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Lui par Minifaye

Lui

 

Il était seul dans la rue éclairée. L' épaule droite appuyée contre le mur, la main dans la poche de son pantalon, il observait sans bruit la nuit étendre ses charmes.

Sa main gauche maintenait élégamment un fin trait de tabac qui répandait autour de lui un halo de brume aux senteurs métissées.

Un brusque coup de vent l'arrache de sa profonde rêverie. Il concentre à nouveau son esprit sur les murmures et autres bruissements de la ville obscure.

Il gratte paresseusement sa barbe mal rasée à la naissance de son menton. L'aube s'est éclipsée entièrement pour dévoiler le manteau sombre de la nuit perlée d'étoiles.

Ses lèvres délicates se referment sur la cigarette roulée manuellement. La lumière soudain trop vive du réverbère agresse ses yeux. Alors, de sa main libérée, il abaisse son chapeau blanc sur son visage. Un chat perdu explore l'horizon pavé et ses résidences accolées puis disparaît dans la pénombre.

Les dernières cendres virvoltent et expirent sur le sol, bientôt suivies du mégot jeté de façon négligée sur son palier. Il se dit qu'il nettoyera demain, comme chaque jour depuis toujours.

Il n'y a pas de voitures, encore moins de motos. Le silence est d'or dans la ville endormie. Pourtant, en écoutant, il arrive à entendre le couinement faible et régulier d'un vieux vélo. Et le chant agaçant des grillons que l'on fini par oublier avec l'habitude. Il les écoute, rythmés par les battements lourds de son coeur. Il ferme les yeux, savourant cette musique qui s'empreigne en lui. La mélodie change, le vélo s'arrête. Il rouvre les yeux sur son instrument disparu. C'est une femme qui en est descendue.

Elle ne craint pas la nuit et ses pièges, ne frissonne pas à la vue de cet homme qui la dévisage du haut de son perron.

Les grillons semblent s'être tus.

Ils remarquent à peine la cloche de l'église qui appelle au réveil des marins. Il n'y a plus de cloche, plus d'horloge. Le temps semble s'arrêter et les attendre, perché au sommet d'un lampadaire.

Il aimerait lui demander son nom, nommer l'ange qui lui est apparu un soir d'été. Mais il ne dit rien, et elle reste muette de son côté.

Le temps quitte son perchoir, reprend possession de leur corps. Les sépare. Sans déchirure ni amertume.

La cloche a fini de sonner.

 

Il pensera souvent à elle lors de ses innombrables voyages, ses rencontres, ses galères.

Il parlera longtemps d'elle à travers le flot de son imagination, la force inépuisable de ses mots et le souvenir lointain, presque iréel, de sa présence éphémère.

Seul, perdu au milieu de tous et de personne, il la chantera, mais pas trop. Parce qu'au fond, sa liberté lui appartient.

Il est musicien.

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Style : Nouvelle | Par Minifaye | Voir tous ses textes | Visite : 595

Coup de cœur : 11 / Technique : 9

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