Sous les piles de bouquins amoncelés là
S'enchevêtrant contre toute logique
Séculaires et ignorant jusqu'à la gravité-même
Parmi les reliures dorées, les cuirs et autres éditions rares
Se détache un visage pâle et enfantin, il se meut avec grâce
Ses doigts ondulent sur le papier comme pour réveiller le passé
Et partout alentour cette troublante odeur défraîchie de fini et de désuet
Au-dessus de nous ces colonnes nous surveillent
Evoluant  vers le ciel comme des plantes gigantesques
Qui tissent leurs toiles sur nos têtes écervelées
Cela trouble tout en apportant de la vérité, et cela force le respect
Ces volumes qui conversent sciences ou billevesées
Comme on se sent mortel ainsi entouré !
Un instant il m'a semblé que le silence abyssin avait été troublé
Qui parle? détruisant d'un seul coup la sérénité accumulée par tant d'années
C'est impossible...
Qui oserait user de sa voix, et n'exprimer ne serait-ce qu'une pensée
Quand tant d'écrits nous supplantent confortablement perchés nous mirant de leur piédestal ?
Ce serait commettre un délit plus qu'une simple gageure
Que de seulement donner de la voix et de l'air !
Les pensées embrouillées et lourdes, je parviens enfin à m'en aller
Détendant mes membres engourdis par la lecture
Je remets lentement tous mes sens en marche
Du dehors l'air frais pénètre à peine à travers les volets ajourés