Il avait l'oeil inquiet, son geste était fébrile,

Son attitude étrange attirait le regard.

Que faisait cet enfant au milieu de la ville,

Avançant, sans prudence, avec un air hagard ?

Je le fis taverser, le prenant par l'épaule :

"Fais attention, petit, tu frôles le danger.

Est-ce un endroit pour toi ? On est loin de l'école.

Retourne à ta maison, c'est l'heure de manger.

Quel est le dur sujet de ta tristesse amère ?

Tu gémis comme un chien qui cherche à se cacher.

Où donc habites-tu ? Je t'amène à ta mère.

Imaginant le pire, elle doit te chercher."

Le gosse me fixa. Ses yeux disaient un drame.

Il ne me sembla pas qu'il comprit ma question.

Il suivait une idée implantée en son âme,

Et parla d'une voix pleine d'émotion :

"Il est parti, monsieur, et je suis dans la peine.

Il était bien chez nous, avant de nous laisser.

Il aurait dû rester, pour moi qui suit sans haine,

Je suis encor trop jeune, et n'ai pu le blesser."

Que pouvait donc pleurer un être de cet âge ?

Un jeune espiègle chat..? Quelque faux épagneul..?

"Arrête de courir ! Ton corps est tout en nage.

Je vais t'accompagner, il reviendra tout seul."

"Non ! Monsieur, croyez-moi, si je ne le découvre,

Il ne reviendra pas, le destin l'a chassé.

La même porte ai pris, c'est la seule qui s'ouvre

Dans ce mur que chez nous le malheur a dressé.

Traqué par le chômage, au bistrot vit mon père.

Un frère est mort soldat, le deuxième en prison.

Tout cela, voyez-vous, était trop pour ma mère,

A force de pleurer elle en perd la raison.

Ainsi, je cours depuis, sans manger et sans boire.

Si je perds mon espoir, à quoi me sert la vie ?

Même s'il est petit, quand bien même illusoire,

Il m'en faut par besoin, ce n'est pas qu'une envie."

Je laissai là le gosse aller vers l'impossible.

Car, pour lui, que pouvais-je au sein de son malheur ?

Je venais de comprendre... Echappant à l'horrible,

Cet enfant éperdu recherchait LE BONHEUR;