La Ballerine
La ballerine tournoie sur ses pointes cambrées
Tutu amidonné et sourire crispé
Dans sa bonbonnière capitonnée
Au satin bouillonné comme un cercueil
Où plus personne ne jette un œil,
Un petit manège à la peinture qui s'effeuille
Objet suranné du siècle dernier
Au son métallique du mécanisme usé
Qui égraine ses notes haut perchées,
Suavement distillées...Elle a perdu le fil du temps
Plus d'espoir de prince charmant arrivant
Depuis le temps qu'elle attend.
Jusqu'à quand devra-elle ainsi tourner ?
Sur ces trois temps qui la font virevolter
Nous n'irons plus au bois les lauriers sont coupés.
Elle n'a rien demandé, allez savoir pourquoi
Ce soir elle est tellement aux abois !
N'a-t-elle pas d'autre choix
Que celui d'être là, faire semblant d'être heureuse
Prendre la pose... la vie est parfois farceuse,
Même et surtout pour une danseuse.
Ses amis de toujours, splendeurs et misères
Camés et broches ternes et sans lumière,
Faux espoirs de mariage, bijoux en jachère
Rubis autrefois scintillants, faux éclats de diamants,
Onyx et argent, dominos brillants
Privés de cous, de poignets et de main sans gants
Reposent à ses pieds sur le tissu rose thé
Promesses de rêve, certitude outragée...
Rêvent-ils aussi de quitter cette cage ouatée ?
Elle s'imagine être enfin libre, sans chaînes,
Sans entraves, du sang dans les veines,
Que son cœur se mette à battre sans peine !
C'est au son d'un lancinant tango argentin
Qu'elle soupire, le cœur battant, c'est certain,
Son esprit a encore joué les petits plaisantins.
Au lieu d'une valse à deux balles
Carlos Gardel et sa Melodia de Arrabal
Est là pour l'emmener au bal.
Mais qui connaît les désirs de la ballerine
Le secret pour que son visage s'illumine
Et que son corps passionnément s'anime ?
Un jour, le ressort s'est cassé, périmé, grippé
Elle en a profité, s'est sauvée, carapatée.
Son Hidalgo l'attendait pour l'enlacer
A ce moment précis, forçant son destin,
Elle a pris son courage à deux mains.
De la passion, elle a pris le chemin
S'en est fini de la vie en rose,
La jupe fendue bien haut, sans plus de prose
Regard noir charbon et corps en osmose.
Abandonnée au son d'un bandonéon chaleureux
Elle s'enhardit et ferme les yeux
Oubliant son cachot poussiéreux
Sa géole mirifique et dorée
Dans laquelle elle était cloîtrée,
Petite poupée sans une once de liberté.
Suffit-il d'être libre, d'avoir coupé ses chaînes, ses rubans
Remisé au placard ses pointes, son tutu, ses tourments?
Elle ne sait, elle vit et écoute ses envies pour l'instant
Sans décors, sans triches, proche de l'extase
Effacés les paillettes, le tulle, les strass
La chaleur du tango à la place !
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Style : Poème | Par quina | Voir tous ses textes | Visite : 1963
Coup de cœur : 21 / Technique : 12
Commentaires :
pseudo : BAMBE
Les papillons s'envolent pour laisser virevolter ta ballerine avec toujours autant de talent. Un texte poème histoire très réussi.
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