Ecrire, c'est aussi ne pas parler. C'est se taire. C'est hurler sans bruit.
Marguerite Dumas
Ce soir, la maison dort autour de moi. Je suis seul, éveillé quand la vie frémit à pas feutrés dans le jardin glacé par les vents d'hiver. Les feuilles crissent, un feulement, puis Il est là. Je l'entends arriver doucement. Il se penche au-dessus de moi et murmure à mon oreille ce que je ne veux plus savoir, ce que je ne peux oublier malgré moi. Je l'entends vomir mes souvenirs brisés, il débride ma mémoire qui se cambre et m'emporte dans les méandres douloureux du Regret. La souffrance me submerge, je voudrais pleurer pour le faire partir, mais dès que j'aurais fini, il reviendra. J'appelle à l'aide contre cette incertitude qu'il m'inspire, cette non-réponse à cette histoire qui me fend le cœur une année déjà. Rien. Le secours tant attendu ne vient pas. Le froid a envahi ce lit, à sa place.
Je voudrais pleurer pour le faire partir, mais dès que j'aurais fini, il reviendra. Ce monstre est roi quand la maison dort, Il me torture de mes échecs, me rappelle les anges que j'ai blessés, la reine que j'ai délaissée. Lancinant, tordu, Il me fixe de ses immenses yeux sans pupilles, fidèle à sa propre identité. Je la vois. Elle pleure, elle pleure toutes les larmes de son corps qui m'appartenait encore la nuit passée. Elle s'écroule, Il s'installe. Il me regarde la regarder. La garder à nouveau à travers Lui est plus pénible encore que la perdre cent fois. Mille fois elle est à moi, mille fois elle ne l'est plus, mille fois je suis perdu.
Je voudrais hurler pour le faire partir, crier, faire déferler cette haine de ce Royaume où Il m'a emmené pour me torturer. Ce qui existe ne peut m'aider contre ce qui n'existe plus. Je me tourne vers moi-même, vers ce qui n'existe plus. Et je cherche. Je cherche le moyen de Le briser à mon tour. Je me rappelle. Je me rappelle !
Haletant, je saisis ma plume. Et j'écris. Je fais crisser cet amour perdu sur le papier, dieu à qui je fais l'offrande de mes pensées par le sacrifice de l'encre, qui répond par un froissement. Il me contemple toujours. Je perle autant que ma plume, et mon dieu accepte cette autre offrande dans un bruit mouillé. Nous gémissons, et voilà qu'Il cille. Notre ton monte, Il prend peur. Ses yeux béants se retournent contre Lui, chaque image qu'Il m'envoie crie contre son existence, chaque morceau d'espoir vain que je reçois est un octave au-dessus pour maudire son apparition dans mon espace. Nous hurlons sans bruit. Le Silence est Mort, mes mots L'attirent en Son sein, Il La rejoint.
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Style : Nouvelle | Par ifrit | Voir tous ses textes | Visite : 855
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Commentaires :
pseudo : Phil
JE SUIS IMPRESSIONNE PAR LA FORCE DE TON RECIT
pseudo : ciloum
je m'y perds un peu, mais quelle âme tourmentée! écris encore pour comprendre (et peut-être m'aider à te comprendre)
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