Ma mémoire est friable au rappel du passé,

De vagues souvenirs sont un bloc bien tassé

D'où s'échappe parfois une vague étincelle,

Eclair illuminant la scène la plus belle

D'un mois d'été très chaud lorsque j'étais enfant,

Ou, bonhomme de neige au cours d'hiver glaçant.

Je ne suis pas de ceux qui ont la nostalgie

D'évènements classés dans leur chronologie :

Bribes de ci-delà - caprice du cerveau -

Des faits d'un passé mort remontés du caveau.

Et sans mettre une date avec précision

Ressort de son brouillard quelque vieille action.

Ainsi, je me souviens du temps sans méfiance

Où, près de mes quinze ans, ivre d'insouciance,

Porte après porte, ouvrait la voie de mon parcours.

Ignorant qu'un seul sens interdit les retours,

Je forgeais sainement ma rude vie d'adulte,

Avec au fond du coeur la poésie pour culte

Des enfants du quartier, rien ne me distinguait,

Je partageais leur jeux, dans la joie je voguais.

Tous mes jours s'écoulaient comme l'eau de la source,

Sans savoir que jeunesse arrive en fin de course

Quand sorti de l'école on accède au métier

Qui vient capturer l'homme et l'absorbe en entier.

Mais lorsque le soleil sombrait vers la colline,

Les larmes dans les yeux, je lisais LAMARTINE...

O mystique plaisir ! Délicieux moments!...

Poèmes magistraux disposant leurs ferments

Dans la brêche entrouverte en l'âme juvénile

D'adolescent rêveur isolé dans son île.