Jusqu'à ce moment précis de ma vie, je n'avais pas regardé ma vie passer. J'avais conservé mon regard fixé sur mon point d'arrivée, sur mon but. Mais le reste de ma vie, mon passé, mes soucis, mes joies comme mes peines, je les avais effacés de ma mémoire une fois pour toute, ne voulant pas m'embarrasser de choses inutiles puisqu'elles étaient dépassées. J'avais traversé ma courte vie sans jamais regarder à côté, sans jamais observer réellement le monde qui m'entourait. Ca ne m'intéressait pas; ce qui focalisait mon attention, c'était ce point d'arrivée et rien d'autre ne comptait. Je ne réfléchissais donc pas à ce qui allait m'arriver, ce qui était en train de m'arriver ni à ce qui m'était déjà arrivé puisque cela n'avait pas d'importance, J'étais certaine d'arriver à mon but sans encombres, ma volonté étant si forte que j'avais l'impression d'écraser les obstacles que je rencontrais, comme s'il s'agissait  de fragiles brindilles. 
   Cependant, à ce moment précis de ma vie,  je me rendis compte que j'avais eu tort. Je n'avais pas profité quand j'aurais dû, je n'avais pas aimé au bon moment, je n'avais pas respiré quand il l'aurait fallu. Cette soudaine réalisation de la réalité me fit perdre mes moyens et je sombrais alors dans des doutes desquels on ne pouvait pas sortir, puis décidais de ne pas m'en faire puisque je n'avais pas encore atteint mon but, toujours bien en vue et rassurant: tout irait bien quand je l'aurais atteint.
   Pleine d'une énergie nouvelle et sûre de moi-même à nouveau, je repris mon chemin en tâchant, cette fois-ci, de faire attention où je marchais et aux gens que je rencontrais. Je fis de mon mieux pour être moi-même sans pour autant mettre la totalité de mes cartes sur la table.
                       Au fond, ce n'était pas de la fin ni de la mort dont j'avais peur, mais de la vie.