- Andrew, je t'en supplie, relâche-moi! maugréait Ann, la bouche sèche et pâteuse, les yeux hagards.
Andrew l'avait attachée là, à la cave, près de la chaudière qui fonctionnait à plein régime. Il l'avait allongée de force sur une espèce de grille qui était en fait à une plaque de bois marin percée de centaines de trous alignés régulièrement et fixée sur deux tréteaux, à l'aide des visses cruciformes à têtes rondes cuivrées.
- Andrew? Andrew, réponds, où es tu?
Andrew l'avait abandonnée là et cela devait faire près de deux heures qu'il avait disparu.
- Andrew? Andrew, j'ai chaud, j'ai soif!
Elle avait beau essayer de se détacher, les cordes, qui lui meurtrissaient les poignets et les chevilles, étaient astucieusement nouées entre elles sous la plaque de bois, via les quatre trous plus grands forés aux extrémités du support. À chaque fois qu'elle tentait vainement de se soulever, elle parvenait juste à bouger la tête qu'à chaque fois elle se cognait violemment en retombant.
- Andrew? Andrew? Ne fais pas l'imbécile, ça ne sert plus à rien!
Andrew ne pouvait lui répondre, il était à des kilomètres de là - au Grand "Self Brico" où il était allé prendre livraison de sa commande.
- Monsieur va bricoler? la vendeuse s'était penchée par dessus le comptoir pour contempler le chariot plein que l'homme poussait.
- Oui, des travaux à la maison, un petit coup de fraîcheur, cela fera du bien!
La fille, une très jolie jeune femme brune aux yeux verts, qu'Andrew n'avait pas pris la peine de regarder scanna les codes-barres, pianota le clavier de la caisse enregistreuse et tendit le ticket au jeune homme à l'air absent.
- Tout va bien Monsieur? il paraissait si pâle, si absorbé, que la caissière s'en inquiéta.
- Oui, oui, très bien je vous remercie, c'est juste que réfléchis au travail qui m'attend.
- Andrew, bon Dieu! Ann commençait à paniquer. Heureusement, elle le connaissait bien, il ne lui ferait aucun mal. Andrew était incapable de faire du mal à quelqu'un, même pas à un animal nuisible, même pas à une mouche et surtout pas à elle. Il avait une sainte horreur de la violence et il ne supportait absolument pas la vue du sang.
Ann sourit. Elle se souvint qu'un jour - du temps de leur cohabitation, une époque révolue -Andrew s'était coupé en essuyant la vaisselle. Lorsqu'il avait frotté l'essuie sur le couteau à découper le rôti, ses doigts avaient glissé et il s'était entaillé l'index, une belle coupure, une belle plaie qui avait saigné abondamment. Andrew s'était senti mal et il avait perdu connaissance. C'est elle qui avait été obligée de lui coller un sparadrap.
Malgré tout, elle avait quelques doutes, car il n'y avait pas été de main morte pour l'attacher là!
- Monsieur? la vendeuse qu'Andrew n'avait pas laissée indifférente l'avait rattrapé juste avant la sortie.
- Oui?
- Je ... je vous ai déjà remarqué déjà la semaine dernière, lorsque vous êtes venu au rayon "bois", et comme je vous vois toujours non accompagné et que vous ne portez pas d'alliance, je me suis dit...
- Je n'ai pas la tête à cela, désolé mademoiselle, là je sors juste d'une énorme déception sentimentale et j'ai très difficile à m'en remettre! l'interrompit-il.
- Vous deviez vraiment l'avoir dans la peau, elle en a de la chance! Déçue la jeune femme avait tourné les talons et était repartie en direction de sa caisse.
Andrew ne put s'empêcher de sourire et il étouffa même un petit cri amusé.
- Quoi, qu'est ce que j'ai dit de si marrant? blessée dans son amour-propre, la vendeuse l'avait entendu ricaner et l'avait aussitôt dévisagé.
- Rien, vous ne pouvez pas comprendre!
- Connard! la fille lui avait adressé un geste - un discret annulaire tendu au plafond - par derrière son dos ce qui clôturait là cette discussion stérile.
L'homme prit sur le chemin du retour.
La journée allait encore être très longue, il avait encore beaucoup de boulot, beaucoup de travail. Tout à coup, il éclata littéralement de rire, ses yeux pleuraient de joie, il riait bêtement et de bon cœur, car il venait soudain de songer à une expression toute simple et pourtant si belle, celle qui disait qu'il avait encore du pain sur la planche, en songeant à Ann qui devait certainement s'énerver sur sa planche à elle!
- Andrew? Andrew? réponds, je sais que tu es là, j'ai entendu claquer la porte du garage! Ann transpirait abondamment, ses joues s'étaient colorées d'un rouge pourpre et elle souffrait d'un terrible mal de tête.
- Ann?
- Andrew, enfin!
- Ca ne va pas?
- Détache moi, ça suffit maintenant!
- Non Ann, pas tant que tu ne m'auras pas promis de revenir!
- Mais enfin Andrew, tu es complètement givré!
Il n'avait pas réagi, dans son for intérieur, il savait qu'elle ne reviendrait plus, tout le monde le savait, tout le monde le lui avait dit et redit!
- Tu en es certaine?
- Andrew, c'est fini, fini, je ne t'aime plus, c'est tout! tenta-t-elle de le persuader.
- Qu'as tu à me reprocher?
- Rien et tout à la fois, je ne t'aime plus, j'y peux rien! Allez, maintenant relâche-moi, je te préviens, j'irai me plaindre à la police et il t'en cuira, espèce de connard!
Cela faisait la deuxième fois qu'on le traitait de connard dans la même journée!
- Il n'est pas question que tu m'abandonnes encore!
- Mais Andrew, que vas-tu faire? Hein? Tu vas me garder ici, tu comptes me garder prisonnière dans ta cave tout le restant de notre vie?
- Je...
- Andrew, regarde-toi, tu as vraiment l'air d'un con, tu ne ferais même pas de mal à une mouche et tu te mêles de garder ton ex-petite amie en otage! C'est ridicule, tu es ridicule!
- Je vais te tuer Ann! lâcha t il froidement sur un ton résigné.
- Laisse-moi rire, me tuer! Tu comptes me faire crever en me gardant attachée ainsi peut-être?
- Tu verras! dit-il sérieusement en alimentant la chaudière en bûches de bois.
- Tu espères peut-être me laisser crever de soif?
- Tu veux à boire?
- Oui, j'ai très soif!
Il l'aida à boire.
- Merci, mais tu aurais pu penser à m'apporter autre chose que du Coca!
- Ca contient du sucre!
- Ca je le sais, j'ai horreur des boissons sucrées!
- T'en veux encore?
- Non, donne-moi plutôt autre chose!
- Pas question!
- Tu es le roi des connards Andrew!
- Tu te répètes Ann!
- Andrew nom de Dieu de bordel de saloperie de merde, vas-tu redescendre sur terre? Vas-tu te décider à accepter la réalité?
- Jamais!
- Au secours! A l'aide! Au secours!
- Arrête Ann, je t'en prie, arrête!
- Au secours! A l'aide! Au secours!
L'homme sortit un mouchoir de sa salopette et le lui entassa dans la bouche.
- Mhmm! Mhmm!
- Voilà, tu vois ce que tu as gagné maintenant?
Il scotcha une épaisse bande de papier collant sur la bouche de la fille, de manière à ce qu'elle ne puisse pas recracher le bâillon.
- Mhmm! Mhmm!
- Je vais te tuer Ann, je n'en peux plus de vivre sans toi!
- Mhmm! Mhmm!
- Je ne comprends pas Ann, je ne vois pas ce que tu veux dire!
- Mhmm! Mhmm! elle semblait ne pas le croire.
- Allez, ne bouge pas, je reviens de suite.
Il était remonté au rez-de-chaussée et puis, il était revenu avec un grand bidon de couleur.
- J'ai pris de la bleue, c'est celle que tu préfères n'est-ce pas? d'ailleurs, ne dit-on pas Bleu-amoureux?
- Mhmm! Mhmm! elle avait haussé les épaules.
- Je t'avais dans la peau, Ann! confia-t-il encore, en repensant à la vendeuse du "Self Brico".
Il ouvrit le bac du compresseur et il prépara la couleur.
Ann le regardait faire, elle ne comprenait pas.
Avec patience et application, il tournait dans son mélange pour bien le liquéfier.
- Faudra que je mette plusieurs couches, tu comprends, ça va prendre du temps! lui dit-il amoureusement.
- Mhmm! Mhmm! elle le regardait incrédule.
Andrew mit le compresseur en marche et sur une plaque qu'il avait laissée de côté, il testa le pistolet.
D'un geste magistral, il pulvérisa un peu de peinture en dessinant un cœur. Ann ne bougeait plus, elle l'observait, elle avait très chaud, très très chaud et elle suait de partout. Son chemisier était trempé sous ses aisselles et son jean était déjà marqué de grosses tâches humides aux jointures de ses genoux.
Andrew déposa le pistolet et coupa le compresseur, puis, il s'approcha de la fille.
- Ca va?
- Mhmm! Mhmm!
- Allez, ne le prend pas mal, mais je dois te déshabiller!
- Mhmm?
- Je ne te toucherai pas, c'est promis!
- Mhmm! Mhmm! elle agitait frénétiquement la tête en faisant non.
D'un coup, il lui arracha son chemisier, Ann hurla un cri étouffé. Du bout des doigts, afin d'éviter d'entrer en contact avec sa peau, il lui dégrafa son soutien. Ann tentait de se débattre, craignant le pire, mais, imperturbable, il continua.
En deux secondes, il lui ôta ses souliers plats, et en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, il desserra la ceinture qui retenait son pantalon, qu'il abaissa d'une traite.
Andrew sortit le cutter qu'il avait placé dans la poche avant de sa chemise.
- Mhmm! Mhmm! Ann paniquait, ses yeux étaient exorbités.
- N'aie pas peur, je ne te ferai pas de mal!
Il découpa son chemisier et ses jeans pour les lui enlever complètement. D'un coup net et précis, il trancha la petite corde de son string!
- Tu es vraiment belle! lui souffla-t-il dans le creux de l'oreille.
Ann était prosternée, cette fois elle avait vraiment peur et son instinct approuvait entièrement!
Andrew contourna la grille qui retenait Ann captive, et il sortit de l'armoire métallique la paire de lunettes transparentes. De grosses lunettes de peintre.
Ann avait l'air de l'interroger, ses yeux et l'expression de son visage le suppliaient.
- Attention, ça risque d'être un peu froid au contact! lança-t-il en reprenant le pistolet et en branchant de nouveau le compresseur.
Alors, avec application et méthode, il commença à peindre.
A 50 centimètres de la fille complètement nue, il pulvérisait la peinture bleue sur tout son corps. Il la peignait!
Ann ne bougeait plus, elle le trouvait ridicule et complètement fou à la fois! Elle eut même envie de rire aux éclats, mais le mouchoir l'en empêcha!
Avec application, l'homme étendait la peinture en une fine pellicule uniforme, partout sur la femme!
- Ferme les yeux, il faut pas que j'oublie ton visage!
Ann eut tout juste le temps de baisser les paupières et elle sentit la peinture imprégner ses joues, son front, ses tempes. Elle frissonna lorsque la couleur fut projetée dans ses oreilles, puis, Andrew s'arrêta.
Ann ouvrit les yeux, l'air de dire: C'est fini? T'as fini de jouer?
Elle était complètement bleue, pas un recoin de peau n'avait été épargné. Elle sursauta lorsque le moteur du compresseur se mit bruyamment en marche pour rétablir le niveau de la pression.
Andrew vérifia son travail en scrutant Ann sous tous les angles, puis, il s'accroupit sous la planche et recommença.
Il était passé sous la grille de bois et par les centaines de petits trous, il pulvérisa la couleur sur les mollets, les fesses tassées, le dos et le cou de la fille!
Quand il eut enfin terminé, il plongea directement la cartouche du pistolet dans un peu d'eau et il la nettoya méticuleusement. Andrew essuya une kyrielle de gouttes de sueur qui perlaient sur son front et il alimenta une fois encore la chaudière au bois.
Ann ne bougeait plus, abattue par la chaleur.
Puis, il se pencha une dernière fois vers elle et dit: - sudation!
Comme Ann ne semblait toujours pas avoir compris, il ajouta: - tu vas crever d'étouffement mon amour! plus aucune des glandes sudoripares de ton corps ne peut plus respirer, tu ne peux plus transpirer! C'est l'histoire de quelques heures, quelques jours tout au plus! et d'une ou deux couches de couleur supplémentaires!
Ann faillit s'évanouir, tout son corps tremblait, il lui sembla qu'une terrible fièvre soudaine bouillonnait en elle, elle avait réellement trop chaud, sa respiration s'était accélérée et ses bronches commençaient à douloureusement siffler!
Andrew remonta à l'étage et elle put encore entendre son rire satanique et glacial qui résonnait sur le carrelage des escaliers ...
FIN
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