Minuit sonnait quand j’entrai dans sa chambre. La fenêtre à demi ouverte laissait transparaître la clarté de la lune sur le ciel abyssal ou quelques étoiles brillaient intensément. L’air était frais. Pourtant la chambre était froide et silencieuse. Seul le ronronnement du chat posé sur le lit montrait signe de vie. Je m’approchai doucement de cette femme emmitouflée dans sa couverture. Elle dormait paisiblement. La bougie avait été éteinte il y a peu de temps, sans doute à cause du vent car la cire semblait encore chaude. A côté d’elle, un cadre photo laissait voir un jeune couple plein de vie et d’insouciance. Depuis, leurs corps avaient changés : le temps les avait usés, fatigués et l’insouciance du passé avait laissé place à la routine et aux contraintes de la vie quotidienne. Seul l’amour avait persisté sous le poids des années. Je contemplai cette femme si âgé et pourtant si belle. Soudain, un frisson parcourra tous mon être. Je posai ma main sur sa poitrine et mes craintes se confirmèrent. Je restai là à la regarder pendant une heure, peut-être plus. Le temps n’avait plus d’importance à présent. Je quittai alors la pièce de mon amour inerte en me persuadant qu’elle ne souffrirait plus à présent. Je descendis les marches de l’escalier lentement puis entra dans la cuisine. J’ouvris le gaz à pleine puissance et attendis patiemment seul ; sur ma chaise bancale car rongé par les mites, qu’elle vienne me chercher à mon tour. Il me tardait de la rejoindre, de revoir son sourire si doux et son regard si profond et mélancolique à la fois. Six heures sonnait, je laissai la douce mort m’envahir.