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La Belle et le paysan par ASSIA

La Belle et le paysan

 

La Belle et le paysan 

 

C'était en pleine campagne, la canicule était à son paroxysme. Le soleil était très haut dans le ciel, et il brûlait les collines de ses rayons droits et terribles. Les pierres éblouissaient et miroitaient. Le monde est au repos, se prélasse, et fait sa sieste.

Sous un grand olivier ancestral, qui n'est fait que pour vivre en paix, dans la lumière du jour, l'amitié du vent, de la pluie, du soleil et de l'ombre,  dont les racines, aspirant tout de son âme, un paysan somnolant, et goûtant les plaisirs de son propre anéantissement, regardait dans le vague sous les paupières comme pour sauvegarder la dernière image de l'horizon. Et subitement il voyait apparaître au loin sa belle. Il la voyait venir ver lui ; rien que pour lui. Forte et fière comme ce disque lumineux dans le ciel, elle avançait à travers le champ désert. Seule vivante en cette heure d'amour, sous l'immense azur et faisant dans cette lumière aveuglante de midi, une tache encore plus éclatante, et noircie par son imposante chevelure.

Elle balançait mollement son torse si mince sur de larges hanches. Et avançait vers l'arbre, vers l'ombre, vers l'homme. Sa robe de chèche collante, était d'un ton clair et jaune vif, et couvrait difficilement son corps ténébreux et agressif, en moulant agréablement toutes ses rondeurs dont la nature l'avait dotée si généreusement. Le poids de sa chevelure noire tirait sa tête délicate en arrière, pour lui donner un air triomphant. De lourdes pendeloques en argent massif, se balançaient joyeusement à ses mignonnes oreilles. De temps à autre une brise douce et tiède, soulevait par un pan sa robe flottante pour montrer une peau très blanche de sa jambe luisante et superbe ;  et son pied pareil au pied de marbre d'une déesse personnifiée, imprimait  fidèlement  sa forme  sur la terre  friable du  champ  qu'elle  traversait. Elle était si prodigieusement belle, et si coquette, que le plaisir d'être admirée lui faisait oublier qu'elle marchait pieds nus. Elle souriait d'un beau sourire, comme si l'homme dans l'ombre, qui l'admirait de loin, lui servait de miroir reflétant sa démarche et sa beauté.

Quelle est, donc, cette puissante raison qui fait venir cette splendide tigresse, très belle et fraîchement parée, portant à son bras un panier à provisions, à l'heure où les reptiles eux même gémissaient de douleur sous un soleil ardent qui les pique et les mord ? Pourquoi avait-elle quitté l'ombre et la fraîcheur de sa petite chambre si coquettement arrangée, dont les fleurs et les nattes font à peu de frais un parfait bouloir où elle prenait tellement de plaisir à se peigner et à se faire belle devant son petit miroir de poche, pendant que des oiseaux battraient leurs ailes à quelques pas de sa fenêtre, ajoutant à ses rêveries  un agréable chant, semblable à une sérénade d'amoureux ?

Au fur et à mesure qu'elle s'approchait de l'arbre, de l'ombre et de l'homme, une chaleur douce l'envahit, une langueur heureuse la surprend. Elle se pressait à longue enjambée, balançant le bras libre. Ses hanches roulaient avec une merveilleuse douceur ; et elle sourit toujours comme par devoir.

L'homme semblait perdu dans un grand rêve tranquille. Il avait accompli une rude besogne, gratté, raclé, nettoyé toute une face du champ et entassé la mauvaise herbe en plusieurs endroits. Il regardait, le tout d'un œil admiratif et satisfait de sa journée, pensant qu'elle, aussi serait fière de lui.

Toujours allongé, il la voyait s'avancer dans le prolongement du champ. Il l'avait reconnue aussitôt à sa robe. Il l'avait reconnue parce qu'elle est très grande et qu'elle était la seule à avoir ce jet pur et souple des jambes, cette oscillation de hanches dans la douceur et la souplesse d'un fauve. Il l'avait reconnue parce qu'il l'attendait impatiemment et il était heureux de la voir enfin arriver. C'était toujours une chose merveilleuse que ce reflet de joie au fond de son œil qui ne voyait en elle qu'une lumière grandissante, faisant de plus en plus étinceler de lourds bracelets qui entouraient de très belles mains blanches dont les doigts longs sont marqués d'un rouge argenté aux ongles. Son sang bondit vers son cœur avec des palpitations et des pulsations précipitées et brûlantes. Il se leva, s'épousseta et s'arrangea au mieux pour l'accueillir joyeusement. Il quitta sa retraite et l'apercevant, elle s'avança vers lui d'un pas égal et agile. Sa gorge était pleine. Sous le déploiement de sa robe, la noble avancée des jambes déplaçait le dessin épanoui d'un très jeune et beau corps qui tenterait plus d'un amoureux.

Le mouvement gracieux qu'elle fait pour poser délicatement devant lui le panier à provision, lui donnait  l'air d'avoir fait une révérence. Ensuite, en se relevant, leurs regards se croisaient, elle baissa la tête et détourna son visage. Puis, ils rirent tous les deux de ce rire enfantin comme deux enfants heureux. Ce rire qu'elle roulait dans sa gorge renversée et ses dents se mouillaient d'une blancheur éclatante. Son visage s'éclaircissait de son beau sourire quand il lui indiqua une natte et l'invita à s'assoire au pied de l'arbre. Elle s'avança et s'assaillait à coté de lui le dos appuyé au tronc de l'olivier, sa robe légèrement étalée  autour d'elle, joignant les mains sur les genoux, elle l'écoutait raconter, comme un enfant, tout sur sa journée et sur leur avenir certain. Elle l'écoutait attentive à toutes ses paroles. Elle l'écoutait par respect parce que c'était lui l'homme et que son devoir était de l'écouter docilement et sans commentaire.

Ils demeurèrent ainsi sous l'olivier où il y avait un semblant de fraîcheur. Un soupir de vent tiède à peine exhalé glissait sur les feuilles et les branches de l'arbre protecteur, dans un léger murmure froissé pendant que le couple s'y reposait en attendant d'entamer la surface du champ encore recouverte d'herbe sauvage.

L'homme éreinté, s'assoupissait lentement, pendant que la belle, distraite par une rêverie consolante, qui l'éloignait subitement de l'homme, du champ, et de tout ce milieu paysan qu'elle détestait, et rebutait ,un milieu dans  lequel un sort malheureux, l'obligeait à vivre malgré elle. Son  visage change d'expression. Son regard devient mélancolique, son esprit quitte le monde réel, pour vivre dans un monde propre à elle. Elle s'était peu à peu, perdu dans ses pensées fastidieuses de jeune femme triste, victime d'un sort impitoyable.

Fouinant dans tous ses souvenirs, elle n'avait trouvé aucun événement heureux qui peut la consoler. Sa mémoire ne l'avait entraîné que vers des histoires légendaires que sa grand-mère lui racontait quand elle n'était qu'une enfant. Et une légende bizarre surgit subitement de son esprit. Cette légende disait, qu'une fois par année, quand le ciel perd tous ses nuages, deux étoiles géantes, l'une venant de l'orient et l'autre venant de l'occident, surgirent. Elles parcourent le ciel pour venir se rencontrer sur le toit du monde. Et juste au moment où elles se forment en une seule et grande étoile très brillante, quiconque les voit s'unir, verra se réaliser tous les vœux qu'il formule au même instant.

« Moi ! Se disait-elle ! Je ne vais pas demander des pâturages ou des champs, ni des troupeaux. Je ne demanderai rien de cela. Je n'en veux ni or ni argent et je ne veux pas de terre, non plus. Si je voyais un jour ces étoiles s'unir, je me précipiterai à demander de l'instruction pour pouvoir vivre libre, ailleurs, une vie heureuse, en femme du monde ,loin de ce village maudit, loin de tous ces gens tristes, et  loin des miens. Comme le vent, dans le luxe, et à mon aise, et.......... » Elle n'avait, malheureusement, pas eu le temps de finir  quand la voix de l'homme la fit sursauter. Se voyant privé même de son rêve, elle avait envie de  pleurer.

Le soleil se rapprochait de la terre à l'horizon, faisant une lumière argentée qui rallongeait les ombres encore plus vers l'est. L'homme reprenait le travail pendant que la belle s'activait à remettre de l'ordre dans son panier, pour ensuite le rejoindre au champ et l'aider en rassemblant au moyen d'une fourche à foin, toute l'herbe fauchée qui jonchait le sol.

Le soleil glissait toujours sur la pente du ciel et commençait à s'enfoncer derrière la colline laissant derrière lui une lueur rougeâtre qui annonçait la canicule du lendemain. Il avait complètement disparu quand la belle et le paysan cessent  de travailler.

 ASSIA

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Coup de cœur : 9 / Technique : 7

Commentaires :

pseudo : Fabrice

Que j'aimerai tant être ce paysan voir ce doux visage sentir son parfum de l'orient si ennivrant. Merci de me faire rêver

pseudo : ASSIA

ton rêve donne vie à ce texte et c'est but de te transporter vers cet espace intemporel qu'estle rêve. MERCI