Roberto, cet ami qui vit dans mon jardin, ce crapaud, est réapparu, ayant un besoin urgent de s’exprimer et de me faire part de ses... sarcasmes... sur de récents événements.

Voici une courte retranscription de notre dialogue.(Je vous rappelle qu’il me surnomme Elle). 

“ - Dis-moi, Elle:

Que font tous les bipèdes que je vois s’affoler, en cette fin d’année?...

Non mais, regardez dans quel état vous vous mettez!

Où vous mène donc toute cette agitation?

Je vous entends prononcer le mot “crise” depuis plusieurs semaines, et vous courrez dans tous les sens, comme s’il s’agissait du plus horrible mangeur d’hommes jamais connu!

- “Au secours, la criiise, la criiise!!!”

Comme si vous veniez de l’identifier, votre prédateur: la crise.

Oui, la crise qui vous provoque tant de dégâts:

la crise financière, la crise boursière, la crise sociale, d’identité, de foie, de conscience, la crise d’appendicite, de goutte, de nerfs, la crise cardiaque, toutes ces crises... (et les chrysanthèmes: une fois que vous êtes morts...)

Je ne fais que vous observer. 

Mais quel spectacle, mais quels acteurs vous faîtes!

- Voyons Roberto, ne plaisante pas avec çà! Les marchés boursiers vont mal... mais peut-être  est-ce trop complexe pour ton monde Roberto...?

- Ah, petite jeunette, va, toi aussi tu pêches par orgueil?

il faudrait, tout d’abord que tu m’expliques en quoi vous, êtres humains, vous sentez supérieurs à nous, les amphibiens, nous, les Anciens. Et puis, nous vivons dans le même monde, non?

Tu sais, je ne suis pas une buse.

Et je te le prouve.

Oui.

J’ai compris que certains animaux, dits “supérieurement intelligents, évolués”, ne mangent pas de limaces, copulent (pour le plaisir) plus d’une fois dans l’année - (par contre moi je m’accouple utile) - et ne vont pas forcément dans des mares pour se reproduire. 

J’ai compris que certains mammifères, comme l’écureuil, ont besoin de stocker leur nourriture pour l’hiver dans des troncs d’arbre, que les hamsters préfèrent leurs joues... pour faire leurs provisions. 

J’ai compris encore que vous, humains, avez créé une monnaie d’échange 

(que vous appelez oseille, blé, radis, fourrage...) qui vous permet d’acheter vos denrées alimentaires.. et que si on voulait réellement vous payer en radis ou en fourrage vous ne le supporteriez pas.

Enfin, j’ai compris que vous aimez stocker quand vous avez du surplus, et que vous ne l’utilisez pas. L’accumulation est apparemment un principe humain, qui va avec les larmes...

D’ailleurs, pourquoi les gens, actuellement, pleurent la perte de ce qu’ils n’utilisaient pas et qu’ils “plaçaient”? En fait ce qu’ils pensent avoir perdu, ils ne s’en servaient pas, non? 

Alors, pourquoi pleurer?

Et ce qu’ils ont acheté, ils l’ont toujours.

Moi, Roberto, crapaud de mon état, vieille espèce terrestre devant m’adapter pour résister à vos immondes et dangereux pesticides, qui ne suis pas non plus une dinde, j’évolue comme vous dans le règne animal. 

Et, pour vous prouver que j’ai bien intégré votre mode de fonctionnement, je vais  jouer, avec mes moyens faibles et limités, m’inspirer de votre exemple, et me lancer dans la grande aventure humaine: l’achat.

Alors voilà: que me conseilleriez-vous comme investissement?

J’hésite entre le vent et l’eau (mais attention, hein, ils n’ont pas la même valeur).

Bon, je vais investir dans le... 

mistral, tramontane, blizzard? Sachant que je ne peux prévoir son évolution et que le risque du cyclone n’est pas à négliger, le vent tourne toujours.

Pour le liquide, je choisis... 

sachant que la vaguelette peut devenir raz de marée, l’eau de pluie déluge... et qu’il est toujours possible de se noyer dans un verre d’eau (tout dépend de la taille de la victime).

Ben quoi?

C’est palpable et prévisible ce qu’on mise en Bourse?

Tu sais:

C’est difficile de comprendre vos très grands labyrinthes de subtilités. 

En tous cas, avouez que vous êtes des joueurs exceptionnels, dans beaucoup de domaines! Et que parmi vous se cachent de dangereux Illusionnistes...

Donc, en résumé, et pour te prouver mon entendement:

L’être humain est un  mammifère denté qui copule et stocke inutilement. Il a besoin pour se revigorer de jeux et d’activités ludiques, notamment la vente et l’achat. 

Son plus grand prédateur, c’est la crise. 

L'homme, en général, vivant au rythme des coutumes et traditions saisonnières est souvent pris de frénésie en fin d’année,( même en cette période de crise, pendant laquelle, rappelons-le, il est actuellement censé pleurer encore ce qu’il a perdu, ...); il se complaît dans un monde plus communément appelé le paradoxe. 

Au mois de décembre, cet animal adopte des comportements diurnes, proches de ceux des Hétérocères (papillons de nuit) hypnotisé par les lumières clignotantes de l’aguicheuse Grande Surface, un autre de ses prédateurs (qui, grâce à sa tactique des jeux de lumière, l’attire dans sa toile pour ensuite vider son enveloppe de tout liquide...): en résumé: envers et contre tout, l'Homo Sapiens ira faire ses achats de Noël...

Et hop! 

Elle est pas belle l’analyse comportementale de Roberto le crapaud? 

... Hé, Elle, la prochaine fois, est-ce-que cela te plairait qu'on parle de Noël? ...”