Désir intense, sans expérience.
Comment comprendre ce qui se passe,
Nos deux corps se ressemblent
Trop
Le plaisir d’aimer est plus fort que la raison, le désir devient passion
Mes lèvres te cherchent, et ta peau me guide…
Je tape ces quelques mots frénétiquement sur le clavier de mon ordinateur, mais je ne comprends toujours pas ce qui s’est passé. J’attends avec impatience et angoisse que mon téléphone sonne, je le regarde avec agressivité, lui reprochant de rester muet.
J’essaie de remettre de l’ordre dans les souvenirs brumeux d’hier soir. Un verre en avait entraîné un autre pendant des heures trop courtes. Tu me déshabillais de ton regard de femme-enfant. Tu me souriais, tu te rapprochais pour mieux entendre ce que je chuchotais volontairement, et nos joues se frôlaient : première caresse.
Est-il possible que j’aie mal interprété tes regards ? Non, sûrement pas, tu avais envie de moi autant que j’avais envie de toi.
Les mots que nous avons pu prononcer sont effacés de ma mémoire, je ne me souviens que des gestes : ta main sur ma cuisse, inconsciemment peut-être, mon pied près du tien, nos genoux qui se touchent. Et ce tabouret trop haut, trop inconfortable. Je me lève, je m’approche de toi, tu ne me quittes pas des yeux, moi non plus, je m’avance vers toi, tu es toujours assise, tu es tellement grande sur ce tabouret. Grande et belle. Tes yeux marron clair sont purs et pourtant séducteurs, ravageurs, et je le sais aujourd’hui, destructeurs. Tes lèvres m’attirent, ta peau m’appelle. Tu as l’air détendue, mais ton stress se trahit. Tu n’arrêtes pas de tapoter ta cigarette sur ta cuisse, tu le fais toujours quand tu es nerveuse ou gênée. Je me souviens tout à coup que nous ne sommes pas seules, et ça m’angoisse. Il me faut une excuse pour sortir de ce bar, pour abandonner les autres, ceux qui nous observent du coin de l’œil depuis des heures : « Je n’ai plus de cigarettes, il en reste dans ma voiture, tu m’accompagnes ? »
Enfin seules. Il doit être 23h. La lumière des lampadaires fait briller tes yeux, je savoure ta présence avec délectation. Je ne comprends pas ce qui est en train de se produire, je n’imagine pas encore ce qui va se produire. Ton rire flotte dans l’air et attise mon désir. Ta peau est parfaite, je la caresse déjà doucement, tendrement mais tu ne le sais pas. Le trottoir est étroit, tu es tout près de moi. Je cherche mes clés. J’ouvre la portière sans cesser de t’observer. J’attrape rapidement ce paquet de cigarettes. Tu es là, j’ai envie de t’embrasser et je te le dis. Tu es très étonnée, tu réagis à peine mais tu te laisses embrasser. Tu me rends ce baiser, je le sens encore sur mes lèvres, dans mon ventre. Mon pouls s’accélère, le temps s’arrête, il a compris qu’il était de trop. On s’enlace, on se caresse comme des enfants qui découvrent la sensualité. Ta peau est douce, tes lèvres sucrées... On tourbillonne. On s’arrête un instant pour se regarder, pour se parler, un instant. J’ai oublié ce que nous nous sommes dit. Je ne me souviens que de tes yeux brillants d’alcool et de plaisir. Tu souris, tu me plais. Et on s’embrasse encore, tu me caresses le visage doucement, j’ai posé mes mains sous ton pull, sur ta peau douce et ferme. Je sens ton corps contre le mien, je ne veux pas que ça s’arrête, je ne veux surtout pas que tu puisses regretter tes gestes. Et tu ne les regrettes pas encore.
Et puis il faut rentrer, retourner dans ce bar enfumé, revoir les amis qu’on a abandonnés, et qui devinent tout de suite ce qui s’est passé : « Vous en avez mis du temps ! Ne me dites pas que vous vous êtes perdues ? » Bien sûr que nous nous sommes perdues. Nous nous sommes perdues dans nos émotions, nos sensations, notre désir. J’aurais préféré ne jamais retrouver le chemin de la raison, c’est tellement bon de se perdre avec toi !
Il faut partir à présent, le bar ferme. On a tellement bu que la patronne nous lance : « Revenez quand vous voulez, vous serez toujours les bienvenus ! » On s’en va avec les autres, on n’a pas besoin de se cacher devant eux, on n’en a surtout pas envie. Il est 1h30 maintenant, on se dirige vers la boîte la plus proche, une boîte gay, comme par hasard. Et là tout s’accélère, tu es séduite, charmée, mais ce n’est plus moi qui t’attire. Elle est là, elle était avec nous depuis le début de la soirée, je n’avais pas remarqué qu’elle te désirait. Je l’aime tellement que je ne peux pas lui en vouloir. Je remarque très vite qu’elle te plaît aussi. Je m’efface petit à petit. Tu continues de m’embrasser de tout ton cœur. Je pose mes mains sur ton dos, sur ton ventre, j’y découvre un piercing tellement excitant, je te veux. Mais je sais que ce plaisir est éphémère. Ta liberté est ta plus belle qualité. Je me rends compte que je la déteste.
Et ce téléphone qui reste muet ! Je retiens mes larmes, je te sens toujours sur mes lèvres et en fermant les yeux, je peux encore croire que ta peau est entre mes doigts. A quoi bon ? Tout est terminé. Notre histoire est morte dans l’œuf.
Je me suis réveillée sans toi ce matin, et j’ai voulu hurler. Tu étais dans la pièce voisine avec elle. Tu as dormi avec elle. Je savais que tu le ferais avant de me laisser assommer par l’alcool. J’aurais tellement voulu me tromper, avoir fait un cauchemar et te retrouver, toujours si belle, près de moi pour me consoler et me rassurer de ce mauvais rêve. Il est 8h30, j’ai dormi trois heures à peine. Il ne faut surtout pas que je pleure ou que je laisse voir le moindre soupçon de tristesse. Elle a de la chance, toi aussi. Je dois absolument m’en persuader avant de vous croiser. J’essaie de me rendormir, je somnole à peine, le temps passe, les heures tournent doucement. C’est ahurissant de voir à quel point le temps est relatif, ça dépend du moment que l’on vit. Le bonheur est si bref, si vif, la mélancolie si interminable, si douloureuse. Le temps s’amuse avec nous, il se joue de nous, et on ne peut rien contre lui. Quand il n’efface pas nos souvenirs, il fait tout ce qui est en son pouvoir pour nous les envoyer au visage comme des gifles violentes et inattendues.
Il est midi. Je la croise dans la cuisine, elle est désolée, et moi alors ? « C’est pas grave, je suis blindée. J’aurais fait la même chose à ta place. Et plutôt deux fois qu’une. » J’aurais tellement aimé être à sa place !
Et ce téléphone qui ne sonne pas, il reste obstinément muet. Ce n’était pas la première fois que j’embrassais une fille, mais c’était la première fois que j’avais autant envie d’un couple. J’ai envie d’elle et de toi aussi bien sûr. Séparément, je manque trop d’imagination… Elle est si belle quand elle s’excuse, quand elle me parle comme à sa petite sœur, quand elle me materne. J’ai envie d’elle, mais pas de la même façon que j’ai envie de toi. Tu as presque le même âge que moi, elle a treize ans de plus. Son charisme m’éblouit, sa personnalité m’épate et sa délicatesse m’excite. Je l’aime moins que je l’admire. Je t’aime autant que je te désire. Mais vous êtes ensemble, et je sais que je suis de trop.
Il faut que je dorme maintenant. Cette aventure n’est pas terminée, il faut que je me repose. J’éteins mon portable, il ne sonnera plus maintenant.
La nuit porte conseil dit-on. Pourtant j’ai l’esprit tout aussi torturé qu’hier. Pas de message sur mon répondeur. Je n’en peux plus, je ravale cette fierté qui m’a fait tant de mal, je compose ton numéro. Je ne le termine pas, j’ai peur de t’entendre, ou plutôt j’ai peur que tu ne répondes pas. Que puis-je faire ? J’appelle quelques unes de mes amies, je leur explique ce qui s’est passé, du moins j’essaie. Toutes me disent de ne pas t’appeler, de l’appeler elle que je connais mieux, qui me connaît mieux. Mon esprit de contradiction est très développé, je t’appelle. « Bonjour madame, bien dormi ? Moi non plus, quelle soirée ! Pas trop malade ? T’es sortie hier soir ? Moi j’étais trop fatiguée… » Et nous voilà parties pour dix minutes de banalités… Enfin tu proposes qu’on se voie, demain, pour tout mettre à plat, il paraît que tu as beaucoup de choses à me dire. Encore une nuit blanche.
Il est 14h, dans une heure nous nous retrouverons face-à-face. J’imagine la scène : nous serons aussi gênées l’une que l’autre, tu culpabiliseras ; je rêve un peu : tu me diras que tu regrettes ce qui s’est passé, que c’est moi qu’il te faut ; je divague complètement : on sera obligé de se cacher pour ne pas lui faire de mal…Je me rends compte que je me mens. C’est impossible que je prenne sa place. Je voudrais tellement m’immiscer entre vous deux.
Il faut que je bouge, je ne tiens plus en place. J’ai passé une nuit horrible et pourtant je ne suis pas du tout fatiguée. J’ai envie de hurler, de frapper, il faut que je bouge. Je descends les escaliers en courant. Je remonte aussitôt, j’ai envie d’écrire. Il faut que je fasse quelque chose pour ne plus penser à toi. Je me sens tellement mal en ce moment que je ressens le besoin physique de relire un poème que j’avais écrit une nuit d’insomnie. J’allume mon ordinateur, et après quelques manipulations, il s’affiche à l’écran :
Pendue au fil du temps qui se consume
Sa vie n’est que cendres d’un passé si simple
Et braises d’un futur déchu.
Suspendue aux lèvres de l’enfer, elle accuse Dieu
De l’avoir oubliée
Et invoque Satan
Qui l’a guidée.
Un courant d’air la fait bouger, ses bras vers le sol,
Son esprit est aux cieux
Son corps remue encore un peu dans un sursaut de survie,
Encore un peu…
Ses yeux ne peuvent toujours pas se fermer sur ce monde ingrat
Son corps remue encore un peu,
Puis se raidit de cet orgasme ultime et muet :
Elle jouait de la vie, elle jouit de la mort.
Elle a troqué sa rivière de diamants froids
Contre la chaleur de cette corde sèche.
Un courant d’air la fait bouger, ses bras vers le sol,
Son esprit va bien mieux.
Je n’ai pourtant pas envie de mourir, j’ai l’impression d’être dans un monde parallèle, un monde étrange où je ne maîtrise pas ma propre vie. J’ai peur de te revoir, je te désire toujours. Je me souviens de mon réveil douloureux sans toi, j’aurais dû prendre une douche froide pour me calmer. Maintenant c’est trop tard, je suis complètement frustrée, vexée, presque humiliée de ce qui ne s’est pas passé entre nous. Il ne faut surtout pas que j’y pense tout à l’heure.
Il est 14h30, il me faut un quart d’heure pour aller jusqu’au parking où nous nous sommes donné rendez-vous, je pars. Je n’en peux plus, je voudrais accélérer le temps. Je suis déjà à mi-chemin, tu m’appelles pour me prévenir que tu auras dix minutes de retard. « C’est pas grave, je t’attendrai. » Il est 14h45, il me reste vingt-cinq minutes d’attente, c’est inhumain. Il faut que je bouge. Je vais me balader dans les couloirs de la fac. Je lis deux ou trois informations qui ne me concernent pas. Je monte au deuxième étage. Je croise une connaissance avec qui j’échange quelques futilités. Je reviens sur le parking, tu n’es toujours pas là. J’allume une cigarette, tu arrives. Tu es belle. Tu as l’air fatiguée, mais tu es tout de même magnifique.
J’éteins ma cigarette, tu regardes le sol, tu as l’air d’être gênée. Puis tu lèves les yeux, et tu me souris. Je n’ai pas envie de parler, je pourrais rester des heures à t’observer, je sais déjà que tout est fini. Avant que tu arrives, j’avais imaginé les mots qu’il me faudrait utiliser pour ne pas te brusquer, te choquer, ou pire t’agacer. Je voulais tout faire pour te plaire, je me rends compte à présent que je dois tout faire pour ne pas te déplaire.
On s’embrasse poliment. Ça change… Le rire nerveux qui t’envahit m’agace, le pire c’est qu’il est communicatif. On échange beaucoup de banalités, en riant bêtement, comme ces pétasses des sitcoms que je déteste. On choisit enfin un café pour discuter. Il est sombre, bien décoré, trop bien. Les tables sont petites et rondes, les fauteuils confortables et snobs. Nous jurons avec ce décor. Nous discutons pendant deux heures pour arriver à la conclusion suivante : c’était bien, à recommencer un jour, mais pour l’instant tu es très bien avec elle, désolée. J’ai toujours détesté les « mais ». Tout ce qui les précède est paradisiaque, ce qui les suit apocalyptique.
On se revoit bientôt, je ne veux pas que tu partes et je te le dis. Pendant ces deux heures, tu m’as dit plusieurs fois que je n’avais pas peur d’utiliser les mots les plus expressifs. Je sais que ça te gêne, c’est une sorte de vengeance pacifiste, non-violente. J’ai eu tellement envie de frapper, de hurler, de cogner… que je préfère maintenant être très directe, te mettre très mal à l’aise, te donner l’impression que tu es très peu ouverte, que moi je « m’y connais », c’est idiot, mais ça me soulage. Et ça marche, à la fin de notre conversation, tu me fais entendre que je ne te laisse pas de marbre. Et c’est là que tout commence.
"Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est interdite"
Style : Nouvelle | Par tevenn de kerscao | Voir tous ses textes | Visite : 1284
Coup de cœur : 11 / Technique : 10
Commentaires :
pseudo : obsidienne
ah, te revoilà... Tout commence toujours quand on aime, et ne s'arrête jamais, tant qu'on aime.
Nombre de visites : 32269