Quelle frayeur que la disparition soudaine de ton corps, quel effroi à l'idée de ne plus contempler ton cœur, quelle épouvante de ne plus dialoguer avec tes sentiments ! Un jour sans doute, tu auras cette cruauté absolue de souffrir mille morts en une seule pour détruire tout ce que nous avons patiemment élaboré, un jour, ton cancer (je ne parle pas de celui que tu as vaincu) prendra ma place et balaiera tous mes mots dans des jugements définitifs, un jour cette maladie épouvantable brûlera inexorablement tous les fils que nous avons tricotés pour nous réchauffer ensemble. Un jour, ta jalousie éclairera de sa lueur morbide le cimetière de nos mots doux et des attentions si touchantes, des moments inoubliables sur lesquels pleuvra la sclérose des livres qui ne s'ouvrent plus.
Alors en attendant, je m'entraîne et je m'abandonne à tes bras, je me réfugie dans tes envies, je dévore ta joie de vivre, je me laisse bercer par ton indolence. Je m'abandonne en toi quand tu m'accueilles avec cette certitude d'éternité, je m'abandonne dans tes sourires quand tu me croques, je m'abandonne à tes réflexions ironiques, je m'abandonne à la gourmandise que nous travaillons patiemment à coup de crème, de sucre et de beurre, je m'abandonne à la lecture de notre poésie, je m'abandonne à tes caresses énergisantes, je m'abandonne à tes espoirs.
Que c'est bon, l'abandon...