La lumière du jour baignait la chambre d’hôtel jusqu’aux moindres recoins. La silhouette d’Alex plongée dans l’immensité du lit, donnait l’impression qu’un Dieu grec s’était assoupit sur un des nuages de l’odysée. Le téléphone sonnait pour la troisième fois ce matin, mais rien ne pouvait réveiller le jeune homme. L’effet de l’alcool ne s’était pas encore dissipé.

 Le téléphone s’arrêta de sonner un temps… pour retentir de plus belle.

 « La paix ! Comment puis-je avoir la paix dans cette ville ? » Murmura t-il sous l’oreiller.

 Les yeux clos, il tendit la main vers le téléphone, décrocha et s’écria brutalement :

 « Qu’est ce que c’est encore ? »

 « Monsieur Green, c’est la réception, vous avez demandé à être réveillé à 10h aujourd’hui, voulez-vous que je contacte le room service pour votre petit déjeuner ? » La voix féminine au bout du fil tentait de garder un calme naturel et une certaine courtoisie. Cependant, les mots étouffaient dans la gorge de la demoiselle, sans doute perturbée par le statut de son interlocuteur.

« Merci mademoiselle, j’appellerai le room service plus tard. » La voix mielleuse d’Alex faisait son petit effet à chaque fois. La jeune femme ne pu s’empêcher d’échapper un petit rire tout en prenant congé. Amusé, Alex s’étira un instant, raccrocha le téléphone et d’un geste souple, sauta hors du lit.

 Il se dirigeait vers la salle de bain quand l’écran de son laptop attira son attention. Le souvenir de la veille au soir lui revenait à l’esprit peu à peu. Le site internet, son personnage, son faux profil, son identité secrète… L’âme sœur.

« Quel idiot… J’étais surement bourré ! »

Pressant le pas vers la salle de bain, il ne pouvait s’empêcher de penser à la suite des événements, sa vie, la trahison de sa fiancée, hollywood et les paparazis, le scandale qu’il fallait gérer. Les informations se bousculaient dans sa tête à un rythme infernal.

« Comment suis-je arrivé à ne plus desceller le mensonge de la vérité ? »

Il se dirigea vers la salle de bain, l’eau de la douche coulait sur son corps à moitié réveillé. Ces yeux fixaient le sol, le liquide coulait sur sa tête encore lourde imprégnant le reste du corps, le rendant luisant, miroitant. L’eau le lavait peut être, mais il fallait plus qu’une simple douche pour remettre de l’ordre dans sa vie et ces pensées.

« Je ne peux plus rester dans cette ville, je repars à Londres »

L’eau cessa de couler. Quelques gouttelettes tombaient doucement sur le sol, rythmant les pas d’Alex. Enveloppé dans son peignoir de marque, il s’arrêta un instant devant l’immense miroir de la salle de bain. L’image que lui reflétait la glace aurait ravit tout acteur de son grade. Ces muscles fermes donnaient de la puissance à son corps, ces larges épaules lui conféraient toute son allure, son visage d’ange démoniaque faisait vibrer paradis et enfer, et ses yeux bleus noyaient ces admiratrices au moindre regard. Seulement aujourd’hui, tout avait changé. Son regard avait perdu son étincelle, et ce corps qui lui avait tant donné, n’était plus qu’une enveloppe vide de sens, car son âme n’y était plus heureuse.

Tout à coup, un son étrange attira son attention. Un son aigu, furtif, inhabituel.

« Ca ne peut pas être mon cellulaire, il est éteint… »

Intrigué, il tendit l’oreille pour détecter la source. Il se dirigea vers sa chambre, aiguisa ces sens, reteint sa respiration comme pour éviter le bruit sourd de ces poumons. Le laptop attira son attention à nouveau. L’ordinateur était sans doute toujours allumé, d’où le son mystérieux.

Il s’avança vers l’objet, s’assit à son bureau. La bouteille de bourbon était presque vide, son verre frôlait l’extrémité droite du bureau et menaçait de tomber à chaque moment. Il le saisit lentement et examina son bourreau.

« Copain, tu es mon meilleur ennemi… » Le sourire aux lèvres, il remit le verre prés de la bouteille, rapprocha le laptop et réactiva le système. L’écran affichait toutes sortes de fenêtres intempestives, des jeux d’argents, poker on line, Millionaire… des publicités diverses… Le poste de travail était littéralement sous l’affut d’une vingtaine de pages pirates. 

« Il semblerait qu’on ne puisse être tranquille nulle part, même plus sur le web » il referma les fenêtres qui polluaient son univers comme pour faire le ménage de ces malheurs. Une fois l’ordre rétabli, il ouvrit sa boite email pour prévenir son agent de son départ.

« WAW ! … 30 emails de soulmate.com … Les gens n’ont décidément plus aucune vie ! »

La boite mail saturée de courriers, Alex ne pouvait s’empêcher d’ouvrir ces lettres, curieux de savoir qui se cachait derrière chacune.

Mail 1 : De Miss_kitty@hotmail.com to xyz987@gmail.com

« Bjr Xyz, J’aimerais te parler.. et toi ? »

Mail 2 : De Hot_chick@yahoo.com to xyz987@gmail.com

« Bsr Xyz, Peut-on se parler un d’c 4 ? »

Les mails se suivaient et se ressemblaient. Aucune âme ne ressortaient de ces mots écris à la hâte. L’aberration que représentait ce site était à l’image de la vie d’Alex : un mensonge savamment orchestré.

« J’étais décidemment bourré hier soir ! » Souffla t-il, l’air mis amusé, mis déçu.

Il s’apprêtait à fermer sa boite email, quand l’objet du courrier 15 éveilla sa curiosité.

3h du matin… besoin de parler !

Ces mots isolés n’auraient eu aucun effet sur Alex en temps normal. Mais aujourd’hui, c’était différent. Sa détresse personnelle le rendait réceptif à celle des autres. D’un clic il ouvrit le mail correspondant et commença sa lecture :

Bonsoir…

Je ne suis pas adepte de ce genre de sites internet. Je préfère les rencontres en temps réel, mais vous savez… des fois, on a juste envie de discuter le soir avec une personne… juste comme ca.

Je m’appelle Emma, Je viens d’arriver à New York, et je me suis inscrite sur ce site pour rencontrer de nouvelles personnes. Vous me direz que c’est un peu idiot de s’inscrire sur soulmate.com pour rencontrer du Monde… mais comme je vous l’ai déjà dit, c’est pour parler… Je n’aime pas du tout ce concept, c’est du business. Je ne recherche pas non plus l’amour, je me suis un peu brûlé les ailes la dernière fois, je tiens à ce qui reste…

Ah oui, j’ai 25 ans… et toi ? Je suis aide soignante…. J’aime la musique et je ne connais rien du tout au sport malheureusement !  

Si vous lisez encore cet email, c’est que vous pensez peut être que je suis intéressante, ou que je n’ai rien à faire… dans les deux cas… J’espère vous parler un de ces jours…

Xxx

Emma

Le mail n’avait rien d’original en soi. Ce n’était pas de la grande littérature, pas vraiment émouvant non plus. Seulement quelque chose de différent transcendait ces simples mots.

« Elle doit vraiment s’ennuyer dans sa vie cette fille ! »

Mis-convainque par ces propres paroles, il entreprit de lui répondre quand le téléphone de la chambre d’hôtel retentit à nouveau. Cette fois çi, il n’hésita pas à répondre, sans doute agacé par le bruit violant de la sonnerie.

« Oui… ? » Demanda t-il.

« Monsieur Green, c’est la réception de l’hôtel à nouveau… Je vous prie de nous excuser, mais il se trouve que votre voiture est arrivée, le chauffeur vous attend »

« Une voiture ? Je n’ai jamais demandé de voiture »

« Monsieur, vous nous avez demandé de vous réserver une voiture avec chauffeur pour 11h30 ce matin. Vous avez bien précisez qu’il faudrait certainement vous le rappeler »

L’alcool jouait encore une fois l’un de ces innombrables tours. Mi-amnésique, Alex répondit furtivement :

« Ok, Merci à vous, je descend dans une demi heure » … Il raccrocha hâtivement se rappelant tout à coup du vol qu’il allait sans doute rater, celui là même qu’il avait réservé avant ses ébats avec la bouteille de bourbon.

En moins d’une demi-heure, il plia bagages, dirigea vers l’accueil de l’hôtel, déposa sa clé magnétique et quitta l’établissement.

« Monsieur Green » Dit le chauffeur avec élégance.

« Bonjour mon ami, direction l’aéroport, et nous somme déjà terriblement en retard »

« C’est parti Monsieur »

Quittant d’enseigne, Alex ne pu s’empêcher de penser à la guerre médiatique que préparait son attachée de presse.

« Goodbye America » Pensa t-il.

La Mercedes noire s’avança dans l’allée défiant les autres véhicules. La journée s’annonçait bouillonnante. Les traits tirés, Alex tenta de se détendre en feuilletant quelques magazines mis à sa disposition. Son histoire était sur toutes les couvertures.

D’un geste il écarta les canards et ferma les yeux.

Il s'endormi à nouveau.