Je l’avais rencontrée,

Un soir à Bamako,

Dans un bar incertain,

Dans un quartier perdu :

Garatiguibougou.

Le lieu, repaire bien sombre,

Envahi de fumée

Et d’odeurs africaines,

M’accueillit sans un mot.

Une musique tremblait,

Fusant d’un vieux juke-box.

Accroché au plafond,

Sale et nuageux,

Un vieux ventilateur,

Boiteux et ronronnant,

Débitait en tournant,

Une étrange rengaine.

Un peu plus, un réflexe,

Elle découvrit ses cuisses

En buvant un vin fort,

Issu de nulle part.

A ses lèvres, un mégot,

Tabac brûlant, roulé

Dans un papier marron,

Qui lançait des éclairs,

Comme un phare dans la nuit,

Illuminant parfois,

Sa bouche rouge et gonflée.

J’avais soif et envie,

De son corps mince et noir.

Envie de m’évader,

De connaître l’amour,

Dans ce lieu si propice.

Assis à côté d’elle,

Elle m’indiqua son prix :

Sept mille Francs CFA.

En tâtant mes billets,

En liasse dans ma poche,

Je suivis son beau corps,

Dans un réduit étroit.

Pas de porte, un rideau

Nous cachait de la salle.

Et en faisant l’amour,

J’entendais dans le bar,

La musique vieillie

Et les jurons lancés,

Par les buveurs de bière.

La fille transpirait,

Embaumant de sueur

Et elle se démenait

Sur mon corps fatigué.

En elle, j’éclatais

Et une partie de moi,

Alla se perdre vite,

Dans les replis humides,

D’une partie de ses charmes.

En sortant du réduit,

Le rideau me frôla,

Rideau rempli d’odeurs,

Voyage dans le passé.

Le rideau distillait,

Des langueurs imprégnées,

Figées au fil des ans,

Dans ce lieu de passage.

Et sale je titubais,

Pour sortir, regrettant,

De l’avoir rencontrée.

Paris, cinq ans plus tard :

Tout est propre, parfumé,

Assis, j’attends mon tour.

Et voilà qu’on m’appelle.

Il feuillette en baillant,

Les feuilles d’analyse,

De mes tests HIV.

Je scrute son visage,

Un léger tremblement,

Rictus insignifiant,

Pour moi un pli de l’âme…