La flamme de ma bougie se fane. Elle qui était si belle, si hardie auparavant, la voilà qui perd de son intensité. Elle m'éclaire à peine, je cherche mon chemin à tâtons. Je ralentis, de peur qu'elle s'éteigne. Je retiens ma respiration. Chaque battement de cœur fait sortir mon souffle par à-coups, faisant vibrer la fragile brindille d'espoir qui subsiste dans cette corde. Minuscule elfe de feu, ne me quitte pas. Pas encore. Pas déjà. Quel cruel destin que de perdre sa raison de vivre en même temps que la vie elle-même.
Au moins ai-je eu la chance d'aimer. De t'aimer. Toi qui dansait joyeusement, tu éclairais mes sombres nuits et mon ombre dansait avec toi. Dans un soubresaut, tu meurs. Je m'éteins avec toi. Tu ne le sauras jamais, mais je t'ai suivie. J'ai suivi cette poussière de rêve qui s'élève dans le ciel. Je l'ai regardée s'envoler. Alors, moi aussi, avec une corde et de la joie, je m'envolerai. On me soutient, on me supporte, nul n'a pu me soutenir mieux que ce qui se consume. On me serre fort, on m'aime et on m'adore, nul n'a mieux su m'aimer que ce qui consume.
Je te rejoins bientôt. Déjà, les rideaux tombent. J'entends crier au-dehors. La torche ta mère me crie de sortir. Je l'entends, je prie pour mourir. Saute, je t'en prie, sauve-toi. Je saute, mais ne sauve personne. Qui y'a-t-il à sauver dans une maison en flammes quand tu n'y es pas ? Ma nuque craque, mon esprit résiste. Il fait bon. Le feu revient, il est là, je le sens. Tu es là de nouveau, tu danses parmi elles mais je ne vois que toi. Tu m'emportes, comme je t'ai emportée tant de fois. Ma peau crisse, mes muscles grésillent, mes dents sont noires et ma langue est grise. Calcine, mon amie, calcine. Bientôt mon cœur se rétracte. Puis lâche. Enfin.

En hommage à Benjamin, qui s'est suicidé après la mort de sa fiancée.