Nuit noire.

Un à un, les palaces,

Eteignent leurs lumières,

A cette heure, les poubelles,

Délirent dans la nuit.

Malins, à pas feutrés,

Les rats commencent à vivre

Et les lourds réverbères,

Hésitent à éclairer.

C'est le temps des catins,

Des parfums de bitume,

Des couteaux qu'on aiguise

Et des cordes lacées.

L'air se charge d'odeurs

Et exhale ses sentences.

Parfois un chat qui miaule,

Dans la lugubre nuit,

Appelle sans espoir,

Les femelles apeurées.

C'est un radeau sans nom,

Qui tangue vers l'oubli.

On voit des étincelles,

Qui brillent sans rien dire,

Tout au bout des mégots,

Collés au coin des lèvres,

De ceux, déjà noyés,

Titubant dans l'ennui.

Il y a dans ces rues sombres,

Des créateurs de mondes

Et des adorateurs,

De dentelles flétries.

Les rencontres furtives,

Les étreintes payées,

Dans  de vagues réduits,

Rejettent sur les trottoirs,

Des capotes souillées.

C'est le temps arrêté,

Le temps qui devient moche,

Et les poches qui se vident,

Ejaculent des idées.

Dans les caves, enterrés,

Quelques vils alchimistes,

Distillent des langueurs.

La nuit, c'est l'encrier,

Renversé sur la ville.

La nuit, c'est l'encre noire,

Qui coule dans les rues.

Et au petit matin,

Les ombres se retirent,

Les poubelles se vident,

Les rats s'en vont au lit.