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L'attente par ifrit

L'attente

Le destin, si tant est qu’il existe, fait fort mal les choses pour les impatients. Je parle encore d’amour mais vous aurez remarqué que le sujet me tient à cœur. Beaucoup écrivent pour évacuer un surplus, moi j’écris un manque. Bon, admettons, j’ai moins écrit ces temps-ci ! C’est bon signe, vous ne trouvez pas ? Je vous la présenterai une de ces nuits, mais assez parlé de moi.
Le destin, disais-je, met la patience humaine à rude épreuve. Tenez, ces deux jeunes gens là-bas. Regardez comme il est beau ce sourire, admirez ce baiser si parfait, avec ces lèvres parfaites, ce regard tellement amoureux qu’il ferait brûler l’océan ! Oui bon bref, un joli couple comme on aimerait tous en former un avec une si jolie fille. Ou un si joli garçon, mais permettez que je rêve un peu moi aussi ! Ces deux-là ont dû affronter ledit destin. Leurs parents avaient cru intelligent de les faire naître à six cents bornes l’un de l’autre, histoire de dire : « Ahaa ! Il va falloir vous mériter ! » Le temps a passé et aucun des géniteurs ne semblant se décider à déménager, la fortune donna un coup de pouce à nos deux tourtereaux. Un coup de pouce qui se révéla être un coup de main, et même à coup sûr, un coup d’avance : Internet.
Leur rencontre sur un forum, leurs discussions embrasées sur la fameuse Machine Sans Nom, leurs premiers regards échangés à la webcam puis en tête-à-tête innocents, tout cela ne nous intéresse que moyennement, en fait même pas du tout. Ce qu’il y eut de beau, de fantastiquement merveilleux et de fantasmagoriquement magnifique, ce fut leur attente. Inconditionnelle, obstinée, douloureuse mais pour eux, inévitable et méritoire.
Depuis leur premier échange verbal, tout ce qu’ils firent ne tendit plus que vers un seul et même objectif : se revoir, et ne plus se quitter. Retrouver cette beauté qui nous a écarquillé les yeux tout à l’heure, la prendre en photo et recommencer. La peindre, la sculpter, la filmer, la mettre en musique, en écrire une chanson, un poème, un roman, puis la lire, l’écouter, la contempler à nouveau pour en offrir au monde la plus pure et la plus parfaite idée, et lui donner un nom : l’amour. Mais bien avant cela, il fallait attendre. Avant l’amour, il y avait les études, l’argent, la majorité à 18 ans et l’incompressible pensée que cette attente pouvait être vaine.
Aussi prirent-ils la décision de ne plus penser. Non pas que leur cerveau se soit éteint et que leur esprit erre à présent dans les limbes de la bêtise, non. Ils décidèrent d’ôter son sens à l’attente en évinçant sa raison d’être : l’objectif de l’attente. Avaient-ils besoin d’être ensemble pour s’aimer ? Que nenni. Les étreintes et les baisers étaient-ils les seules marques d’affection possibles ? Certainement pas. Alors qu’attendaient-ils ? Rien.
Ils entreprirent donc immédiatement de ne pas attendre pour s’aimer, en tout cas de ne pas penser à attendre pour s’aimer. Cela dura un temps. Elle – leur attente – prit fin un beau mois de juin, dans un charmant appartement. Tout vient à point à qui sait prendre le temps dit-on, ceux-là ont obtenu bien plus en sachant l’oublier. Ils ne savaient pas combien de temps ils n‘avaient pas attendu, mais cela leur était égal, ils s’aimaient ensemble depuis trop longtemps pour que ça fonctionne séparément.

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Style : Nouvelle | Par ifrit | Voir tous ses textes | Visite : 665

Coup de cœur : 14 / Technique : 8

Commentaires :

pseudo : obsidienne

un texte plein de vécu, c'est bien quand on arrive à ne pas attendre, ou plutôt à ne rien attendre qu'il faut s'attendre à tout.

pseudo : camyste

Woaw ! Super bien écrit !

pseudo : cha

et bien, changement de registre par raport aux texte de la derniere fois. Je trouve ceux là beaucoup plus attachant (dans le sens dit "comique"), comme je l'ai écrit tout à l'heure j'aime beaucoup!!!! au plaisir

pseudo : c\'est comme ça qu\'on écrit

qui est tu, ho, maître des mots, pour te permettre de commenter par(c'est ainsi qu'on écrit)dans le dernier texte de tricheuse.Que le dieu de la parole fustige tes propos,que prétend que ceux qui n'ont pas reçu de prix littéraire doivent s'abstenir de s'exprimer?? pour un auteur d'une qualité exceptionnel comme toi, c'est bien bas et désolant.Ne te serais pas tu prix la tête en reçevant ce prix????no comment!!!

pseudo : ifrit

Je te demande pardon ? Si tu fais référence à mon commentaire "Ce texte m'a pris aux tripes, c'est ainsi qu'on écrit !", je parlais d'écrire avec ses tripes ! Je me suis sans doute mal fait comprendre. Si à l'avenir tu voulais me reprocher encore quelque chose, j'ai une adresse mail à disposition, plutôt de que polluer un texte. J'espère cependant que ce regrettable malentendu est dissipé.