Entre chaque page du livre,

J'ai placé un pétale,

Tout cela  me délivre

De mes amours fatales.

En ouvrant au hasard,

J'égrène les souvenirs,

Les soirées de cafard,

L'angoisse du devenir.

Je vois entre deux pages,

Un amour de jeunesse,

Ninon qui donne en gage,

Un morceau de sa tresse.

Plus loin c'est Amandine,

Parfumée à l'ancienne,

Sa bouche grenadine,

Son air de parisienne.

En feuilletant encore,

J'aperçois Stéphanie,

Une petite pécore,

Une virgule dans ma vie.

Je reviens en arrière,

Cachée par le papier,

La timide caissière,

Perdue dans mon cahier.

J'évite sans le savoir,

Cette page cornée,

Elle fut mon désespoir,

Ma souffrance en apnée.

Cette page m'attire,

Un feu sur du papier,

Une fille qui fut pire,

Qu'un dangereux guêpier.

J'ai envie de jeter,

Ce pétale maudit,

Ou de l'étiqueter,

Comme un charmant bandit.

Et un peu dans le noir,

Sur le papier froissé,

Farah sur le trottoir,

Des longues rues d'Alger.

Que sont-elles devenues,

Ces filles si peu fidèles ?

Ces images disparues,

Ces têtes sans cervelle ?

Je referme le livre,

Je pense à la mutine,

Au pétale qui m'enivre,

A la jolie Sandrine.