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C'était un soir par Minifaye

C'était un soir

C'était un soir comme tant d'autres, avec ses allées et venues. Des passants marchant au hasard, là où leurs pieds désiraient les mener. De la musique dans les rues. Des scènes improvisées pour animer la ville, pour permettre aux artistes de jouer et chanter leur art.

Les enfants dansaient ou regardaient, incrédules, les yeux comme des ballons et la bouche ouverte, ces hommes et ces femmes qui acharnaient leurs doigts sur une peau de bête, un clavier ou sur les cordes d'une caisse en bois. Les parents observaient, l'oeil amusé, leurs marmots découvrir les prémices du spectacle. Les jeunes amoureux flânaient, main dans la main, sans se quitter des yeux, comme si c'était de leur regard que la musique naissait. Les célibataires, eux, étaient assis à la terrasse des cafés, dans un coin qu'ils ont pour habitude de fréquenter, en tête à tête avec une boisson alcoolisée ou sucrée. Les vieillards écoutaient là où il restait la place de s'asseoir, le bout des doigts pianotant sur leurs cuisses ces morceaux qu'ils connaissent par coeur depuis trop longtemps.

C'était un tableau magnifique, mélange de générations et de couleurs. Un rassemblement de la Terre entière dans une petite ville du sud. Il y avait cette joie dans l'air, qui embaumait l'atmosphère de son parfum acidulé. L'air piquait ce soir là.

Et il y avait ce couple, comme tant d'autres, avec ses rires et ses larmes. Ils sont beaux de s'aimer, et ils s'aiment même un peu trop fort, à ce que certains disent.

Oui, il y avait ce couple que personne ne remarquait, qui se fondait dans la foule, cueillant au vol ces instants de bonheur que la vie leur offrait.

Un étrange mystère flotte autour d'eux, une complicité certaine et indéchiffrable, deux corps qui s'assemblent et deux voix qui n'en font plus qu'une. Quatre oreilles qui fusionnent pour savourer la même musique, ce même jazz qui s'inflitre dans chaque coin et recoin de leur âme, qui pénètre et coule dans leurs veines au rythme d'un même tambour qui cogne dans leur poitrine.

Un regard furtif, un clin d'oeil. Ils se sont éclipsés au détour d'un virage étroit. Là où il n'y a plus personne, là où les sons semblent être étouffés par cette rue fantôme, mirage bien réel. Un éclat de rire fuse et résonne contre les habitations. Elle est heureuse, avec lui qui la tient dans ses bras. Il la serre contre lui, mais pas assez selon lui...

Sans prévenir, il la plaque contre le mur. Il est violent, juste ce qu'il faut. Prise au dépourvu, elle ne comprend pas tout de suite son intention et lui ordonne vainement d'arrêter. Les deux mains à hauteur de ses épaules, paume contre la brique, il embrasse son cou et lui demande de répèter, murmure tout près de son oreille. Il sait l'effet de sa voix sur elle, alors il sussure ces mots...ces mots qui gonflent sa poitrine contre la sienne, à lui. Elle sourit, tremble un peu, ferme les yeux. Lui aussi. Elle ne répète rien, gémit faiblement. Il abaisse ses mains, effleure sa taille, l'enveloppe en la carressant, tout doucement, tout doucement...et relève lentement sa jupe. Là, elle s'inquiète, et lui fait remarquer qu'ils sont dans la rue, entre deux soupirs. Il se redresse et la regarde dans les yeux. Lui non plus ne l'a jamais fait auparavant. Si c'est la première fois...elle l'attire contre elle, plus près, plus fort. Plus rien n'a importance. Les couleurs se fondent entre elles, il n'y a plus de lumière ni d'ombres. Des diablotins fiévreux dansent frénétiquement autour de leur tête, et ne font qu'accélérer, encore et encore. L'espace autour d'eux s'élargit à l'infini, se resserre, puis disparaît. L'air s'épaissit, les brûle et les consume.

Un bruit. Ils se mordent les lèvres, reviennent à la réalité. Par réflexe, elle se blottit contre lui et regarde par dessus son épaule nue tandis qu'il cherche en vain à remettre en place ses vêtements. Lorsqu'ils s'aperçoivent qu'il est temps de courir, une ombre qu'ils saisissent mal apparaît déjà au coin de la rue. Il lui prend la main et l'entraîne dans sa fuite, mais elle ne quitte pas le croisement des yeux.

C'est un chien qui se promène là. Elle s'arrête, et ils rient tous deux, d'un rire pur comme ceux de deux enfants. Le temps de reprendre leur souffle, ils s'observent en silence, avec la certitude d'avoir scellé à jamais une petite porte dans leur coeur.

Avec la certitude que cet instant, l'instant d'une vie, restera blottit au plus profond d'eux mêmes jusqu'à la fin.

Ils s'aiment.

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Style : Nouvelle | Par Minifaye | Voir tous ses textes | Visite : 599

Coup de cœur : 11 / Technique : 9

Commentaires :

pseudo : COURDESSES

Un moment de bonheur saisi dans toute sa densité, qui se fond dans la vie et son mouvement ambiant, une aventure unique, avec cette acuité de première fois, qui laisse un goût délicieux, idélébile, un plaisir de l'âme et des sens cueilli à la fleur de l'âge, frais comme le fruit nouveau que le printemps a gonflé de ses sèves, débouchant sur des plages d'espoir où le rêve projette le désir d'éternité... Merci de nous en avoir si bien fait partager l'intensité. Ici on arrête le temps. Immortalité. Photo. CC