C'est toujours le même jour, c'est toujours le même parc, c'est toujours le même banc...

Toujours les mêmes oiseaux, toujours les mêmes fredonnements d'ailes et toujours les mêmes chants.

Toujours les mêmes saules couronnés de pleurs, toujours les mêmes troncs douloureux, les mêmes feuilles couleurs d'or fondu, comme coulées dans le lit d'un éternel automne.

Toujours un peu de vent - trop peu pour les frissons, pas assez pour les frémissements -, toujours le même soleil de crépuscule, toujours les mêmes nuages d'un rose tâché de sang, toujours le même parfum d'herbe et de terre humide... Et toujours des gouttes de rosée du matin jusqu'au soir, ou des perles de pluie, ou des larmes oubliées, ou de l'eau de diamant...

Au-delà : toujours la même mélancolie, toujours le même silence, toujours les mêmes refrains, toujours le même tableau, toujours les mêmes nuances, comme une œuvre dans laquelle personne ne peut entrer à moins d'en faire déjà inconsciemment partie.

C'est toujours le même parc. C'est toujours le même banc. C'est toujours moi. Surtout, surtout, c'est toujours elle. Un petit bout de femme au regard nostalgique, aux yeux pleins de courage, au front blanc, fier et franc, un rêve attardé, en suspens, suspendu au bout de ses lèvres - et des morceaux d'étoiles jusque dans ses cheveux -. Tous les soirs, elle vient là, elle s'installe, elle retient sa respiration, elle fixe les cieux et attend sans attendre - peut-être quelqu'un, peut-être un homme, peut-être son prince charmant ou peut-être un carrosse, peut-être un cheval blanc ou seulement une réponse, ou simplement un signe ou peut-être son destin, qui sait ? -, mais malheureusement, rien ne vient jamais et toujours, elle repart, d'un pas digne et déterminé, plus nostalgique encore, mais pas moins courageuse, se fondant dans une nuit qui, elle aussi, tarde à venir.

J'ai vu tellement d'espoirs filer dans son regard, tellement de lunes et de comètes, tellement de soupirs retenus, de visages d'êtres chers - certains dilués dans le temps, d'autres qui ne s'effacent pas et qui ne s'effaceront jamais -. J'y ai lu tant d'histoires, des belles, des tristes, des finies à jamais et d'autres qui ne commencent qu'à peine. Je m'y suis souvenu de toutes les poésies que j'ai jamais apprises et j'y ai découvert toutes celles que je n'avais pas lues, strophe après strophe, vers après vers, mot d'amour après mot d'amour... Tant de lieux, tant de soleils, tant de chemins et par-dessus tout...

Qui elle est ?

Je l'ignore.

Ce qu'elle fait là ?

Je n'en sais rien.

Ce qu'elle recherche ?

Je ne peux que l'imaginer, alors je l'imagine, alors je la devine tandis qu'elle semble compter les feuilles des arbres, ou les courbes des nuages, ou les déclinaisons de rouge du coucher du soleil...

Quelqu'un viendra un jour, c'est sûr. C'est pour ça qu'elle est là.

Quelqu'un viendra un jour, peut-être pour remplacer quelqu'un qu'elle a perdu ou parce qu'elle n'a jamais trouvé celui qu'il lui fallait. Quelqu'un viendra un jour, car quelqu'un vient toujours. Quelqu'un viendra, c'est obligé.

Et Dieu seul sait qui ce sera.