La création, c'est d'abord une musique.
Chaque être humain possède son propre ton, sa propre mélodie, ses propres harmoniques qui guident la partition qu'il va jouer tout au long de sa vie. Parfois, ces partitions et ces musiques sont en accord, en résonance, presque identiques et relient les individus... Parfois, aussi, elles dissonent, ne s'accordent pas, se contrarient et ouvrent des gouffres, des incompréhensions, de la méfiance ou du mépris.
Or créer, c'est laisser s'exprimer cette intuition profonde et douloureuse, cette aspiration à propager, à étendre, à répercuter sa propre musique à l'extérieur de soi pour la préserver, la rendre plus authentique, plus éternelle, cette volonté de la faire exister au-delà d'une seule et unique existence, de lui donner une matière, un corps, une identité. Pour ne plus se sentir "sans rien", souvent, pour ne plus être soliste au milieu de l'orchestre, pour donner à voir cette âme, cette partie de soi qu'on sent cachée aux yeux des autres et qu'on voudrait pouvoir montrer, ou pour avoir le droit d'exister dans notre différence...
En imposant ainsi sa note au monde, le créateur tente de produire, de rencontrer ou d'entraîner une résonance, de tisser un lien entre sa musique et celle de l'autre, d'y trouver un écho, un complément, un prolongement pour, enfin, faire de cet "autre" un écho à part entière, l'amener à se reconnaître en lui (en eux deux), à s'identifier, à gommer la différence entre le semblable et le dissemblable. Ceci : en s'appropriant très subtilement cet autre, en le « changeant » de l'intérieur, en le remodelant à son image, insidieusement, de la plus agréable et douce des façons. C'est, d'une certaine manière, se donner soi à son semblable, mais c'est aussi vouloir transformer ce semblable, le recréer, estomper les frontières individuelles, créer un lien qui transcende les limites humaines, renouer un hypothétique lien primordial, exister dans, par, et à travers notre prochain...
C'est à la fois une aspiration inconsciente profondément altruiste et désespérement égoïste, un acte généreux et mesquin. C'est vouloir se créer un monde qui tourne autour de soi, qui réagisse à sa musique, qui joue en fonction d'elle.
Mais c'est aussi, et heureusement, vouloir (pouvoir ?) unir "par soi", donner plus d'harmonie, plus de sens à la partition à l'échelle collective.
Relier...
Par l'âme, plus que par l'intérêt.
Ainsi, peut-être, à force : jouer un monde plus beau.
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Style : Réflexion | Par L. | Voir tous ses textes | Visite : 682
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Commentaires :
pseudo : ficelle
sans aucun doute, sinon à quoi cela servirait-il ? je ne sais pas !
pseudo : Brestine
Je crois que tu as parfaitement raison L...
pseudo : L.
@Ficelle : Là se pose une autre question cruciale : l'art doit-il "servir à quelque chose" ? Peut-être y répondrons-nous ailleurs. En tout cas, je pense qu'elle vaut d'être posée ! @Brestine : c'est mon ressenti, en tout cas. ; ) Peut-être que je donne ici l'impression de vouloir asséner ou imposer ma vérité mais il n'en est rien... Juste partager celle-ci. Voire trouver d'autres personnes qui la partagent... Et peut-être, au fond, "créer un écho", encore !
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