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la femme adultère par wasser

la femme adultère

 

 

 

 

Des grappes de maigres bâtisses en pisé s'accrochaient au tapis rugueux de la terre ocre avec laquelle elles se confondaient. Une femme brune au teint d'olive, qui devait être jeune et belle, venait d'être propulsée brutalement sur ce tapis desséché, ce qui fit voler la poussière autour d'elle comme un signe de protestation ; un tribunal de rudes gaillards à l'austère visage mangé de barbe et aux yeux ignorants l'accusait, le poing tendu dans lequel chacun brandissait une pierre aiguisée par la haine. Ils avaient déjà rendu leur verdict et rudoyé leur victime, s'apprêtant à la lapider en lui promettant la damnation éternelle pour le crime d'adultère qu'elle avait commis. « C'est une pécheresse, elle n'a que ce qu'elle mérite », rugissaient-ils, les babines hérissées de sang.

Sur cette terre vêtue de crépuscule, le soleil vacillait à l'horizon, le vent peinait à soulever le moindre papillon, l'odeur de meurtre recouvrait les parfums des oliviers ainsi que l'odeur plus âpre et forte des troupeaux qu'on devinait paissant à proximité. Le violent courroux de leur dieu du désert tenait dans sa main le glaive de la justice. Ce sol devenu inhospitalier pour cette pauvre femme, et qui pourtant lui avait été promis autant qu'à ses juges zélés, résonnait à présent de menaces de mort. Face contre terre, gisante, la bouche meurtrie éprouvant déjà le goût de la poussière, elle pleurait, n'offrant pas de résistance à leur guerre bestiale, mais ses larmes ne semblaient pas émouvoir ses bourreaux. Et si à cet instant tragique on avait pu apercevoir son visage illuminé de désespoir, on aurait vu qu'il possédait la beauté miraculeuse d'une madone, ou la grâce innocente d'une enfant endormie ; si on avait pressé la pulpe de ses lèvres, on aurait recueilli le suc délicat de la paix.

C'est alors que, peut-être porté par les rayons du soleil, escorté par ses nombreux disciples, Il était apparu, frêle et forte silhouette se découpant au milieu du paysage dans un halo de lumière qui venait de poser ses ailes transparentes sur la chevelure de la victime désignée. Ailes à la douceur apaisante, car la jeune femme releva la tête en se redressant avec peine, toujours craintive, à moins que le silence subit provoqué par l'arrivée de l'Inconnu ne l'ait alarmée. Éblouie par le soleil rasant, hissant une main en visière, elle tentait d'apercevoir l'Étranger. Elle reçut un flot de lumière brillant d'amour qui inonda tout son corps comme une source rafraîchissante.

Les pieds sales et durs des mâles frémirent ainsi que les sabots des chevaux dans l'écurie lorsqu'ils craignent la présence de leur maître. Leurs bras n'étaient plus si assurés car ils L'avaient reconnu :

- Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d'adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a commandé de lapider ces femmes-là. Toi donc, que dis-tu ?*

Leurs faces ignares étaient tendues comme l'arceau d'un piège, mais le Maître s'accroupit auprès de la jeune femme, ses longs doigts fins traçant des signes sur l'ocre de la terre, le regard ourlé de longs cils presque féminins baissé calmement tandis que les gosiers reprenaient leur harangue, même si leur ampleur avait faibli. Tel un oiseau de proie, la haine tournoyait encore autour du cercle hostile où se tenaient la jeune femme et le Maître. Puis, son vol se fit plus incertain. Le Maître se releva et prit la parole :

- Que celui d'entre vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre*, dit-il avant de s'agenouiller pour dessiner à nouveau sur le sol.

Les pas lourds des juges abandonnèrent lentement la place en rechignant, les plus anciens en premier bientôt suivis par les plus jeunes et vigoureux.

Lorsque tous furent partis, il lui dit : Femme, où sont-ils ? Personne ne t'a condamnée ?* Elle balbutia à voix basse en tremblant : Personne Seigneur.* Et Le Nouvel Arrivant lui dit : Moi non plus, je ne te condamne pas. Vas, désormais ne pêche plus.*

 

 

 

 

 

 


* (Jean 8, 1-11)

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