eva-le-déménageur". Il calla le corset sur son menton et sous ses aisselles, en estima la taille approximative et conclut que cela ferait l'affaire.
Épuisé par cette journée pleine de rebondissements, il ne tarda plus à aller se coucher.
Exceptionnellement, cette nuit-là il dormit à poings fermés. Les médicaments avaient certes eu un effet soporifique, le fait d'être parvenu à jeuner une journée entière en sus, et surtout pour une fois avoir l'esprit serein, avaient contribué à lui accorder une nuit de sommeil profond.
Ce fut le Service Livraisons Postales qui le tira du lit.
Aussi vite que ses mouvements pachydermiques le lui avaient permis, il était descendu prendre possession du colis. Richard avait fait vite et il n'y avait rien de surprenant à cela car son efficacité ne faisait plus aucun doute.
6 - TESTS ET MISE EN SCÈNE
Après avoir débarrassé la table de la cuisine, Fred déballa le colis.
"avec tous mes compliments", disait le petit mot manuscrit de Richard sur le dessus de la boîte.
Une toute grande enveloppe brunâtre que Fred palpa et mit de côté sans l'ouvrir; un sachet de poudre blanche qui lui fit penser à une espèce de talc; et dans le fond, un second emballage cartonné assez lourd et méticuleusement ficelé de papier isolant à bulles d'air. L'inventaire de l'envoi fut vite fait.
À l'aide d'un tire-bouchon, en guise de chignole, Fred commença à perforer son plâtre de marche. À tâtons, il avait estimé les distances et il lui semblait bien être à hauteur de l'extrémité de la plante de son pied, juste à la limite où avaient grandi ses orteils, le gros orteil en l'occurrence.
Il agrandit davantage le trou et, quand le diamètre lui parût adéquat, il y fit entrer, non sans devoir insister quelque peu en remuant de gauche à droite, d'y enfoncer l'espèce de lingot en métal lourd qu'il avait libéré du plastique à bulle d'air.
En réveillant sa blessure de la veille, il remua ou plutôt tenta de remuer ses doigts de pied dans les limites offertes par l'étreinte du plâtre, question de vérifier que là où il avait implanté le gros aimant, celui-ci ne le gênait pas trop. Et c'était parfait.
Il versa la sorte de talc dans un grand bol à potage, le mélangea avec un peu d'eau et à l'aide d'une cuillère - il n'avait pas pris la peine de se munir d'une spatule ou d'une petite langue-de-chat - il reboucha le trou avec le plâtre blanc à prise rapide que Richard avait joint à sa commande.
Le temps de pause - 20 minutes - permit à Fred de revoir son plan et de vérifier une fois encore qu'il n'avait rien omis ni oublié.
Il sortit les deux calques sombres de l'enveloppe, vérifia les chiffres dessus qui correspondaient effectivement à une date quelconque trois semaines plus tôt et puis il mit précieusement le tout de côté. À partir de cet instant, il lui restait un peu plus d'un jour pour tester et mettre en scène son scénario.
Vers 11:30, il fit une toute première tentative. Clopin-clopant, à l'aide de ses béquilles, il s'était avancé dans le couloir du hall, il avait vérifié son allure dans le miroir, et puis, il avait posé le pied droit sur la balance-étalon. Il y était grimpé en observant l'aiguille soudain affolée et catapultée vers la droite et puis, il joignit son pied gauche - celui-là qui était plâtré - au droit.
118 et deux gradations. 118 kilos et 200 grammes! Ce n'était pas possible! Ca ne marchait pas!
Tout doucement, au hasard, il rapprocha davantage son pied "botté" du cadran. Rien ne se produisit! Une bouffée de chaleur, témoin de la rage qui montait en lui, empourpra son visage grimaçant.
Un rien plus à droite encore et ... Oui, cette fois l'aiguille oscilla fébrilement. 116, 110, Fred changea encore légèrement de position, d'un ou deux millimètres, pas plus. 105, 103 et puis la barre symbolique des 100 fut repassée, 98, 95, 93, c'était merveilleux, cela fonctionnait, comme son père jadis, Fred exécutait un tour grand tour de magie! 90, 87, 80, 71, il dut écarter imperceptiblement son pied plâtré vers la gauche, atténuant de la sorte l'attraction de l'aiguille, 79, 87, 93, 90, 91, 93, 92.
Fred cessa de respirer. 92 kilos, pilepoil. La balance-étalon indiquait 92 kilos. Avec la marge de tolérance et la tare de son plâtre de marche, à ce tarif-là, il ne risquerait rien d'autre qu'un avertissement supplémentaire.
Il observa la position exacte de ses pieds, de ses talons et de sa stature en général, pour se les remémorer, car il était hors de question qu'il monte sur la balance du CMC et que l'aiguille de celle-ci commence à vaciller à l'image de celle d'un compteur geyser sous les yeux ahuris de l'examinateur, qui soupçonnerait d'emblée la supercherie.
Alors, jusque tard dans l'après-midi, sans plus se soucier de la douleur qui à nouveau lui faisait endurer le martyre, il avait simulé son arrivée au CMC et s'était entraîné à grimper sur la balance de sorte qu'exactement ses pieds se posent à la distance et l'endroit ad hoc afin que l'aimant salvateur agisse sur l'aiguille.
Et puis il avait procédé aux séances d'essayages du corset de Mémé Eva.
Comme l'avait fait Sjobodan, Fred avait pensé qu'il fallait encore soigné son apparence. Et afin de dissimuler ses bourrelets, seul le corset de Mémé Eva pouvait l'y aider.
Une série de 8 "scratches" - style "velcro" - qui s'imbriquaient dans le dos, formaient le système de fermeture. Fred passa les bras dans les emmanchures, vérifia les poches prévues pour soutenir la poitrine - il lui faudrait les découdre plus tard - et se rappela que Mémé Eva n'était pas une femme à la poitrine généreuse - fort heureusement ! et puis il se contorsionna afin d'atteindre le premier scratch, celui de tout en bas.
Il fallut tirer et tendre l'espèce d'élastique pour réussir à l'accrocher, mais Fred y parvint; le second et le suivant ne posèrent pas trop de problèmes non plus; le quatrième, celui-là qui était à présent destiné à emmailloter ses bourrelets, fut nettement plus récalcitrant; le cinquième très pénible, ainsi que le sixième, puis, quand il s'attaqua à l'avant dernier, celui-là, ainsi que le huitième - tous deux prévus pour soutenir le torse et la poitrine -, Fred comprit pourquoi la mode du corset avait disparu depuis des décennies et c'est avec énormément de difficultés qu'il réussit à se saucissonner dans l'habit de Mémé "Eva-le-déménageur". Il sourit au miroir, se mit de profil et du effectivement constater que sa ligne paraissait moins ronde ainsi affublé.
Un large t-shirt par-dessus suffirait largement à cacher la chose et le tour serait joué!
7 - LE CHECK-UP
Tôt le matin, il avait réglé son éveille pour une fois encore vérifier ses gestes quant à l'approche de la balance, si le premier essai fut échec, les suivants s'avérèrent plus que satisfaisants.
Sans plus aucune mise au point de dernière minute (seconde), il était désormais capable de monter sur la balance et de se positionner de manière à ce que l'aiguille se maintienne parfaitement à 90,5 kilos. Si l'employé préposé à la vérification était de bonne humeur, avec un poids pareil, Fred avait même toutes les chances d'échapper à l'avertissement!
Quel soulagement ce fut pour lui.
C'est donc presqu'heureux qu'il s'installa à table. N'y tenant plus et après deux journées de diète, ou presque puisqu'il s'était contenté d'un bol de soupe en poudre sans calories, il avait à présent très faim et, le fumet typique qui s'échappait de la casserole où mijotait la pièce de lard aux petits légumes d'hiver et pommes de terres "Nicolas" n'était pas pour apaiser sa furieuse envie de dévorer le tout en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire.
Il avait dressé un napperon et sorti son assiette fétiche: une énorme (lisez énôôôrme) assiette qui était un plat à desserts, il avait encore regroupé les couverts en argent hérités de son père et puis, comme pour couronner d'avance son succès, il s'était servi un verre de Coca, du vrai Coca plein de sucre et bourré de calories comme il se souvenait l'aimer quand il était petit, et il l'avait vidé d'une traite.
En rotant, il éteignit la taque, souleva le couvercle et huma les effluves de la viande qui nageait dans son jus et dans son gras. Fred ne réprimer la salive de déborder de sa bouche.
Par prudence, cependant, il enfila le corset de Mémé "Eva-le-déménageur", car ensuite il risquait fort bien de ne plus être capable de fermer les scratches.
Sans hésiter notre homme vida totalement le contenu de la casserole dans son assiette, il prit place à table, souleva le menton pour y caller une serviette de fortune, s'arma de ses couverts et, le regard cannibale, il observa une toute dernière fois son repas, comme s'il disait adieu aux quelque 800 grammes de lard, aux carottes aux endives et aux patates avec lesquels il allait délecter en s'en faire péter la panse.
- Et ton régime, Fred? interrogea la voix sentinelle qui semblait le surveiller de prêt et qui était toujours planquée dans sa tête.
- hein? et ton régime, c'est pour quand? tu étais pourtant bien parti!? insista-t-elle ironiquement.
- Demain je commenche, d'main, woui ... prononça Fred à haute voix en engouffrant une toute première cuillérée de nourriture noyée de sauce.
10 minutes plus tard il était là, les bras ballants le long de son corps affalé contre le dossier de sa chaise, sa bedaine serrée à mort dans le corset de mémé "Eva-le-déménageur" qui menaçait d'exploser, le dernier cran de sa ceinture ouverte exposé au jour. Il n'en pouvait plus et c'était si bon de se retrouver dans cet état d'extase infinie et globale.
Il s'assoupit, repu après ce repas réparateur.
À 14:00 ce jour-là Fred prit le train en direction du CMC et 45 minutes plus tard il se retrouva dans la salle d'attente.
- Numéro 13 - afficha l'écran au-dessus de la porte de la salle d'attente.
Fred s'appuya sur ses béquilles, ramassa l'enveloppe brune qu'il posée sur la chaise voisine et puis il se dirigea vers la pièce voisine.
L'heure de vérité avait sonné.
- Numéro 13? c'est pas un chiffre porte-malheur ça le treize? suggéra cette foutue voix qui se manifestait toujours telle un trouble-fête.
Fred n'y avait pas songé tout de suite, mais peut-être eut-il mieux valu qu'il passe son tour et laisse sa place pour avoir le numéro suivant.
Il poussa la porte à battants d'un coup d'épaule et là, une infirmière, à tout le moins une dame habillée d'un tablier blanc, l'accueillit avec une mine patibulaire et une grimace de pince-sans-rire.
- Passez dans la cabine A, déshabillez-vous, restez en sous-vêtements et chaussettes et - elle stoppa son énumération fastidieuse en remarquant que Fred se déplaçait avec des béquilles; - vous avez le protocole avec vous?
Fred fit oui d'un signe de la tête et pénétra dans la cabine A.
L'endroit était exigu et mal éclairé, et Fred eut tout le mal du monde à ôter son survêtement en éponge bon marché et son unique tennis usée jusqu'à la corde. Il garda son t-shirt et remisa son caleçon à hauteur de sa taille, le corset était presque invisible camouflant cependant pas mal ses rondeurs.
- Avancez-vous dans le sas! dicta la dame qui observait les lampes en veilleuse du détecteur de métal.
Fred fit deux pas, et puis l'appareil se mit à hurler.
- Reculez ! Ha oui, les béquilles, donnez-les moi. L'infirmière repoussa Fred entre les plaques.
À nouveau la sirène stridente se mit en branle.
- Protocole! ordonna encore la femme en indiquant du menton l'enveloppe brune sous l'aisselle de Fred. Il la lui tendit avec un sourire qu'il ne put réprimer.
Le corset de Mémé Eva faisait son effet car elle n'avait même pas sourcillé en le voyant presque nu, chose qui paraissait incroyable à voir son air sévère et caustique.
La mégère appela les médecins, Fred s'était avancé vers le triptyque paravent qui cachait les deux toubibs et puis il s'arrêta net pour les laisser passer.
- tu vas l'utiliser quand? demanda l'un des deux médecins en s'adressant à l'autre qui ouvrait l'enveloppe de Fred.
- je commenche demain! marmonna l'homme qui avait mis son crayon en bouche - et toi, t'es content?, j'ai vu que tu l'as décha ouferte.
Fred, cette fois, ne put réprimer un petit rire en songeant que pas plus tard que la veille il avait exactement prononcé ces mots-là de la même manière: "je commence demain" version mâchouillée.
- Je vois, dit le premier médecin, on vous a opéré il y a trois semaines, jolie fracture du pied gauche cher Monsieur, pas étonnant que le détecteur vous ai écarté, c'est bon allez-y.
Fred fit un pas, puis suivit l'autre médecin examinateur.
- ha oui je vois que tu t'en sers, la voici donc cette fameuse nouvelle balance étalon électronique digitale que l'on nous a fourni ... les paroles du médecin se perdirent dans le brouhaha confus qui explosa dans sa tête, Fred fut soudain pris de tournis, la peur dans ses entrailles le fit se plier presqu'en deux, un voile noir lui ferma les yeux, il entendit encore son corps lourd, beaucoup trop lourd, s'effondrer et puis le choc de sa tête qui s'écrasa sur le pavement.
Les scratches du corset de Mémé Eva ne tinrent pas le coup et cédèrent sous le ressac du choc.
- Monsieur? Mon... l'infirmière s'interrompit soudain, ses yeux parcouraient le gros tas de chaire humaine graisseuse qui gisait devant elle comme une baleine échouée tout droit sortie d'une boîte surprise.
L'alerte fut donnée.
Le tour de magie n'avait pas réussi, bien vite un insoutenable branle-bat-de-combat se mit en place et, tandis qu'on l'emmenait sous haute surveillance, Fred songea stupidement: "je commence demain!".
FIN
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pseudo : VIVAL33
Nouvelle visionnaire... Encore Bravo et merci!
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