La pluie frappait mon visage de sa froideur d'octobre. Le vent balayait mes courts cheveux noirs, complètement mouillés. Du sang glissait au bout de mes longs et minces doigts. L'orage cachait le soleil de ses nuages gonflés de haine grise et quelques éclairs grondaient parfois au loin. Les arbres dansaient dans un bruit absurde, comme s'ils pouvaient subitement parler.
Mon corps déambulait au sommet de cette colline, dont le nom m'échappe encore. J'étais là, avec seule compagnie mes songes et mes plaies ouvertes et brûlantes. Ma robe noire et déchirée avait déjà imbibé toute l'eau et tout le sang qu'elle avait put, et tourbillonnait lourdement autour de mes chevilles. Et pourtant je m'obstinais à rester là, fixant l'horizon, espérant sûrement un miracle quelconque. Un miracle, qui je savais, ne viendrait jamais. Mais l'espoir était la seule chose qui me restait.
Mon coeur de pierre avait peine à battre, et mon sang froid se répendait peu à peu par terre, sur la pelouse trempée. Qu'avais-je donc fait pour mériter cette vie? Cette presque mort? Depuis mon enfance, on m'avait pris d'assaut. On m'avait fait peur et torturé. J'avais eu une vie ingrate et sans pitié, alors j'avais espéré que ma mort soit douce, paisible, comme pour se faire pardonner. Mais non! Ma mort sera à l'image de ma vie: cruelle, douloureuse et solitaire! De toute façon, qui me regrettera? Qui pleurera cette créature immonde et sans coeur que nul n'a jamais aimer? Personne!
Mais ma mort ne viendrait pas. Elle ne viendrait jamais. Je suis coincé quelque part entre la vie et la mort et je èrre sur Terre comme un chien abandonné. Pourquoi? Parce que je suis la mort. Je suis condamné à souffrir de mes blessures pour l'éternité. J'aurais pensé qu'après cette vie abominable, on m'aurait fichu la paix. C'était idiot de penser cela. Non. Je meurs toutes les secondes de mon existence. Je suis prisonnier de ce corps dégueulasse pour... Je ne sais pas. Au lieu de périr en enfer, je désigne qui mourra. Je déteste cette tâche! Pourquoi moi?
Je regarde le ciel s'assombrir de plus belle, rendant le jour aussi noir que mes yeux. Mes yeux onyx où des larmes ont trop souvent coulées. Chaque jour, une nouvelle plaie s'ouvre sur ma peau, plus longue et plus profonde que la précédente. Mais je n'ai pas le choix. On dit que si la mort n'existait pas, il faudrait l'inventer. Baliverne! Que je me serais passé de ce triste destin! Depuis trop longtemps je tues.
Je plonge ma main moite et maigre dans ma poche et en ressort, malgré moi, un parchemin, où est habituellement inscrit le nom de la prochaine victime. Je le déroule avec toute la haine que peut contenir mon coeur et, à ma grande surprise, aucune goutte d'encre n'y fait surface. Je le tourne et le retourne, mais rien. Puis un bruit se fit entendre derrière moi.
Une jeune femme, un ange peut-être, se tenait sous le grand chêne qui parle. Elle était belle et si envoûtante qu'elle venait de devenir ma raison de vivre, peu importe qui elle est.
-Vous ne devriez pas rester sous un arbre dans de pareilles conditions. criais-je pour qu'elle m'entende sous la pluie battante. Le tonnerre frappe toujours les arbres.
Elle sourit, découvrant de magnifiques dents blanches qui contrastaient parfaitement avec sa peau foncée. Elle gambada vers moi.
Il avait beau pleuvoir, ses cheveux étaient aussi secs que le blé en été. Je ne pensais pas mériter une aussi bonne compagnie, sa simple vue me semblait être un péché. Elle arriva à ma hauteur et se trouvait désormais à quelques centimètres de moi, me faisant oublier complètement ma douleur de mourir.
-Tu as tord. me dit-elle de sa voix douce et mélodieuse.
-J'ai tord? De quoi ai-je tord? demandais-je, totalement fasciné par ses yeux verts.
Elle pris mes mains dans les siennes. Comme elles étaient chaudes!
-Moi je t'aime.
Et enfin, je pus mourir au complet.
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Commentaires :
pseudo : Minotaure
Si je dis : morbide, ça risque de faire rire ;-) C'est pas trop ma tasse de thé ce genre de texte, mais j'avoue que celui-ci est assez prenant et bien mené.
pseudo : Hell
J'aime beaucoup ton texte, il est bien écrit.
pseudo : Denis
Eros et Thanatos, j'aime assez le contraste. Merci.
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