Chamane.
Enfin le temps s’éclaircit. Nous avons traversé hier la partie du lac qui sépare Olkhon du reste de la Sibérie. Le Baïkal s’est donc dévêtu ce matin de sa mystérieuse étoffe de brume qu’il le couvrait encore hier. Nous avons déposé nos sacs dans les petites cabanes du Nikita Camp’s, petit havre tranquille où se croisent aventuriers et parvenus, sans trop savoir qui est qui, sans trop même se regarder. Tout le monde ici est venu seul...
Les vents, les nuages et le froid, tout est menaçant. J’ai l’impression que par delà le camp, le murmure des chamanes couvre le bruit du vent battant les côtes de l’île, et du lac glaçant les rivages. Baïkal.
Ici, une croyance établie dans la région, affirme que cette île perdu de la Sibérie, serait un des cinq pôles chamaniques du monde. En effet, les esprits transportés par les éléments de l’Eau, de la Terre, du Soleil et du Vent sont présents à perte de vue. Ici commence l’infini.
Nous quitterons demain le Nikita pour une marche à travers l’île et nous repartirons d’ici plus en avant vers la Mongolie. Une douce soirée nous attend, les corps au chaud et l’esprit en plein délire de liberté. Les tendresses d’un lit moelleux rappellent comme notre quotidien est confortable. Le souvenir des nuits dans le train, me reviennent avant de sombrer dans mes rêves au galop...
La halte est terminée et au petit matin, Olkhon nous montre tout l’éclat bienveillant de sa nature, l’azur du ciel est partout mêlé au cristal du lac, le vert généreux des plaines à peine parsemé de quelques arbres, s’étend sur toute l’île. Les dos chargés de nos sacs débordant de vêtements humides et sales, nous prenons la direction des lacs intérieurs, la carte indique que le premier est en bordure et le second en haut, au delà de la forêt. Nous décidons de suivre les côtes jusqu’au premier lac, séparé du Baïkal par un fin bras de terre, j’espère secrètement pécher les fameuses sardines du légendaire Lac d’argent!
La journée est splendide et on pourrait dire, selon les rumeurs, que les esprits sont avec nous, nous traversons un ancien port pêche, en silence, comme traversant un cimetière; ses bateaux là sont morts, usés par la force des éléments. Après une demie journée de marche sous le soleil implacable, nous nous laissons tomber sur prairie qui surplombe le lac, cependant mes talents de pêcheur improvisé ne nous permettent pas de manger du poisson et le feu servira à cuire les provisions...
Quelle splendeur, quelles couleurs, quelle saturation de pureté, de renouveau, de beauté nous attendaient le lendemain. Le petit groupe s’éveille promptement car une longue marche nous attend déjà pour rejoindre le second lac, ce mystérieux lac dont, nous a t-on dit, l’eau est sacrée. Autre croyance ancrée dans les gens de l’île, le lac serait depuis très longtemps, reconnu pour les vertus guérisseuses de son eau. Nous vérifions après quelques heures que l’eau y est effectivement riche en ...argile...
Cette journée fut incroyable tant par les différents paysages que nous avons traversé, que par l’extrême épuisement général qui nous attendait en fin d’après-midi.
L’eau glaciale du lac ne nous ayant pourtant pas freiné, et bien que j’y sois totalement rétissant, le bain salutaire s’imposa à tout le monde.
Le temps nous avait échappé durant ces trois merveilleuses journées, chacun d’entre nous avait les yeux pétillants de nature et de soleil. Un dernier feu de camp, sur une plage dorée par le soleil couchant, éclairait nos derniers ricochés. La dernière veillée avant de sombrer dans un repos bien mérité, sous nos tentes posées sur le sable fin de la Sibérie.
Bate.
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