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L'aveu de Roberta -7- par VIVAL33

L'aveu de Roberta -7-

 

 

 

Roberto le crapaud Sage, qui vit dans le jardin de Elle, vient de recevoir une nouvelle lettre de Roberta (cette jeune femme éprise de lui qui, par amour a accepté de se métamorphoser en Dame crapaud)...

Et puis... il y a eu des tonnes d’embrouilles dans le jardin, avec les nains:

Entre Gerhard, Blanche-Neige et Bambi c’est la guerre...

                       ( un peu de résumé des épisodes précédents )

 


 

 

 

“ Monsieur Roberto, il faut que je lave ma conscience:

J’ai fait des bêtises.

Des bêtises parce que je n’ai pas l’habitude d’aimer à ce point. 

Vous aimer.

De sentir dans mon coeur cette chaleur qui, quand elle s’empare de moi, me transporte, soulève mon squelette tout entier, secoue mes os, me revigore entièrement.

(Non Monsieur je ne crois pas qu’il s’agisse d’un des effets de la métamorphose, qui n’est pas terminée, d’ailleurs...) ni même d’un dérèglement hormonal, je crois simplement qu’avant de vous rencontrer j’étais une bien triste femme asséchée et aigrie refusant, refoulant toutes ces effluves langoureuses qu'exhale chaque pore de la peau. J’étais une humaine désespérée, une humaine regrettant d’avoir été, un jour, amoureuse. Et si affligée. Blessures et dégâts ravageurs de ma vie d’avant, d’ensorcelée, ...) 

 

Et ce sentiment nouveau étrange, passionnel, déferlant, si vivifiant et incontrôlable, ressemblant à s’y méprendre aux battements irréguliers d’une sève qui peu à peu s’installe, prend possession de moi et progresse en des vagues successives de flux... 

... j’ose le dire, je redoute son reflux, sa mouvance, j’appréhende qu’elle se fasse moins forte, régressant, mourant, ...qu’elle disparaisse après m’avoir irrigué, ...laissant place à une irrationnelle frayeur... : ...que cette fièvre nouvelle si instable, ce feu follet abandonne définitivement mon enveloppe après l’avoir consumé, ...que mon corps tout entier frissonnant de froid, se sentant fatalement vide et abandonné, devienne cadavre... Vous sentez comme je suis la proie de bien morbides pensées...?

Et dans ces moments de grande terreur, il m’est insupportable d’imaginer votre non amour. 

J’ai eu si peu l’occasion de pouvoir faire confiance. 

 

C’est terrible Monsieur Roberto.

La jalousie. 

Parce qu’alors que je n’ai aucune raison, je doute de vous. Parce que je n’ai plus de raison.

J’en suis même arrivée à vous soupçonner, et dans mes pires accès d’angoisses, à vous maudire, d’avoir si mal. 

Oui. 

Je me suis dit, je l’avoue, les crapauds sont connus pour leur appartenance à la sorcellerie, et j’ai pensé que vous m’aviez arraché le coeur, pratiquant sur moi un de ces rites de Mage noir... je sais, j’ai trop écouté les rumeurs, perdue dans cet amour, il m’étrangle, m’enserre à en perdre l’équilibre. 

Tellement influençable. 

Cette torture, entrave de mon esprit, je sais, vous n’y êtes pour rien enfin je l’espère... je m’en persuade. On en raconte tellement sur vous... Sûr que vous ne m’avez rien fait? 

Parce que c’est comme si vous aimer devenait un poison dans mes veines, par instants.

 

C’est à propos de Blanche-Neige.

J’ai rencontré Blanche-Neige, cette belle naine de jardin.

Très bien moulée.

Sa figure de poupée tellement élégante.

Mais je ne l’aimais pas du tout.

De plus vous lui parliez si gentiment...; je me suis demandé si vous n’aviez pas envie de jouer au poupon avec elle. 

Je connais si peu de vous, amoure, et j’ai côtoyé tellement d’hommes irrésistiblement attirés par l’apparente plastique... Je sais: vous êtes un amphibien. 

Il fallait que j’agisse et cette jalousie m’a rendue sournoise, machiavélique, terriblement clairvoyante...

Je suis donc allée parler au responsable de votre jardin, Gerhard.

Car je voyais qu’il désapprouvait catégoriquement la venue de l’étrangère, sa confrérie semblant distraite et moins encline au travail.

Aveuglante contemplation de la beauté dans laquelle, à cette époque, beaucoup de regards se perdaient.

Gerhard trouvait ses compagnons abêtis; il se sentait perdre de son influence. 

Je savais qu’il avait peur.

 

Alors en quelques paroles, de ci, de là, j’ai amplifié la rage de ce nain.

Au lieu de l’aider à se détacher de certains de ses ressentiments, je m’en suis servie, terni l’image de la jolie Blanche-Neige, je n’ose vous raconter mes propos... et pour conclure lui ai affirmé qu’elle l’insultait ouvertement devant ses autres compagnons médusés. 

J’ai joué de ses défauts. 

Sa force, j’en ai fait une faiblesse...

Il était furieux.

 

Un soir, il a entraîné la naine sous la haie, à l’abri des regards, pour la gifler, sa façon à lui de régler cette affaire.

Cachée derrière mon muret j’ai assisté à la scène.

Il a frappé cette poupée qui, sous le choc, s’est évanouie. Bambi a tenté d'intervenir (je sais que le petit a accusé ouvertement Gerahrd de lui avoir arraché sa patte, mais souvenez-vous, elle était déjà bien fissurée... ). 

J’ai profité de ce moment où il poursuivait le faon en P.V.C. pour me glisser jusqu’à elle et la traîner sur le trottoir, j’avais tout organisé, son transfert. Blanche-neige n’est pas morte, non, simplement partie dans une autre communauté. Bannie par moi...

Elle n’avait pas sa place.

Oui j’avoue cette vengeance.

Submergée par une terrible haine.

Mais vous savez, Roberto, ces très bas sentiments sont humains. Enfin...

Et si vous m’aimez Crapaud vous comprendrez bientôt.

 

Quant à Gerhard, eh bien, sa lumière peut vite devenir ténébreuse, comme la nôtre. 

Bien sûr, je suis d’accord, il faut aller vers le bien pour se détacher du mal, le cultiver... c’est ce que dit la sagesse.

Mais là c’est ma folie qui a parlé, je n’ai pas hésité longtemps à me plonger dans les ténèbres de l’autre pour mieux le manipuler et amplifier ses dangereuses pulsions. 

J’ai profité des bassesses de ce nain, de ses points faibles, de cette vulnérabilité qu’il essaye de cacher... Et je l’ai possédé.

Par mes médisances. 

Gerhard l’imparfait.

Comme moi.

Tout comme vous.

Mais ce n’est pas un assassin.

 

Et vous.

Une fois.

Avouez-le. 

Vous avez fait une bêtise.

Une grosse.

Car vous ne connaissez pas les curieux sentiments qui gouvernent les Homo Sapiens. Ils savent avoir parfois un si grand coeur, et se mettent à aimer, des êtres, toutes sortes de créatures! 

D’ailleurs Roberto, savez-vous ce que c’est, avoir du coeur?

Souvenez-vous de l’épisode du pot de fleurs...

 

Quand les enfants de Elle, ont voulu adopter des petits animaux de compagnie, vous vous rappelez maintenant? 

Ils s’étaient pris d’affection pour deux très mignons escargots de Bourgogne, se mettant en tête de les apprivoiser, tout heureux qu’ils étaient de pouvoir donner de l’amour à ces bêtes cornues.

Oscargo et Ouscargou (c’est ainsi qu’ils avaient été baptisés), la mémoire vous revient? 

Ils vivaient dans un pot en terre, leur nouveau foyer, au fond du jardin, et étaient nourris régulièrement par les chérubins  des meilleures feuilles de laitue.  

Avez-vous vu le désarroi des enfants, quand, rentrés de vacances ils se sont précipités pour venir saluer leurs nouveaux amis gastéropodes?

Leurs cris désespérés résonnent encore dans mes oreilles:

“- Maman, Ouscargou y sent trop mauvais de la coquille et Oscargo, sa coquille, elle est toute cassée!” 

Moi, je vous ai vu Roberto, durant leur absence:

Vous les avez mangé, leurs animaux de compagnie!

Quelle cruauté!

Pauvres enfants... ils étaient si malheureux...

 

Mais dites-moi, simple curiosité, j’ose vous demander, sous l’influence du sang de crapaud nouveau qui circule dans mes veines: ont-ils meilleur goût quand ils sont élevés avec amour? 

Oh pardon je m’égare ... ce n’était pas bien du tout Roberto!

Non, vraiment pas bien! 

D’ailleurs, Elle, sait-elle que c’est vous qui les avez trucidé?

 

(Ah non, je ne suis pas jalouse de Elle, voyons. Vous l’imaginez en train de dire à ces enfants: 

“- Je vous présente mon nouvel amant, Roberto le crapaud...”

Et puis elle est d’une taille démesurée, et... elle n’appartient pas à notre monde et puis, quelqu’un qui s’abreuve de tisanes, vous savez...)

 

Roberto, pour vous dire, votre regrettable erreur, manger des animaux de compagnie, je vous la pardonne, comme vous me pardonnerez la mienne. 

Vous savez, la perfection m’ennuie mortellement, elle est à l’opposé de cette vie qui nous anime, nous pousse à évoluer, progresser, régresser, onduler, tournoyer, enfin nous regarder, nous-même, entourés de nos erreurs. 

Aujourd’hui, je vous vois autrement.

Et si vous voulez que notre rencontre soit enrichissante, moi j’ai accepté la métamorphose, acceptez d’avoir un coeur et des sentiments qui parfois nous entraînent vers de très étranges jardins qui en nous égarant, nous permettent de mieux nous connaître,

reconnaître,

trouver,

retrouver.

Et de nous ressourcer.

En nous aimant.

 

Les eaux boueuses et vaseuses de nos enfances, les flaques croupies de notre passé nous en ferons des fontaines d’un liquide clair et limpide, des mares emplies de nénuphar. 

Et nous apprendrons

à être

meilleurs.

 

 

 

Signé:

Votre Roberta”

 

 

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Commentaires :

pseudo : obsidienne

cela ressemble terriblement à une histoire d'humain, pleins de pustules, hahaha, bonne année VIVAL33

pseudo : VIVAL33

Merci obsidienne. Pustules pour les humains? Alors acné pour les crapauds ;-D

pseudo : PHIL

TU ARRIVES A FAIRE RIMER CRAPAUD AVEC BEAU. BRAVO

pseudo : ciloum

je n'aime pas pas tellement les crapauds mais les tiens sont attachants, et c'est particulièrement bien écrit. Bonne année 2009!

pseudo : VIVAL33

UN grand merci à vous deux, PHIL et ciloum!