"Ecrire ce qui n'a jusque là jamais été écrit" 
 
 
A une époque où tout a déjà été écrit, chanté, filmé, peint, mis en scène, mâché et remâché, et où l'auteur est condamné à ne faire que redire sans cesse - à sa façon - ce que d'autres ont dit avant lui avec souvent plus de talent - ou au moins plus de fougue -, où l'histoire du roman devient bègue à force de répétitions, où les innovations et les révolutions ne sont plus que des coups d'épée dans l'eau et des effets de manche, où ce qui est connu, apprécié, adopté peut autant susciter lassitude qu'enthousiasme - puisque « sécurité » -, nul ne peut prétendre pouvoir prévoir à l'avance ce qui sera à coup sûr un futur succès, ce qui marquera les esprits comme un sceau au fer rouge ou bien n'attirera que les sourires vides de leur indifférence. Un apprenti sorcier dans un pensionnat de magie, qui joue au polo en apesanteur. Certes. Un message secret caché dans une œuvre d'art qui n'en finit pas d'être énigmatique. Effectivement. Et même : un grand et beau navire destiné au naufrage dès les premières images... En étant conciliant, on peut reconnaitre que qui a du flair peut prévoir l'engouement. Mais le raz-de-marée... Personne n'a jamais su quel papillon avait battu des ailes à l'autre bout du monde pour le mettre sens-dessus-dessous. 
 
La recette miracle du Best Seller ? S'il y en a vraiment une, il vaut mieux ne pas l'appliquer. Les conventions rassurent, évidemment, seulement elles peuvent lasser. Les nouveautés attirent, séduisent, mais elles peuvent aussi effrayer. C'est un fait : « trop d'intelligence tue l'intelligence » - cependant « pas assez » n'aura jamais suffi à la ressusciter -. Alors quoi ?! Surtout : comment ?!  
 
« Vendre ou ne pas Vendre »... L'époque étant ce qu'elle est, on oublie souvent un peu promptement que ce n'est pas là la question - ou en tout cas, que cela ne devrait pas être la préoccupation première de l'auteur de roman qui n'a peut-être pas assez lu Shakespeare pour savoir qu'un Hamlet délesté de son âme n'a plus rien d'un Hamlet, et dont l'unique, futile et déraisonnable ambition devrait moins être de s'inquiéter pour la future adaptation de son œuvre à l'écran que de tenter laborieusement d'écrire « Ce Qui n'a Jusque-là Jamais Eté Ecrit » -. 
 
On sourira sans doute en lisant de si naïves envolées mais uniquement si l'on n'aime pas vraiment les livres, si on veut les réduire à un simple « produit » - dont on ne vendrait finalement que l'emballage - ou à une idolâtrie - mais sans culpabilité - pour esthètes et libres-penseurs. Quoi qu'il en soit, le jour où l'on choisit d'emprunter ce chemin de croix, c'est le parti, peut-être, qu'il faudrait adopter, l'inaccessible étoile qu'il faut vouloir poursuivre, le saint Graal qu'il faut essayer d'atteindre : écrire quelque chose de radicalement nouveau - parce que sinon, « pourquoi écrire » ? -, qui serait une somme de ce qui venait avant (car l'on ne peut renier d'où l'on vient) mais qui se voudrait aussi être un dépassement et plus qu'un dépassement : une ré-invention. Après tout, les codes ne sont que des codes : s'ils sont nécessaires, en sont-ils pour autant indispensables ? Quitte à se piquer d'écrire un roman, par exemple, ne semble-t-il pas plus judicieux d'en recréer les règles et d'en refondre l'aspect, lui donnant une forme différente à celle qu'on lui connait pour mieux lui offrir cette peau neuve dont il se languit depuis si longtemps, et de laisser sa fausse-modestie entre les portes-plumes pour le réinventer, ni plus ni moins, pour le meilleur ou pour le pire (n'est pas génie qui veut), mais de le réinventer cependant ?! 
 
 
Se lancer sans filet, et advienne que pourra...