Le vieux roi attrape l'étoile mais ne sait pas quoi en faire.
C'est un vieux roi sans royaume.
C'est un vieux roi sans couronne.
Simplement un vieil homme qui a rêvé, un matin, les yeux ouverts,
qu'il était un roi.
C'était il y a très longtemps, très longtemps, quand il fut amoureux
comme un grand feu de plage.
Maintenant, dans La tour de la cité vraie, tous les locataires l'appellent le vieux roi.
Il pose l'étoile sur son buffet et se gratte le menton.
C'est une étoile pas plus grosse qu'un ballon de volley-ball.
Le vieil homme pense que ce doit être une enfant étoile.
Tout autour de son immeuble de La cité vraie c'est un désastre.
Tout est gris. Tout est démoli. Tout est à l'abandon.
Un peu comme lui.
Depuis plusieurs années la tristesse est comme du lierre noir qui grimpe le long des murs de sa tour.
Plus un arbre n'ouvre ses feuilles.
Mais, même si aucun oiseau ne vient jamais, le vieux roi place tous les jours de nouvelles graines sur le bord de sa fenêtre.
Aujourd'hui, cette étoile, qu'est-ce que cela veut dire ?
Il décide de se confier à madame Mouche, la gardienne, qui lui monte ses courses et son maigre courrier et qui lui parle de la pluie et surtout du mauvais temps.
Lui, le vieux roi, sort de sa tour quand l'ascenseur fonctionne.
C'est-à-dire rarement.
Et ses jambes sont de plus en plus lourdes.
Ses vieux yeux fixés sur la jeune étoile il attend madame Mouche.
La gardienne pose les sacs des courses sur la table et aperçoit le petit astre sur le buffet.
- Vous avez acheté une nouvelle lampe ?
demande-t-elle au vieux roi.
- Non, c'est une étoile.
- Une étoile ?
- Oui, une jeune étoile.
- Mais, même les jeunes étoiles sont beaucoup plus grandes que cela ! s'étonne madame Mouche.
- Un bébé étoile. Un tout petit bébé étoile. J'en suis sûr. Elle était posée sur le rebord de ma fenêtre. Là où je mets les graines pour les oiseaux qui ne viennent jamais.
- Ah ! et qu'allez-vous en faire ?
- Je ne sais pas. Je voulais vous demander votre avis.
- Peut-être est-elle venue pour nous porter chance ? demande la gardienne avec un visage qui s'éclaire.
- Peut-être.
- Essayez de faire un vœu pour voir.
Le vieux roi se gratte le menton. Quel vœu pourrait-il demander ?
Après un instant de réflexion :
- Ah ! oui ! que la petite fille du treizième étage guérisse !
s'enhardit-il tout à coup, les yeux pétillants.
Puis il place sa paume sur la rondeur de l'étoile.
Trois jours plus tard la gardienne entre excitée dans l'appartement du vieux roi.
La petite fille est guérie ! la petite fille est guérie ! Elle s'est levée de son lit et demande à manger ! C'est une vraie étoile ! c'est une vraie étoile ! Vieux roi, faites un autre vœu !
Faites un autre vœu !
Le vieil homme a le visage joyeux comme une fête foraine.
Il se gratte le menton et dit :
que le monsieur du quinzième étage retrouve du travail et arrête de boire et de battre sa femme.
Puis le vieil homme place sa paume sur la rondeur de l'étoile.
Trois jours plus tard la gardienne s'exclame :
- Le monsieur du quinzième étage a retrouvé du travail, ne boit plus et ne bat plus sa femme !
Un à un le vieux roi, grâce à la petite étoile, rend heureux tous les habitants de La tour de la cité vraie.
Au pied de l'immeuble on a retiré les gravats et construit une école toute claire avec de beaux tilleuls dans la cour de récréation.
Les oiseaux sont enfin revenus se poser sur la fenêtre du vieux roi.
Le lierre noir de la tristesse a fané sur les murs de la tour.
Le sourire circule de nouveau sur les lèvres et dans les yeux.
Un soir, comme le vieil homme s'est endormi dans son fauteuil, madame Mouche s'approche de l'étoile, toujours posée sur le buffet.
Elle place sa main sur la rondeur du petit astre et dit :
- Je voudrais être la plus riche du monde.
Aussitôt elle crie et retire sa main.
Le vieux roi se réveille et regarde la gardienne passer sa main sous l'eau froide.
- Que vous est-il arrivé ?
- J'ai voulu faire un vœu. Répond penaude madame Mouche.
- Quel vœu ?
- J'ai voulu être la plus riche du monde et l'étoile m'a brûlé la main.
Le vieux roi se gratte le menton, se lève, et va disposer des graines sur le bord de sa fenêtre. Il contemple le ciel où commencent à briller de nombreux astres, certainement la famille de la jeune étoile posée sur son buffet. Puis il se tourne vers la gardienne.
- Voyez-vous madame Mouche, la seule vraie richesse, c'est celle qui appartient à tout le monde.
À ces mots, la petite étoile disparaît, et quelque chose d'étrange bouleverse le cœur de madame Mouche.
Comme s'il se mettait à fleurir.
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Style : Poème | Par gus lebrillet | Voir tous ses textes | Visite : 1628
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Commentaires :
pseudo : Blanche Plume
Vous devez être très riche Gus Lebrillet... Mille bravo !
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