SHE!
(Légendes Dorées)
Dans les enchevêtrements de cuir de la Porte Majeure s'enfonçaient les quatres jeunes gens.
Ils arrivaient enfin.
Les aînés enjambèrent le fossé sulfureux d'où montaient des vapeurs de terre. Puanteurs inviolées! Trois mains se tendirent pour aider l'infirme à passer le pas.
Un cri déchira la nuit.
Dans la forêt d'ombres, le métal froid des fontes rougeoya sous le feu volcanique qui jaillit un instant des profondeurs.
Une lueur de glace se glissa sous les portiques. La lune était apparue au ciel de crital. Elle dégageait sur la route de gigantesques silhouettes de fer. Les bras des arbres dépouillés des feuilles s'écartèrent.
Un gémissement plus long, plus sourd, parcourut les replis souterrains.
Les garçons progessaient déjà. Mar! il devint impossible à leur frère de faire un pas de plus sur le chemin glissant. Alors, ils formèrent un siège de leurs bras enlacés. Retournant en arrière, ils déposèrent le corps frêle du jouvenceau sur la dernière marche de l'escalier de cuir dont les boursouflures parcouraient la voûte et se perdaient dans un labyrinthe infini au-dessus de leur crinière dorées.
Le mur vibra de vie. L'eau suinta, dégoulinant le long des algues et des mousses qui s'accrochaient au paysage de strass. La plaine entière fleurit et la couche de l'éphèbe devint molle. Pour lui le cuir glacé devint velour.
"Partez. Laissez moi.
Ma place me reconnaît."
Vigoureux, ses frères s'enfonçèrent plus avant.
Ils allaient de surprises en terreurs. Sans leur cadet, leur médiocrité les confondait! Au dessus des draperies de soie où s'effeuillaient déjà les roses au bruit de leur passage, des membres informes se dégageaient des broussailles tandis que la paroi humide se contractait de toute part. Les tentacules visqueuses s'érigeaient devant eux, effrayantes, mais aucune d'elles ne tenta de les arrêter. Elles se disjoingeaient, les frôlant de leurs pores gluants et glacés, plus carressantes qu'hostiles.
Ils s'accoutumèrent à leur aspect repoussant et paisible, progessant péniblement en trébuchant vers leur cible. Les plis sans relâche escaladés les rejetaient en arrière. Ils glissaient parfois jusqu'au lèvres pâles de la grotte, dans le chuintement humide des marais. Et s'agrippant aux algues, ils s'enfonçaient dans l'obscurité déchirée par les soupirs et les éclairs du volcan.
A ce jeu épuisant, fusils et couteaux se perdirent dans l'eau glauque. Dépenaillés, sans armes, ignorants même du but qu'ils poursuivaient, il avançaient. Leurs yeux hagard ne fouillaient plus dans l'ombre.
Leur escalade pardoxale menait aux profondeurs!
Enfin un visage apparut, ou plutôt l'ovale indéfini d'un visage. On en distinguait à peine les traits au dessus d'une bouche figée d'où dégorgeait une cascade.
Le monstre n'avait pas d'yeux; seule une ouverture étoilée au milieu du front laissait entrevoir le feu souterrain qui grouillait derrière sa face.
L'Aîné de ses deux mains imita le son du cor et s'effondra dans l'abîme lugubre. Les autres avaient en vain tenté de le retenir.
L'écho de son appel retentit jusqu'à l'ouverture béante où l'enfant les attendait.
Alors, l'infirme se mit debout sur ses jambes débiles. Il banda son arc en direction des profondeurs et tira.
La flèche atteignit le monstre au front et s'enflamma.
Le cycle du temps flamboya.
L'aube se leva.
Anne Mordred 2003
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Style : Nouvelle | Par Anne Mordred | Voir tous ses textes | Visite : 310
Coup de cœur : 7 / Technique : 7
Commentaires :
pseudo : PHIL
EPOUSTOUFLANT.SUPERBE.SCOTCHE.
pseudo : obsidienne
onirique et mystérieux, de la belle ouvrage
pseudo : scribio
On plonge dans un univers fantastique. Bravo
pseudo : Anne Mordred
Merci à tous.
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