Dans l'acte d'écriture, ce qui me fascine, ce qui m'est à ce stade des choses inaccessible, est non pas l'élaboration d'une histoire fictive ou non, le récit d'un voyage, des impressions personnelles, ou tout ce qui est « fond », mais plutôt, tout ce qui est « forme ».

L'écriture en elle-même, l'art d'écrire.

Les traces d'une tradition orale perdue.

Avant l'écriture, la parole : histoires,

mythes et légendes,

incantations.

La source de l'échange.

A l'origine, pas de mots, pas de parole. Le silence.

Le contact, mais pas de bruit.

Un recueillement,

un dessin,

un mandala,

une offrande.

Un raffinement,

un espace calibré,

une calligraphie,

une exactitude.

L'écriture en elle-même est un art.

Etymologiquement, l'acte d'écriture signifie gratter, inciser.

Graver dans la pierre.

L'écrivain, un artisan du langage, un artiste du langage, hôte de ce savoir, de cette connaissance, de ce mana.

L'écriture pour remplacer la parole,

L'écriture pour conserver la parole.

La parole comme écriture, l'écriture comme parole.

La parole, comme l'écriture, sont limitant. Limitation du parler, limitation de l'humain, limitation par l'organe, les mains, les cordes vocales.

Elle nous a peut-être été donnée en compensation de cette limitation, de ce handicap physique, ou alors est-elle là pour nous montrer ce handicap.

 L'infini des limites, les limites de l'infini, car le langage est multiple, il n'est pas constitué que de mots. La langue et les cordes vocales sont les seuls organes de la parole, mais la parole n'est pas la seule forme de langage.

 Revenir à cet état premier des choses, l'origine de toute forme, l'obsession de l'écrivain, celui-là même qui incise, qui fait saigner les mots, médecin de son art qui désolidarise les mots, les triture, les torture ; il ne les plie pas à son désir, ni ne les utilise ou ne les domine, mais les fait aboutir à ce qu'ils sont vraiment, agissant tel un serviteur des mots, non pas esclave de son art, mais gardien de la pérennité de son art.

Nous utilisons l'écriture, mais elle n'est pour nous qu'un support. Elle nous échappe, et en même temps, dans ses représentations modernes, elle nous aide à nous comprendre, à nous relier.

Nous la représentons, mais elle n'existe pas.

Elle n'est pas tangible.

L'écriture est dénuée de substance, mais parce qu'elle est imperceptible, c'est son abstraction et son infini qui pousse le lettré à s'égarer et à se laisser guider sur le chemin recelant les secrets qui dépassent toute antériorité au langage même.

Revenir à l'origine. Mon obsession...

07 septembre 2005