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La vie comme elle vient par damien alcatra

La vie comme elle vient

La vie comme elle vient

Je m'appelle Damien. Demain, j'aurai du fêter mes 35 ans.
Je suis allongé sur le trottoir, en face du restaurant dont je viens de sortir. Le temps est au ralenti. Tout est flou.


Lorsque j'étais enfant, j'avais toujours rêvé, comme tous le monde, que quelque chose d'incroyable, de magique m'arriverait un jour. Quelque chose qui rendrait fier mes parents, quelque chose que personne n'avait déjà fait. J'aurai voulu marcher sur la lune.
Imaginez ma déception quand je me suis rendu compte que cela avait déjà été fait. J'avais d'abord été perturbé de me rendre compte que c'était un petit journaliste à houppette avec un capitaine dont je ne comprenais pas ce qu'il disait quand il s'énervait, qui avaient volé mon rêve.
Quelques temps plus tard, je connus une double déception de la part de mon père : la première fut que le journaliste en question n'existait que sur du papier et que les fusées orange n'existaient pas, et la deuxième qu'il y avait bel et bien un certain Neil Armstrong qui avait posé un pied, et pas n'importe lequel - le gauche- sur la lune. J'avais 6 ans quand il m'apprit la rude nouvelle, le monde se dérobait sous mes pieds une première fois.
Ce fut la première grande déception de ma vie, certainement parce que j'avais mis la barre très haute en terme d'ambition. Je me promis de découvrir une autre planète, et me réserver le droit de poser mon pied- et le droit si l'envie m'en prenait- le premier. J'aurai logiquement appelé cette planète « la lune S » en continuation avec l'appellation de la précédente. J'y aurai créé un monde ou seul les enfants auraient pu entrer, à l'exception peut-être de quelques adultes s'ils promettaient de ne pas dire de mots trop compliqués et trop gros. J'avais donc fait une liste des personnes qui pourraient m'accompagner le jour J, parmi lesquels figurait mon chien Neil, le seul qui me comprenait vraiment à l'époque. J'offrais ainsi à mon prédécesseur la chance d'inscrire une nouvelle fois son nom dans l'histoire. Je lui avais vite pardonné de m'avoir volé mon rêve, il avait juste eu la chance d'être né avant moi. Et de toute manière, d'après un reportage que j'avais vu un soir à la télé, la lune n'était pas une planète si belle que ça. Le documentaire montrait qu'il y avait des trous partout, qu'on ne pouvait pas se promener sans une grosse combinaison toute blanche (les adultes manquent vraiment d'imagination), et qu'il n'y avait même pas d'arbres. Neil avait du être tout de même un peu déçu par sa découverte. A sa place, je n'aurais pas atterri sur celle la, j'aurai choisi une planète plus agréable à vivre.

Un rêve d'enfant... C'est pourtant le seul moment de notre vie ou nous ne sommes pas influencés par des limites si dérisoires et ennuyantes telle que la technique ou la pression sociale. J'avais décidé d'y aller en fusée orange, en l'honneur du petit journaliste coincé dans son monde de papiers ; et de ne pas tenir compte du « il n'y a plus rien a explorer, reste plutôt ici pour reprendre la tête de mon cabinet » de mon père. Ce que je ne comprenais pas bien évidemment, puisque je n'avais jamais trouvé de tête au cabinet de notre maison.

Mon enfance pourrait se qualifier d'enfance heureuse, à l'exception de quelques évènements mineurs comme celui que je viens d'exposer, ou bien comme le divorce de mes parents lorsque j'avais 10 ans. Je me dois de mentionner cela pour que les disciples des théories Freudiennes puissent comprendre et continuer à lire mon histoire.


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J'ai rencontré Lena l'année de mes 20 ans. L'époque où l'on croit encore que tout est possible, et qu'il suffit d'aimer et d'espérer pour être heureux. Ses traits fins, ses cheveux noirs geais, ses yeux d'un bleu si profond et si pur m'avaient conquis. Son sourire avait fait le reste. Notre rencontre s'était faite accidentellement, comme dans toutes les mauvaises comédies romantiques que j'avais pu voir. Les premières fois ne s'oublient jamais. J'étais assis en terrasse d'un café à regarder les passants, et elle est apparue au coin de la rue, juste en face de moi. Si je ne croyais pas au coup de foudre, cette rencontre m'avais obligés à revoir mon point de vue.
J'ai tout de suite vu dans ses yeux quelque chose de nouveau, quelque chose d'incompréhensible qui me faisait ressentir ce sentiment de bien être et de sécurité. Comme si une bulle venait nous entourer, comme si un monde venait d'être créé. Notre monde, un monde ou nous seuls existions, un monde ou le reste du monde n'avait pas d'emprise.
Comme si les mots n'avaient plus importance ni signification, elle est venu s'asseoir en face de moi, et m'a souris. Un sourire à vous briser le cœur en mille morceaux, qui vous fait sentir si petit et si faible face à une si incroyable puissance. Et ce sourire était pour moi, moi seul. Je suis resté un long moment à la fixer sans prononcer un mot. Son parfum si léger et pourtant si prenant me faisait tourner la tête, et je priais qu'un jour je puisse la prendre dans mes bras afin d'abréger mes souffrances.

Lena était Roumaine. Elle venait d'un petit village à quelques kilomètres de Bucarest, dont je n'ai jamais pu me souvenir du nom. Elle avait sûrement eu une vie difficile, du moins en comparaison avec la mienne. Je dis « sûrement », puisqu'elle n'avait jamais voulu me révéler son passé. Elle me répétait que ruminer le passer était le meilleur moyen de ne pas vivre. Elle était tombé dans l'oreille d'un sourd.

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Elle m'aimait. Moi j'essayais de l'aimer, comme je pouvais. Je pense qu'elle a toujours su. Elle a toujours su que mon amour pour elle ne nous permettrait pas de franchir les barrières du temps. Mais elle m'aimait, et c'est tout ce qui comptait pour elle. Elle me le prouvait de plus en plus chaque jour par de simples gestes, de simples attentions, des regards qui semblaient me sonder au plus profond de moi même. J'étais perdu à l'époque. Mais ne l'ais-je pas toujours été ? Elle était mon ancre à la réalité, ma boussole pour trouver mon chemin dans le brouillard de ma vie. Pourquoi m'aimait-elle ? Je ne saurai toujours pas répondre. Elle me répondait que c'était le destin qui m'avais mis sur son chemin, et qu'elle m'avait saisi au vol. Lena faisait partie de ces gens qui « saisissent » la vie, qui lui impose leur choix. Je comprends maintenant ce qu'elle voulait dire. Mais il est trop tard. Je n'ai fais que subir les vagues perpétuelles que l'océan de la vie m'avait imposé, alors que j'aurai pu les affronter avec ma seule volonté. Tout n'est qu'une question de choix. La leçon a été plus que rude pour me faire parvenir à cette conclusion : je suis mort.

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Malgré nos différences, nous avons connu avec Lena un parfait bonheur durant les premières années de notre couple. Bien évidemment, elle y était pour beaucoup. De mon coté, je me contentais de recevoir son amour, et subissait notre relation. Mon frère Jeremy m'avait toujours envié pour ce que je vivais avec elle. Ce n'était pas Lena qui l'intéressait, non. C'était ce qu'elle était, ce qu'elle représentait pour moi. En un mot : tout. Je m'en rends compte maintenant.

J'ai vite décroché un poste après mes études dans une multinationale américaine. Le rêve pour une mère. L'horreur pour une femme. Le travail était éreintant. Je ne passais plus beaucoup de temps à la maison, entre les meetings à New York, les déjeuners d'affaire à Paris... et tout ce qui va avec un poste à haute responsabilité, à haut salaire, à haut risque, à haut degré de futilité.
L'année suivante, j'ai tout de même trouvé le temps de me marier. Pour être honnête, je ne me rappelle plus la date exact. Lena devrait la connaître par cœur, pas moi. Allez savoir pourquoi. Et puisque je suis dans les aveux, ce n'est pas moi qui l'ai demandé en mariage. C'est elle qui s'en est chargé. En y repensant, c'est mon père qui aurait du être fier, lui qui était tellement attaché aux traditions. Heureusement, c'est resté notre secret.
Même si l'envie de le faire m'avait souvent traversé l'esprit, je n'avais jamais osé franchir le pas. Peur de l'inconnu. Peur du changement. Peur de me rendre compte que je ne l'aimais pas autant que ce que je pensais.

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Heureusement pour notre couple, j'ai été licencié l'année suivante. Lena m'a aidé à me relever, à regarder de nouveau vers l'avenir. C'était son truc à elle : s'occuper des gens. Paradoxalement, ces quelques mois de temps libre m'avaient permis de me ressourcer, de prendre le temps. Prendre le temps d'apprendre à l'aimer. Cette année fut l'une des plus belles de ma vie, même si les fins de mois étaient difficiles. Même si Lena travaillait beaucoup à l'hôpital pour continuer à assurer notre train de vie, elle prenait toujours soin de me donner du temps. Ça a toujours été ainsi. J'ai toujours pris du temps, et elle l'a toujours donné.
C'est cette année que nous avons reçu la nouvelle : Lena était enceinte. Je me rappelle avoir réagis démesurément à la nouvelle. Père ! Je serai donc père ! Le bonheur était total : Lena enceinte, et moi qui retrouve du travail. La grossesse s'est déroulée à merveille et Marie a vu le jour un 10 juin.

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Mes relations avec Lena devenaient de plus en plus compliquées. Je ne la comprenais plus, elle ne me comprenait plus. Depuis la mort de marie, notre petite fille, tout avait basculé dans l'horreur. J'avais commencé à boire, beaucoup trop. Mais le pire... c'était Lena. Nous avions déjà traversé tellement d'épreuve ensemble, et celle si semblait pourtant insurmontable. Il n'a pas fallu beaucoup de temps à Lena pour se rendre compte de la dure réalité : elle ne pouvait plus me supporter. Et un malheur en annonçant un deuxième, elle décida de me quitter 6 mois après le tragique accident de notre fille. Je pense que la raison principale, ou du moins l'explication que j'ai toujours voulu donner à cet échec, était que j'étais devenu un fardeau pour elle. Cela peut paraitre dur à croire, mais la meilleure manière pour elle de s'en sortir était de me laisser. Je ne parvenais pas à m'en sortir. Son acte aurait pu être considéré comme de la lâcheté - c'est du moins ce dont je me convainquis à cette époque - mais il s'agissait en fait de courage. Au moment ou elle aurait eu le plus besoin de moi, je l'ai laissé tomber, et au lieu d'affronter la réalité, j'ai essayé de la masquer par tous les artifices que je pouvais trouver : l'alcool et les antidépresseurs principalement. Je ne vivais plus, j'étais un cadavre ambulant. Plus d'envie, plus d'ambition. Mais surtout plus d'émotions.

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Cette période de ma vie reste encore un mystère. Un mystère parce que premièrement, je n'en ai que de vagues souvenir, et deuxièmement parce que je ne comprends toujours pas mes réactions et ce qui s'est réellement passé. Afin de relater la réalité la plus précise, voici une partie du journal que j'écrivais à l'époque :
J'ai enlevé mes lunettes. Le monde est plu flou et plus agréable comme ça. Je me suis levé ce matin parce que le téléphone sonnait. Sinon je pense que ma journée se serait limitée à effectuer un geste qui me semble désormais surhumain : zapper. Depuis que j'ai perdu ma raison de vivre, je ne me sens plus capable de rien. Plus envie de rien. Plus envie de voir personne. J'arrive tout juste à réussir à allumer mes clopes en me demandant pourquoi les fabricants n'ont pas voulu en faire de plus longues. Comme ça, je ne serai pas obligé de passer mon temps à essayer de retrouver cette putain de briquet. En même temps, si je ne m'étais pas gavé de médicaments hier soir, ça m'aurait peut être évité de confondre une clope avec un stylo. Expérience très désagréable, surtout lorsqu'on se rend compte beaucoup trop tard de notre erreur et que le stylo est déjà cramé au deuxième degré.
Je suis en arrêt maladie. 15 jours. Le médecin m'a ajouté une option « hospitalisation » dans le kit. Mais je ne pense pas que le chirurgien accepte une opération à cœur ouvert (que cela dit en passant, il aurait beaucoup de mal a ouvrir) afin de me l'enlever et qu'il ne se casse plus. Je divague. Encore ces foutus médicaments. Je fais tous ce qu'un bon dépressif qui se respecte ferait : je ne suis pas les doses prescrites.
Vivre sans cœur, ça éviterai tellement de désagrément. Ne pas tomber amoureux, ne pas se lamenter en regardant les infos (ou faire semblant), ne pas souffrir tout simplement. Je ne crois pas en Dieu, mais je prie pour qu'il m'accorde l'immense privilège de ne plus avoir de sentiments, de ne plus me soucier des autres. Mais je pense avoir déjà fait un grand pas dans ce sens en espérant ce que je conçois comme une délivrance. Mon Dieu, donnez mon cœur à quelqu'un qui en veut un ! Je le cède à un prix très acceptable ! Enfin bon, c'est quand même un cœur, je pourrais en tirer un prix raisonnable. D'autant que l'arrêt maladie n'en étant pas réellement un (allez expliquer à votre patron que vous passez vos journées à écrire des lignes sur un bloc-notes, et attendez la réaction, juste pour voir...), et que je n'envisage pas de retourner devant mon ordinateur pour cirer ma chaise.
Alors, combien pour un cœur ? Allez, il n'est pas en très bon état, mais il n'a pas beaucoup de kilomètres... Sur qu'avec un check-up complet, il sera comme neuf !
Les jours s'écoulent, les semaines passent. Deux mois et trois jours que je suis dans cet état. Dieu ne veut pas m'écouter. Il continu de s ‘amuser avec moi, à ne pas vouloir enlever son image de ma tête. Elle m'obsède, je veux qu'elle revienne mais je sais qu'elle ne le fera pas. Alors pourquoi dois-je encore supporter cette éternelle souffrance ? Pour combien de temps ? Je n'ai plus de travail, je n'ai plus d'amis. Mon téléphone ne sonne que pour m'annoncer que « vous avez 2 semaines de retard de paiement » ou « je vous assure que truc much machin est la plus efficace dans le domaine du lave linge et qu'elle est recommandé par plus de 85% des utilisateurs ». Alors je ne réponds plus. Je deviens un mort-vivant. Vivant cliniquement parlant, mais mort à l'intérieur. [...]

Que Dieu est beau ! Que Dieu est bon ! Ce matin il a enfin pris en compte la demande que je lui avais faite ! Trois moi qu'il lui aura fallut. Faut croire que les fonctionnaires ne vont pas tous en enfer.
Je me suis levé et j''ai regardé la télé toujours allumé de la veille. Les infos annonçaient un ouragan au sud de la Californie qui avait fait, je cite : un nombre de victimes que les autorités annoncent à plus de 12000 ; sans compter les blessés ». Et alors...Rien ! Même pas une pensée pour toutes ces familles détruites, ces vies brisées. Rien. Bien sur que j'y ai pensé, si je l'écris... ça tombe sous le sens...mais j'ai beau cherché...aucune trace de compassion au fond de moi. Cette mère qui cherche son enfant parmi les débris d'un hôpital, cet homme qui pleure sur la dépouille de ce qui semble avoir été un jour un homme...Rien ! Les images, pourtant voulu choquantes par les journalistes, ne m'attriste même pas le moins du monde.
J'ai beau me dire que si je réagis comme ça, c'est parce que j'essaye de ne pas y penser pour ne pas me déprimer, mais non. Je n'éprouve rien ! Pas de chagrin pour toutes les victimes, pas de haine contre mère-nature. Je me sens nouveau. Qu'est ce que c'est agréable de ne rien ressentir.
Pour me convaincre que ce n'est pas éphémère, je me dépêche de sortir de chez moi, et je retourne à un endroit que j'ai volontairement évité ces derniers mois. Le café ou j'avais rencontré celle que je considérais comme la femme de ma vie.
Je rentre...et rien ! Pas de tristesse, pas de regret, pas de bonheur non plus. Je souhaite à tous le monde de ne plus avoir de cœur. Si vous saviez comme on est libéré ! [...]

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Nous sommes le 23 novembre, il est 22h00. Il y des jours que l'on ne pourra jamais oublier parce qu'ils sont le symbole d'un bouleversement dans nos vies. Ce 23 novembre en fait partie parce que j'ai tué un homme. On pense que les catastrophes n'arrivent qu'aux autres, mais lorsque cela vous tombent dessus, on se demande « pourquoi moi ? ». Qu'est ce que j'ai bien pu faire pour mériter une telle punition ? Pourquoi suis-je obliger de supporter encore et toujours ce regard terrifié qui me hante toutes les nuits ? Je ne suis pas croyant -je me suis toujours imaginer que ceux qui appartenait à une religion y trouvait simplement un réconfort face à la mort- mais j'aurais bien tout de même aimé Lui demander quelles excuses il me donnerait pour la mort de ma fille, le départ de Léna, et cet accident... Mais surtout quelle excuse il pourrait donner à l'homme que j'ai renversé ! S'Il existait vraiment, ne l'aurait-il pas empêché de traverser devant les roues d'un ivrogne ! Si seulement Marie était encore là... j'aurai pu avoir une vie normale comme tout le monde. Pourquoi elle ? Pourquoi moi ?

Je sortais du bar que je fréquentais tous les jours de ma prétendue vie. J'étais ivre, comme tous les soirs. Pas assez pour oublier pourquoi je me détruisais, mais assez pour prendre ma voiture. Un feu de grillé. Un deuxième. Une ombre qui surgit à ma droite. Un choc, l'horreur. Je ne bouge pas, je suis tétanisé. Je ne suis plus là, je ne sors même pas de ma voiture pour faire face à la vie en train de s'éteindre. Les sirènes s'approchent au loin, je voudrai n'avoir jamais existé.

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Le jour de ma sortie de prison fut mélangé de divers sentiment. Après 7 ans, ne plus être observé continuellement par quelqu'un me remplissait de joie bien évidemment. L'excitation était aussi à son comble, mais étonnamment, ce qui ressortait le plus de ce mélange de sentiment était l'angoisse. L'angoisse d'affronter la vie à nouveau. L'angoisse d'être indépendant. Mais surtout, l'angoisse d'être seul. Personne pour m'attendre, personne pour venir me chercher. Simplement personne. Je ne pourrai jamais le souhaiter à quelqu'un. Ce gouffre de solitude qui vous prend à la gorge, qui vous empêche de regarder devant. Savoir que plus personne n'est là pour vous. Que quoi qu'il vous arrive, cela n'aura aucune importance pour personne. Nous sommes faits pour vivre avec les autres, une telle solitude n'est rien d'autre qu'insupportable.
Heureusement qu'il y avait mon frère. Il m'a sauvé la vie en quelque sorte. Je n'avais jamais entretenu une réelle relation de frère à frère avec lui. Je n'avais jamais entretenu aucune relation avec lui à vrai dire. Je me sentais faible, méprisable de devoir le rappeler maintenant alors que je ne lui avais jamais porté de considérations.

Il ne me posa aucune question. Ni sur l'accident, ni sur les 7 dernières années. Il me demanda uniquement si j'étais libre le soir même. Malgré toute la honte que je ressentais au plus profond de moi, cette offre était la seule manière de recommencer une nouvelle vie, de revivre un peu de ce que j'avais perdu. Je reviens sur mon frère pour dire qu'il était l'une des dernières personnes que j'aurai contacté en temps normal. Je n'ai pas réellement d'explication à cela. Peut-être n'ais-je pas reçu de fibre familial, ou peut-être n'étais-je tout simplement pas fait pour ça. Toujours est-il que Jeremy fait partie des gens qui -à mon plus grand soulagement- ne se lasse jamais de redonner des nouvelles chances aux autres. Il m'aura sauvé, sans rien demandé de mon passé, sans me juger. Il ne m'a pas proposé ouvertement de me remonter le moral, il l'a fait naturellement. Peut-être que je ne méritais pas la manière dont il s'est comporté avec moi. Mais Lena méritait des excuses, ou au moins des explications. Il m'a permis de me redonner un espoir de me regarder à nouveau dans une glace et d'affronter mes erreurs du passé. Mais Dieu qu'il est difficile de les regarder à travers les yeux de quelqu'un qu'on a tant aimé.

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Sur les conseils de Jeremy, j'ai essayé de reprendre contact avec Lena. Elle s'était remariée. Elle avait un bébé. Dire que je n'étais pas jaloux aurait été un mensonge. Mais pour la première fois de ma vie, j'étais heureux pour elle. Heureux de me rendre compte qu'elle m'avait survécu. Je l'ai revu dans notre restaurant habituel. Le reste est flou, j'ai du mal à me rappeler des propos que nous avons échangé. Tout ce dont je me souviens clairement, c'est que nous sommes sortis du restaurant ensemble, et que nous avions retrouvé d'une manière ou d'une autre une paix entre nous. Peut-être m'avait-elle pardonné. Je me rappelle aussi des évènements qui ont mis un terme à notre rencontre, de cette voiture qui a déboulé de nulle part au moment ou je faisais signe à Lena.


Le choc a été rapide, incisif, brutal. Je n'ai pas mal, je ne lutte pas. Je voudrai parler, mais aucun son ne sort de ma bouche. Je ne sens plus rien, excepté ce goût métallique si étrange dans ma bouche. Je suis déjà presque de l'autre coté. Ma vision se brouille, je n'arrive presque plus à distinguer les traits de ce visage pourtant si familier penché au dessus de moi. Je vais partir, et la décevoir encore une fois. Je ne revois pas ma vie comme j'avais pu le lire, je vois juste ce visage en train de s'effacer lentement devant moi. Elle s'affole. Je ne peux pas bouger. Elle pleure. Je lui souris. Mes yeux se ferment, je suis tranquille. Je pars avec un dernier souvenir qui m'accompagnera dans ma traversée, ce parfum chargé de souvenirs et de mélancolie que j'avais failli oublier.

 

 

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Coup de cœur : 11 / Technique : 10

Commentaires :

pseudo : etoilefilante

Est ce un rêve, une biographie, ?? Svp pourriez écrire plus gros âr avance merci

pseudo : billie

Dire que j'ai trouvé ça boulversant serait un euphémisme. J'ai adoré le début, parce que j'avais l'impression que tu me racontais avec cette histoire de rêver de faire quelque chose d'incroyable au moins une fois dans sa vie et secrètement je l'espère toujours. C'était vraiment attendrissant..; En vrai y'a un tas de choses à dire sur ta nouvelle, mais me connaissant ce ne sera pas ordonné, alors je vais m'arrêter là et juste te féliciter sur ta manière d'exprimer toute une palette de sentiments, ces sentiments qui nous traversent de l'enfance à l'âge adulte... Au plaisir l'ami...

pseudo : damien alcatra

ni un rêve, ni une biographie... Juste une peur de ressembler à cet anti-héro. Tous les évènements sont factices. Seuls les sentiments que j'ai tenté (vainement peut-être) d'exprimer ont une source biographique. Merci pour le comm billie en tout cas!