La vie est une sucrerie

Il neige. Il neige sur la gare, Pontoise se couvre de sucre glace comme un gros gâteau. J'avance sur le quai blanc, la réglisse de mes chaussures se régale. Je les secoue un peu tandis que je les réprimande sur leur goinfrerie. Certes, ce n'est pas tous les jours qu'un tel festin s'offre à elles, mais est-ce une raison pour s'empiffrer ?
Je monte sur la passerelle toute recouverte de crème vanille. J'en prends une noisette, ou peut-être une noix, je suis gourmand. Elle est meuble ; douce et fraîche dans mes mains.
Une soudaine envie de cuisiner m'envahit, infantile mais véritable. Cette noisette -ou cette noix- a l'air si goûtue, pourquoi ne pas en accommoder ces wagons qui passent et repassent inlassablement ? Ce sont de beaux blocs de pain d'épice, tantôt flanqués de smarties, tantôt de zestes d'orange. Parfois, on déplore le mauvais goût de quelque apprenti pâtissier qui, ayant abusé du sirop d'érable, s'est essayé à la décoration douteuse de nos chers pains d'épice. Je vais arranger ça.
Une, deux, trois noix lancées dessus, ma crème vanille s'est transformée en éclats d'amande. Ça fait remonter le sourire en pâte de fruit des bonshommes (de pain d'épice également) dans les wagons.
Mon arrière-grand-mère disait toujours : «Mange ! Tu sais pas qui t‘mangera !» Et c'est vrai. Je ne sais pas qui me mangera. En attendant, je croque à pleines dents cette sucrerie qu'est la vie. La Terre est une boule de gomme, nous en sommes les artisans et les masticateurs invétérés.