L'hiver touchait à sa fin. Les arbres du lointain étaient encore dépoullés de leurs ornements et le vent glacial tendait à se rechauffer a mesure que les jours s'écoulaient.

J'étais dans le train qui me ramenait de Paris lorsque j'ai rencontré cet homme à l'allure peu soignée qui s'étaient grossièrement assis dans ma cabine, en face de moi. Les cheveux chatains mal peignés, un front assez imposant et des traits peu harmonieux lui conféraient un aspect pour le moins hideux que n'arrangeait guère sa vielle veste verte et son jean usé. Malgré ce premier abord plutôt désagréable, il disposait d'une certain mystère dans son oeil pétillant qui me fit immédiatement engager la conversation

_Quel temps désatreux n'est ce pas? Rien que l'idée de sortir de cette cabine me fait frissonner

_C'est vrai que mettre son nez dehors serait difficile. dit il d'une voix roque

Je vis sur l'étiquette de sa valise que son prénom était Valentin. Durant mon observation scrupuleuse, il prit une petite photographie qu'il avait enfouie dans la poche intérieure de sa veste. Il la posa sur ses genoux et versa une larme discrete.

_ C'est un mauvais souvenir?

_Non... plûtot une illusion perdue

_Je suis désolé d'être indiscret, lui disais-je sur un ton de gène, mais qui est cette personne     sur cette photo?

_Oh, fit il dans un long soupir, c'est une ancienne fiancée que je n'ai plus revue depuis trois ans alors afin de ne pas l'oublier, je garde précieusement son portrait sur moi.

_Je peux la voir?

_Bien sur. Me dit il en me tendant la photographie

En prenant entre mes doigts le papier glacé, je vis le visage de l'ancienne fiançée. Dans une salle aux murs jaune pastel et aux fenêtre rouge se trouvait assise sur un canapé une jeune femme d'une vingtaine d'année. Au milieu de cette pièce aux allures de mas provençal, elle apportait une présence difficilement définissable. Elle avait des cheveux d'un roux que seuls les maitres italiens de la Renaissance auraient sû retranscrir et des dicrètes mais charmantes taches de rousseurs qui égayaient un visage joliment ovale. Sur l'extreme gauche se trouvait des étagères où étaient parfaitement alignées de multiples paires de chaussures de petites pointures, preuve irréfutable d'une grande féminité. Je m'étourdissais de cette élègance dégagée si naturellement. Valentin continuait à me parler mais je demeurais dans le mutisme le plus complet non par faute de volonté mais par faute de moyens car cette graçe naturelle ne pouvait laisser quiconque dans l' indifférence. 

_Mon Dieu, c'est la ou je descend, il faut que je sorte et vite!

Il quitta précipitamment la cabine me laissant seul avec la photographie. Je me suis levé et j'ai crié pour lui faire faire demi tour mais il était déjà parti.

Je me sentais à la fois coupable et bien heureux d'avoir en ma possession cette précieuse photographie. Je me suis donc décidé à la gardée. Cependant, pour que ma conscience s'apaise, je pris la décision de reproduire cette photographie quelque part. Deux jours plus tard, dans ma vieille ville de Picardie, j'ai fait appel à un ami qui avait une disposition certaine pour le dessin. Il prit quelques bombes de peinture et me rendit service en reproduisant sur le mur de la grande place le portrait géant de cette fille si troublante. Elle ne fut pas effacée pour mon plus grand plaisir et aussi pour celui des passants qui s'arretaient souvent devant elle.

Ce qui me toucha et me touche encore d'ailleurs, c'est que il y a peu, une écriture brouillonne et sans doute masculine s'est apposée au bas du portrait en y laissant ces mots "Merci de ne pas m'oublier" 

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