Et comment peut-on être belle quand, jour après jour, les médicaments, vrais tournevis chimiques, déchirent les entrailles et burinent les peaux, comment rester belle quand les espoirs s'envolent empaquetés par quelques cheveux qui se perdent, comment se sentir belle quand l'avenir se réduit aux jours que l'on coche, comment devenir belle quand on ne sait même pas qui on sera ?
La beauté n'existe pas, ce n'est pas une matière. La beauté est ce lien magique que l'on tresse entre ce qui existe et ce que nous en faisons dans notre esprit ou notre cœur, voire nos tripes. La beauté, c'est ce mélange entre l'énergie et le chemin, c'est ce qui parle sans mots et qui clignote sans lumière. La beauté, c'est la vie.
Et toi, tu vis. Toi, tu transformes chaque geste de ta vie en un acte de guerre contre ton cancer. Toi, tu additionnes des globules et des neurogénèses, des molécules et des cytolyses, en permanence, avec un courage que tu as dompté.
Toi, tu fabriques de la chair, tu t'enfantes, tu te grandis de tout ce que tu as vécu sans savoir qu'un jour tu en récolterais les fruits.
Toi, tu revis.
Le barrage que ta mort programmée avait dressé pour contenir définitivement ton sang, tes émotions et tes projets, explose doucement.
La vie qui coule désormais de tes yeux dans les dernières larmes de découragement est ce lien entre ce que nous imaginions et l'existence.
Le soleil qui éclate encore plus fort dans chacun de tes sourires est le discours que tu offres à ton entourage.
La force de tes bras autour de moi me redresse sur cette route magique, lissée d'un amour improbable, presque impensable.
Tu n'es pas belle parce que je t'aime, et je ne t'aime pas parce que tu es belle.
Mais tu es belle, et je t'aime.