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Le Monstre par ficelle

Le Monstre

En cette fin de journée harassante, d'humeur différente, j'éteins la lumière pour voyager dans l'obscurité de mon salon.
Je hante gauchement entre les meubles de la maison soudainement endormie, tentant d'en deviner formes et obstacles.
Maladroitement, je me heurte au fauteuil,
furtivement, mes pieds se prennent dans le tapis.
Bleuies, mes jambes esquivent une masse centrale,
c'est la table basse qui occupe toute cette place.
À tâtons, je déambule vers la fenêtre,
pâle halo d'une lumière diffuse,
celle du réverbère froid.
En face de moi, j'aperçois une forme
noire et sans forme.

Un monstre...

Il s'approche de moi, à ma vitesse.
Je ne distingue que son enveloppe obscure qui avance sûrement.
La peur de cette présence nelle et inconnue m'envahit.
Fébriles et amusées à la fois, mes mains recherchent un appui, une sécurité.
La douceur du canapé, le velouté de la nappe, les coussins soyeux me guident vers la fenêtre.
Et toujours cette forme qui avance inquiètement vers moi.

La porte s'ouvre rapidement, une voix surprise « mais qu'est-ce que tu fais dans le noir ? » et la lumière qui jaillit.

En face de moi, la masse est toujours là. Dans le miroir resplendissant, je vois se dessiner une femme habillée de couleurs, yeux écarquillés, maquillés et rieurs.

Je comprends que ce monstre n'était autre que moi. Celui sans forme et sans couleurs, qui se jouait de ma peur de l'obscurité, n'était autre que moi. Je comprends aussi que ce monstre n'est autre que celui qui vit dans mon coeur, celui qui prend l'apparence pétillante de ma féminité.

Non, je n'ai pas fait qu'avoir peur d'une chimère, dans la pénombre de la pièce, j'ai bien vu le monstre devant moi, celui qui se tapit sourdement au fond de mon coeur, lui donnant la dureté du silex, la cruauté d'un animal apeuré. Celui dont seule moi cerne les contours...et connaît l'existence.

Dégoûtée, je tourne les talons et m'enfuis de la pièce abandonnée, laissant là mon mari étonné de ma déroute.

 

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Style : Poème | Par ficelle | Voir tous ses textes | Visite : 747

Coup de cœur : 10 / Technique : 9

Commentaires :

pseudo : monalisa

FICELLE HEUREUSE DE TE LIRE DE NOUVEAU. TOUJOURS AUSSI MAGIQUE AVEC TES MOTS QUI NOUS EMMÈNE DANS LA DUALITÉ DE NOS ÂMES. MAGNIFIQUE POÈME. JE SUIS CONTENTE QUE TU SOIS REVENUE. AMITIÉ

pseudo : obsidienne

nous sommes souvent des monstres à nos yeux, heureux sommes-nous si nous ne sommes pas des monstres aux yeux des autres...

pseudo : ficelle

merci à vous pour votre gentillesse et votre belle amitié

pseudo : gigi

bonjour ficelle, toujours pleine de talents. bisous

pseudo : ficelle

merci Gigi, ton commentaire me va droit au coeur

pseudo : VIVAL33

Nous avons en chacun de nous une part d'ombre, à accepter. Pas toujours facile, alors parfois nous espérons qu'elle va disparaître avec la lumière... L'un des plus grands courages, à mon avis, est de la contacter (cette part de nous-même) sans plus aucun artifice, dans l'obscurité... comme le décrit si bien ce texte.

pseudo : volatile

Monstre et Cie. Tu n'es pas la seule, mais je ne sais pas si cela peut t'aider.

pseudo : ifrit

Je rejoins ce qu'a dit VIVAL33. Il faut accepter toutes ses parts. obsidienne est également dans le vrai, d'après ma conviction profonde. On vit dans le regard des autres mais on ne naît que par soi-même.

pseudo : Florent Chamard

On dirait du E.A.Poe au féminin... Ce qui veut dire que je t'encourage à poursuivre dans ce sens là, bien entendu... C'est tout à fait le genre de texte que j'aime; où quand on arrive à la fin, on se dit: "Déjà!" Pour finir, simplement bonne continuation, en espérant pouvoir bientôt lire d'autres de tes textes.

pseudo : Cécile Césaire-Lanoix

Bravo ficelle! Ton texte, remarquablement écrit, dévoile subtilement la face cachée de l'être humain...

pseudo : volatile

Autre remarque: et il y a tellement de monstres qui ne sont pas conscients de leur condition! Ce sont eux les pires.

pseudo : Najah hamid

La chambre noire est un exercice que je fais chaque soir… Depuis... 40 ans… j'éteins la lumière pour voyager dans l'obscurité de mon cerveau…je lui demande de me décrire avec les détails les plus détaillés toute ma journée…depuis mon réveil jusqu’ a ce moment là ou j éteins la lumière pour revoir ma journée comme un film…les couleurs que j ai observées. Les visages que j ai rencontrés ce jour. Les dialogues que j ai entamés ce jour là... Les endroits…quand j ai lu la première partie de ton poème...l exercice de la chambre noire était là. Avant l apparition du montre… le poème m a montré…l étonnement de ton mari... Les meubles de ta maison... le fauteuil, le tapis. Bleuies, la masse centrale, c'est ta table basse À tâtons qui occupe une grande place dans ta chambre. La fenêtre, la lumière, du réverbère froid .En face de toi…Ficelle...Ta chambre est confortable. J ai aimé ta chambre noire de mémoire….fasciné par tes écris…j ai pas encore saisi la deuxième partie du montre qui est toi..Insaisissable .toi et toi… La porte s'ouvre rapidement, une voix surprise « mais qu'est-ce que tu fais dans le noir ? » et la lumière qui jaillit.

pseudo : Najah hamid

j aime ton monstre