Emmène moi faire voler nos cerfs-volants, montre moi les volutes possibles et comment ils arrivent à se frotter le nez. Nous ne sommes pas seuls, c'est une vraie forêt de fils, les uns droits tendus et vibrants, d'autres plus lâches et plus obliques trament cet air impalpable et offrent au soleil toutes les couleurs chatoyantes, images des touts petits hommes qui courent en riant au bout de leurs élingues. Ces drôles d'oiseaux sont curieux, aucun n'a la même forme, certains, comme disciplinés, volent d'une façon gracieuse, sans aucun écart, d'autres plus biscornus sautent de droite à gauche en multipliant les courbes étonnantes, menaçant de tomber sans cesse et toujours relevant le nez pour redescendre. Mais ils volent tous, même les plus petits frayent leur chemin aérien, baladant au bout de leurs fils des pantins qui se ressemblent. Dans ce ciel transformé en océan par ces voiles assoiffées de liberté, la vie s'organise autour de ce souffle féérique qui tourbillonne, qui monte, qui s'affaisse et qui reprend. Il y a bien quelques accidents, des armatures lâchent, des toiles se déchirent mais la vague ne faiblit pas. Parfois quelques fils se croisent, s'emmêlent et entraînent dans une même course des esquifs différents, d'autres fois, ces volatiles amusés prennent de la hauteur et couvent leurs semblables. Les trajectoires sont toutes différentes et se croisent avec un égal bonheur dans un bruit uniforme, léger, comme un dialogue intime.
Mais, tu ne m'avais pas dit, ce sont nos sentiments...