Un dernier besoin, pour la postérité. Une dernière ascèse avant de tout fermer, et de jeter la clef, bien loin de moi, de lui et par-dessus tout, de nous deux réunis. Je ne sais pas par quelle force ma volonté est mue mais je ne peux résister et je décide de me laisser faire, d'écrire une dernière fois.
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Seize ans déjà. Seize ans de vie sereine et paisible. Aucun accident, aucune maladie, cadre familial statique, physiquement et psychologiquement stable. En somme, une chance inouïe que l'on ne mesure pas souvent pour ce qu'elle est, formidable.
A mes yeux, ma seizième année était une année charnière, un passage vers l'âge « adulte ». Je n'étais plus l'adolescent rebelle et irréfléchi. J'entrais dans l'adolescence dite « finale »...D'habitude, une année de plus ou de moins, ce n'était pas grand-chose mais là, je ne sais pas pourquoi, c'était important à mes yeux de dépasser ce stade.
Je voulais peut-être alors changer trop vite, je n'ai peut-être pas pris assez le temps de laisser les choses se faire. Persuadé de ce qui devait suivre, je voulais prendre de l'avance. Idée saugrenue et pourtant, je m'y accrochais dur comme fer.
Soupirs de plus en plus rapides, un mal de tête incroyable me déchire le crâne. Cela fait déjà quelques jours que, toutes les nuits, je sens une pression étrange qui s'établie au sein de ma tête pour ensuite se propager à l'ensemble de mon corps. Non seulement dans ma tête donc, mais dans mon corps entier. Voila donc quelques jours, quelques semaines, que mon corps me parait trop petit, que j'ai l'impression que ma peau est étirée comme jamais par une force invisible et sans nom.
Je ne dors plus la nuit, je ne veux pas ressentir encore et encore cette douleur lancinante que je n'arrive à effacer avec médicaments ou sport. Ainsi, je fais de courtes nuit, agitées et peu régénérantes. En plein jour, mes yeux se ferment d'eux-mêmes et ma concentration, mon assiduité en cours, se fait de plus en plus faible. Les professeurs crient, je souffre et mes parents tentent de comprendre ce qu'il peut m'arriver. Je passe mes journées à réfléchir, seul, sur moi et sur le monde et mes nuits à souffrir toujours du même mal sur lequel je ne peux mettre de nom.
[NUIT] Réveil soudain dans la sueur, nuit noire. Je me hisse sur mon séant et regarde l'heure, affichée au plafond. Cela faisait deux heures que je dormais et me voila plié en deux, dans mon lit, à quatre heure du matin. Encore cette douleur indicible qui me transperce. C'est si étrange. Je n'ai pas de plaie, je n'ai pas de point précis duquel pourrait partir la douleur car c'est général, toutes les cellules de mon corps s'affolent et envoient des signaux de détresse. J'ai l'impression de ne plus tenir dans mon corps. Si étrange.
Les minutes passent, je m'habitue doucement, lentement, à ressentir cette pression. Je me lève, m'affale dans mon fauteuil rouge. En face, la glace. Je m'observe...les traits tirés et plissés dans un rictus horrible, étrange et douloureux. Je me vois flou. Efforts désespérés pour me voir, m'observer...je me vois bouger, doucement, je flotte et pourtant mes sens ne me trompent pas je suis là, assis dans mon fauteuil. Fatigué, je m'endors à nouveau, les bras pendants d'une part et d'autre du fauteuil rouge, du sang dans les yeux et de la fumée dans la tête.
[JOUR] Ou suis-je encore ? Rouge Rouge ! Quelle heure est-il ? Et merde, je me suis encore réveillé trop tard...Je me jette sur mon lit, plein de colère et de rage, je peste contre moi-même et ces nuits maudites. Encore !
Comme à son habitude il jette nonchalamment sa cigarette à moitié consumée dans un vieux cendrier ou gisent pommes, paquets vides et quelques mégots fumants. Il se heurte à la résistance étonnante de cette lourde porte bleue qui tente de refouler tout les pauvres flemmards. En vain ma pauvre, ils te poussent sans ménagement et n'écoutent pas tes conseils avisés. Aujourd'hui, il ira en cours. Il serre quelques mains de connaissances diverses, aligne les mondanités requises puis se dirige, non sans un soupir de souffrance, vers la salle redoutée.
Paroles désuètes et inintéressantes... Puis, comme le dis l'expression bien connue "Sauvé par le gong", il peut enfin sortir de cet établissement hanté. L'air frais du soir naissant éteint le feu mourant qui consume son bulbe. Il jette un dernier coup d'œil en arrière et oublie aussitôt tout ce qu'il vient d'apprendre. Intéressant n'est-ce pas ?
A la maison, des polonaises squattent. A la maison c'est l'euphorie générale. A la maison c'est le bordel complet. A la maison on aime ça plus que tout.
[JOUR] Ma bulle se referme et je suis seul dans cette galère. A quand quelqu'un capable de l'ouvrir et s'y immiscer? C'est viscéralement ancré en moi comme la couleur de tes pauvres cheveux. Et ça dégouline salement de mon front pour s'étendre à mes pieds en une mare remugle. Moribond, je me lance à la recherche de dépouilles oubliées dans les fosses de macchabées. Je suis inutile. A qui suis-je utile ?
Ces sons me laissent pantois, tant de joie dans ces voix. Ouate inodore.
Ne coupez jamais d'eau votre pétrole, malheureux. Que ça flambe !
Et ces flemmes légères et voluptueuses ne se lassent de tournicoter autour de cette buche qu'est mon corps. Elles l'avalent, elles le consument sans jamais s'arrêter. La douleur est invincible et tellement aigüe. . . Je ne sais que faire pour m'en débarrasser. Plus tu tente de l'arroser plus elle repart de plus belle. Catastrophe.
Et je repars de plus belle dans mes délires effervescents. Que ça mousse que ça mousse.
J'écris. J'écris tellement pour ne rien dire. On agence quelques mots, cela forme des phrases. Intelligibles mais incompréhensibles tu te borne à les voire sous leur forme primaire. Décroche... Décroche et tu pourras alors les prendre, comme moi, à bras le corps. Relis encore !
/*/*/*/ Un jours je trouverais un braque. Je prendrais trois bougies et je pourrais glisser sur l'eau couleur ébène. Je serais là assis, à ramer doucement. J'immobiliserais le tout et je m'endormirais. Au réveil, un ragondin viendrait creuser son trou dans la berge abimée. Je le regarderais, un œil fermé un œil ouvert. Il me fixera, s'arrêtera et puis recommencera. Dommage pour toi !
[NUIT]Je te malmène sans vergogne espérant avoir raison de toi, un jour peut-être y arriverais-je, un jour peut-être...
Mon cœur, mes sentiments sont oppressés sous ma poitrine. Je sens comme un poids qui pèse sur mon thorax et qui comprime tout ce qui peu s'y trouver. C'est fort désagréable.
Impression horrible de devoir forcer pour respirer. Conscience plus forte du fait d'être sois.
Impuissance traitre de sa volonté sur son propre corps. Je ne peux rien faire pour le soulager... Je suis obligé de subir cela sans moyen d'apaiser cette douleur.
Comme un scud tout mou qui viendrait s'écraser mollement sur ma tête. Ce n'est pas douloureux, ce n'est pas une douleur psychologique mais c'est un sentiment horriblement désagréable et dont je ne sais comment me passer.
C'est étrange, parfois c'est le cerveau, le bulbe, qui me tracasse et qui vient m'embêter, me stimuler. Une autre fois, c'est du thorax, du cœur que cela vient. Ce n'est absolument pas logique mais c'est comme si c'était deux régions qui stockaient deux centres différents qui pourraient-être responsables l'un après l'autre de mes désagréments.
Je ne sais comment m'exprimer, comment retranscrire sur cette page ce que je peux ressentir mais je pense qu'il est important que j'essaye, que j'apprenne à trouver les mots justes pour atteindre la cible d'un coup de fusil précis.
A certains moments, une lassitude me prend. C'est si fort que j'ai parfois envie de tout arrêter, d'arrêter de me battre et de laisser aller.
[JOUR] Qu'ils sont drôles ces petits culs blanc qui s'enfuient, effarouchés, un brin d'herbe entre les dents. Le soir venu les chauves souris s'envolent une à une pour aller dévorer quelques insectes oubliés par les oiseaux du jour. Et toi entre tout ça tu reste là sans demander pourquoi. Tu voudrais oublier mais ton cœur t'en empêche. Il veut que tu t'accroche à elle comme si le temps pouvait jouer sur son jugement tant redouté. La chaleur harassante fait naitre en ton cœur un espoir inavouable, indicible et insoluble dans la sueur de ta nuit. Et c'est en vain que tu tente de l'éventer à grands coups d'épée.
L'intellect prime désormais sur le matériel ... il fédéralise ton corps en régions d'action paramétrées et entrainées pour lutter contre l'individu extérieur qui pourrait, même sans le vouloir, te nuire.
Tu calcules, tu pèses et tu choisis sans même laisser une chance à l'intuition, divine ou pas d'ailleurs. Fier de ce que tu es ? Assurément non !! Cependant, certains éclairs inespérés te donnent du courage pour continuer à lutter contre ta volonté ... contre elle en somme.
L'ascèse porte ses fruits car tu as enfin saisis, dans la douleur d'une nuit d'écriture, à quoi tu travaillais.
Tout ces degrés m'endorment alors que j'ai déjà dormi tout le jour. Au secours.
[JOUR] - Il est étonnant de voir à quel point les choses, les gens, les sentiments et les ressentiments peuvent changer avec le temps. On change, on vieillit et j'en passe et des meilleures.
Personne ne sait vers ou l'on se dirige et ou on atterrira mais cette soif de virement est incontrôlable et ne peut-être résorbée. C'est propre à notre nature d'humain que de ne pas rester figé ou de stagner trop longtemps sur un point fixe, un certain rôle.
Parfois, on se plait à rester quelques temps dans une position donnée mais on se rend assez vite compte qu'il faut encore migrer, se changer encore et encore. Cette folie, cette bougeotte nous tue et nous fait vivre.
Ais-je la foi ? Suis-je croyant ? Est-ce que je L'aime ?
Tant que questions qui mettent en avant mes doutes viscéraux quant à ma foi, mes croyances et mes dogmes.
Je suis de plus en plus distant de tout cela ces temps-ci et ça m'affecte profondément. Je pense être plus serein mais le problème est que je m'en rends compte et que je ne peux me demander si cette absence de doute n'est pas justement un indice annonceur d'un certain recul de mes convictions chrétiennes.
Envie pressante de fumer que je vais de ce pas régler. J'octroie à mon corps son poison quotidien.
[NUIT] La pression se fait de plus en plus pressante, plus forte encore que jamais. Je ne sais si je tiendrais encore longtemps ainsi. Je sais d'ores et déjà qu'un jour il sortira. Je ne sais pas de quoi accouchera ainsi mon être, mon bulbe et mes pensées mais j'ai peur, j'en suis transi, glacé. J'attends donc, glacé comme le marbre en été, que ça passe, qu'il arrive. Tant pis pour moi, tant pis pour lui ... Je ne peux lutter plus longtemps, de plus contre moi-même.
[NUIT] J'enfume la lune de ma fumée acerbe et je regarde les étoiles avec des yeux humides. Je suis là, à discuter tout seul, ensemble avec moi-même.
Il est là et ne me lâche plus et chaque jour il se fait plus curieux de savoir le comment du pourquoi cette morosité étrange.
Pourtant, bien que cette présence se fasse sentir à toute heure du jour et de la nuit je reste insensible à ses appels langoureux.
Encore une de ces séances interdites, encore un regret à venir pour cette chose inutile mais pourtant c'est étrange, comme elle peut revenir inlassablement à mes sens, insipide.
Je suis là à écrire, les yeux humides et la musique lancinante pour cautériser les plaies.
Je ressens toujours des choses étranges ou que je puisse être et quelle que soit la situation. Je ne sais s'il en va de même pour tous ceux qui m'entourent mais le fait est qu'elles m'affectent sans doute plus...Pourquoi ça ?
Tant de doutes, tant d'exemples et tant de ratés. Tant de persévérance et pourtant, que d'ignorance.
Je décide d'arrêter, je décide d'être sain. Pour une fois, je prends une résolution générale et non atrophiée d'une partie pour n'en garder pour moi, que le bon coté. Je prendrais le bon, avec le mauvais sans faire de distinction et aussi bête que cela puisse paraitre, le bon n'en sera que meilleur par rapport à l'autre partie qui, une fois coupée, se fait encore plus sentir par son absence que n'importe quelle autre.
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Au réveil, sentiment étrange d'accomplissement. Ces temps avec Lui finissent par payer et je sens sa présence chaque jour un peu plus. C'est énorme, tout le monde devrait avoir le droit de vivre ça.
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Je vais m'en retourner sur ce lieu maudit par milles sorts, ce lieu qui ne m'inspire rien d'autre qu'une douleur aveuglante et des embuches à tous les coins de couloirs.
Je me méfie, je me positionne sur la défensive et du haut de mon bunker sécurisé, j'approche lentement et je recule précipitamment au moindre danger. Il faudrait me laisser aller un peu plus mais je ne peux pas, désuet et défait de tout espoir, je ne peux plus.
Je pense qu'Il comprendra.
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[NUIT] Et voila que ça commence. Nous sommes enfin séparés en deux, toi et moi. Il est là, assis à coté de moi à me regarder. J'écris, il lit tranquillement en acquiesçant d'un hochement de la tête. Il sait bien, au fond de lui, qu'il écrit aussi avec moi à ce moment précis. J'écris un mot et il prononce le suivant en chuchotant. La scène est très belle mais profondément angoissante. Je me mets à trembler. Je regarde mes mains, il me fixe et sourit doucement. Ce n'est pas grave dit-il. Soit, croyons-le.
Nous sommes partis dans nos délires effervescents encore une fois. Cela prend du temps, pour décoller mais une fois cela fait nous pouvons alors à loisir sonder nos âmes et les transcrire simplement. C'est vide de sens et pourtant c'est si important pour moi que je ne saurais m'en passer.
J'aime cela plus que tout et j'espère n'avoir jamais à arrêter cette ascèse si complexe de mon être et du sien.
Ses yeux sont luisants d'avidité, il veut tout savoir. A chaque regard je le sens plus proche encore, il s'approche de mon centre et fini par s'y immiscer doucement. Me voila découvert, nu, devant ce regard si pénétrant, si fort.
Il sait tout, je ne sais rien. Il m'apprend à me connaître par le biais de ce dialogue sans importance. La musique résonne dans mes oreilles et parvient au siennes. Je l'aide aussi comme quoi. Il ne peut se développer et vivre sans mon aide. Nous sommes liés à vie. Je vis et il lit. Je ressens et il sent. C'est tellement fort que s'en est étrange.
Si petit devant tout.
Il peut se mouvoir avec une aisance étonnante. Il flotte comme un glaçon dans l'eau dans la pièce sombrement éclairée. Il est assis en tailleurs sur cet air qui m'aide pourtant à vivre.
Comme sur un nuage.
D'un claquement de doigts il se retrouve entrain de glisser vers l'autre bout de la pièce. Une jalousie profonde m'éprend. Je voudrais être lui. Je ne voudrais pas vivre mais je voudrais regarder. Simplement spectateur de cette vie qui défile si vite. Pourquoi donc ne peut-on pas inverser les rôles ne serais-ce que pour une journée ou quelques heures voir quelques minutes. Même une seconde bon sang ! Je veux essayer, je veux que cela me plaise, je veux pouvoir choisir.
C'est égoïste et pourtant il comprend. Nous sommes en phase. 1 et 2.
Je ferme les yeux le temps d'un clignement et lorsque je peux les rouvrir il est déjà rentré. Il s'endort paisiblement et me laisse seul, profondément seul, jusqu'à la prochaine séance.
C'est décidé, la prochaine fois, je le prends de vitesse et c'est moi qui sortirai de cet être pour regarder cette vie de rien.
[NUIT] Et voila, encore une prise de tête inutile et sans doute sans fondements particuliers. Je m'étonne à apprécier faire la gueule pour un rien. C'est surement un reste de ma susceptibilité hors normes.
Encore un commentaire étonnamment débile et futile auquel j'ai eu la niaiserie de répondre. Tant pis.
Je l'avais dit, aujourd'hui c'est moi qui sors.
Je m'arrache lentement de cette tête qui tente de me retenir en elle. Non ! Cette fois-ci c'est à moi de sortir, de profiter.
Enfin, j'y suis.
Comme pour l'imiter, je me retourne et le regarde. Quel bonheur que de pouvoir me regarder ainsi n'étant plus vraiment moi. Je peux, d'un coup d'œil objectif, me définir, me sonder.
Lui, vexé, continue à écrire sans me jeter un regard. N'abusons pas, je continue à écrire.
Je peux enfin tenter de planer comme lui que j'ai pu admirer tant de fois. Sentiment d'accomplissement, d'osmose. Je navigue sans difficulté. Je ne suis plus enfermé dans un corps qui m'oppresse et qui me pose moult barrières physiques. Je suis là et je suis surtout libre.
Même enfermé entre 4 murs sans possibilité de faire plus d'un mètre, je suis profondément et viscéralement libre.
Je me sens grand. J'ai l'impression de m'étendre sur toute la surface possible, de me liquéfier et de prendre place sur tout le sol, de le recouvrir entièrement, d'en sentir chaque parcelle.
C'est si bon, si libre. Je comprends enfin à quel point on peut-être enfermé contre son gré dans cette enveloppe charnelle, c'est affreux.
Jusque là on ne pouvait en sortir donc on ne pouvait pas imaginer ce que serait la vie sans cette belle enveloppe. On la considérait plutôt comme une chance, comme la chance. On vivait grâce à elle. Mais désormais tout change. Il apparait enfin que c'est une cage immonde, un séparateur qui nous empêche de sentir le monde comme nous le devrions.
Sans cette dernière, on épouse tout à la fois. On sait.
- Never Again -
P... Pourquoi si rapide, pourquoi pas plus de temps. Maintenant que j'y ai gouté, comment pourrais-je être à nouveau heureux et content d'être ce que je suis ? Jamais je ne pourrais à nouveau toucher à ce bonheur si fort qu'il m'en reste encore quelques miettes sur la bouche. Je m'empresse de les avaler d'un coup de langue.
Une dernière lueur d'espoir avec ces derniers bouts de repas puis je replonge dans ma condition primaire et insatisfaisante d'humain lambda.
[NUIT] ---------
Allongé dans mon lit double, la lumière éteinte et la musique donnant à l'atmosphère ambiante un ton calme, je ne peux voir et je dois donc me contenter de sentir. Je le sens en effet tout proche. Il est là, à coté de moi, dans la pièce. Mes sens sont en alerte et tentent tant bien que mal de le localiser précisément. Il bouge sans cesse comme s'il avait peur que je lui mette la main dessus. Comment pourrais-je m'attraper moi même ?
Le plafonnier tinte doucement suite à un mouvement brusque effectué par cet être invisible essayant d'échapper à mon ouïe.
Puis soudain, tout s'arrête. Essoufflé, il se pose à l'autre bout du lit et commence à récupérer ses esprits.
Il en est toujours ainsi, lorsqu'il sort il est tout excité et ne peut s'empêcher de frémir de joie à l'idée d'être dehors et de profiter de sa liberté sans barrières autre que ma simple personne.
Au bout d'un moment il peut enfin accepter l'endroit, le personnage qui s'y trouve (à savoir moi) et se calmer afin de commencer son travail quotidien.
Nous entamons alors un long dialogue, nocturne bien souvent, qui nous mènera jusqu'à l'aube. Je ne saurais vous citer les sujets que nous évoquons mais je suis intimement persuadé qu'il s'agit de discussions de fond.
Le tout étant qu'en ressors un immense soulagement pour l'être dédoublé que je suis à ce moment précis. Mes sens sont en alerte et je dois redoubler d'efforts pour le comprendre et l'entendre mais son discours est toujours parfaitement audible quand on sait y faire.
Que c'est bon, que c'est intéressant et comme c'est édifiant !
J'apprends sans cesse et il s'enhardit à chaque sortie.
Je ne cache pas la mince parcelle de jalousie qui subsiste en mon sein à l'égard de ses capacités mais je pense que je l'accepte comme il est et que j'arrive à me réjouir de ma position.
La fatigue m'emporte. Mes yeux se ferment d'eux mêmes et c'est avec un sourire amusé qu'il m'adresse un petit signe de la main avant de décoller du sol, me viser puis me foncer dessus afin de rejoindre sa tanière bien aimée et aimante.
La douleur de la fusion sera toujours aussi forte mais j'ai appris à la maitriser pour ne plus crier à chaque entée ainsi qu'à ses sorties imprévues.
[JOUR] Chacun de ces objets aura contribué à former un rôle, à le perfectionner jusqu'à ce que je sois le plus réaliste possible. Tous auront à leur manière participés à cet agencement de rôles qui, finalement, me définissent assez bien.
J'ai joué à piocher ici ou là sans savoir m'arrêter pour prendre le temps de savourer. Le fait est que je n'arrive pas à savourer pleinement. Ma manière à moi, ma façon de faire ... c'est celle-ci. C'est arriver pour une durée indéterminée, apprendre, savoir, participer et puis, une fois rassasié, repartir avec cette valise en plus que j'accroche avec les autres sur mon maigre dos.
Le temps et l'humeur générale sont tout aussi morose l'un que l'autre. Les personnes déambulent calmement dans les rues, la tête figée regardant le sol. On ne se croirait absolument pas en été mais plutôt en Septembre ou Octobre...Une de ces saisons étranges ou il se fait tard alors qu'il est encore tôt et ou l'on est rarement enjoué au réveil. Je haïs plus que tout ces mois maudits qui me donnent la nausée et ou la dépression quotidienne se fait plus aigüe que jamais.
[JOUR] Je reste là, prostré sur mon ordinateur les mains posées sur le clavier ... inerte.
Le monde pourrait s'écrouler sous mes pieds je resterais tranquillement pensif, perdu dans mes pensées et enfermé dans ma bulle, à double tour.
Un reflet de la vitre entre-ouverte projette à mes yeux une partie de la rue. J'observe ainsi les gens passer, déambuler tranquillement pressés ou détendus, rangeux ou souriants.
Mais je ne regarde pas vraiment, je me contente de voir. Mon regard parait peut-être vide et pourtant ces moments d'absence son propices à l'effervescence cérébrale. J'aime à pouvoir me livrer ainsi à tout ces exercices, sans personne pour me réveiller ou me demander ce qui peu bien ne pas aller.
Les derniers rayons chauds du soleil viennent embrasser le quartier. Cela parait étonnamment anodin et pourtant la couleur du soleil sur les arbres touffus est tout simplement magnifique.
La lumière, les rayons du soleil, donnent une impression de volupté et paraissent embrasser, c'est le mot, les objets sur lesquels ils se posent. Peut-être peut-on faire un certain parallèle entre cette lumière si douce et l'amour de Dieu notre père, si fort sans être violent et tellement réchauffant quand on sait l'écouter.
Depuis le réveil une petite douleur au cerveau me titille l'esprit. En effet, je m'en veux de n'avoir prêté attention aux bulles qui montaient doucement. Je les ais laissées approcher mon cerveau et lorsqu'elles y sont arrivées ... je suis alors parti dans un léger délire toujours plus moussant.
[CLAIR-OBSCUR]Le professeur donne son cour, au micro, pendant que les élèves, dissipés ou non, prennent les cours, penchées sur leurs tablettes, les oreilles grandes ouvertes. Pendant ce temps, je suis là, encore, à plonger la tête la première dans mes pensées brumeuses. A coté il surf, en face elle écrit et derrière ça discute. Tant de choses passent et repassent, loin de moi et pourtant si proches physiquement.
Il faudrait peut-être que je me décide à prendre mon cour mais non, je préfère écouter le bourdonnement incessant de mon bulbe qui soupire sous les coups réguliers des idées résurgentes.
Le fait d'être là, de participer à cette gargantuesque institution de propagation du savoir me donne un peu plus d'éléments pour mes réflexions, si étranges et décalées soient-elles.
On le sent tellement motivé dans ce qu'il fait, j'ai une telle envie d'être aussi passionné que j'en arrive à l'admirer, lui et son savoir. La salle se vide pourtant, avant son arrivée, dommage pour ceux qui partent c'est un de ces moments qui vous donnent du courage et qui vous font dire que finalement, vous allez vous accrocher un peu plus.
-
Les mots, les phrases et même la ponctuation parfois, me passent au dessus de la tête et pourtant, à hauteur de vue. Je ferme les yeux, je refuse de voir, je refuse d'entendre. Je ne m'écoute pas, je n'écoute pas cette voix qui, derrière, me crie le comportement que je sais, au plus profondément de moi, le meilleur de tous. Pourtant, nothing.
- Obscur -
Un air grave peut se lire sur mon visage qui était encore souriant quelques minutes auparavant. Mes sourcils se plissent et je suis à nouveau pris de spasmes non contrôlables. Je les sens arriver et pourtant, je ne peux les empêcher de me secouer encore et encore de manière complètement aléatoire et violente.
Puis tout cesse, et je redeviens calme. Mon visage se détend et c'est dans un soupir de soulagement encore involontaire qu'il transperce mon être pour s'en soutirer. Force est de constater qu'au lieu de me sentir plus léger après ce poids en moins en mon être chétif, je ressens son absence et elle est, dans ce déficit qu'elle crée, encore plus lourde encore. Je me sens plus amorphe que jamais et pris d'une soudaine torpeur, je sombre dans un sommeil plus profond que jamais.
D'habitude il sortait pour que nous puissions rire, parler et s'observer et là je sens qu'il fait en sorte que je m'écroule juste après sa sortie, il est ainsi plus libre et n'est en aucun cas surveillé par mes sens en alerte.
Semi-coma, Mes sens sont atrophiés mais sont encore fonctionnels. Je sais qu'il n'est plus là, je sais qu'il est désormais libre jusqu'à ce qu'il décide de revenir mais je suis bien incapable de le situer et de le sentir comme je le fais d'habitude.
Un profond désarroi m'éprend et je sens à nouveau des larmes couler sur mes joues. Incapable de réagir, je les laisses rouler doucement jusqu'à ce qu'elles se séparent de ma peau pour aller s'écraser sur la taie d'oreiller.
Je reste pendant quelques heures dans cette position d'impuissance totale, à pleurer comme un enfant soumis à une tristesse énorme et sans fondement matériels ni explicables.
Et puis, je finis pas être exhaussé, non sans être resté dans cet état second pendant de longues heures. Il revient à moi et les spasmes me reprennent vivement quelque secondes, et tout s'arrête à nouveau. Peu à peu, je retrouve mes forces et je me remets à penser, à bouger, à sentir et à voir. Mes sens retrouvent leur acuité perdue à une vitesse folle et je suis alors pris d'un vertige soudain. Il ne dure pas mais me montre à quel point je sors vite d'un état pour rentrer dans un autre, opposé.
Je peux alors me relever et redevenir moi-même, toujours identique mais profondément troublé par ces sorties qui se fond de plus en plus fortes chaque jour et qui sont tellement différentes et imprévisibles...
Epuisé mais n'ayant pas le choix, je me hisse sur ma chaise et finis ma dissertation, juridique bien entendu.
--- Epuisement - Résurgence, Répétition incessante - Séances infernales.
- Peut-être parfois écrirais-je encore ?
Elle est ici comme un liquide articulé. Elle est une sorte de flaque de mercure qui peut se mouvoir par elle-même, mue par une force surnaturelle.
Ainsi, elle s'immisce partout et peut se diviser pour être présente en tout lieu à de mêmes moments. Elle se regroupe ensuite, fort de tout ces acquis supplémentaires qui la rendent plus forte. Et lorsqu'elle croise un être, quel qu'il soit, elle le contamine et lui laisse une brulure, signe de son passage. L'être ainsi pris au piège, ne peut que rentrer dans son jeu, cerné de toute part et piégé par la piqure qu'il ne voudrait en aucun cas ressentir à nouveau. Elle repasse parfois, alors que l'on commençait juste à l'évincer par étapes successives et savamment dosées.
Elle nous pique et nous oblige mais par le même mécanisme, elle nous transmet son savoir et sa science. Alors, fier de vos découverts, à votre tour, vous fondez en une flaque opaque et absente de raison. Ainsi décrirais-je la rumeur qui, à Poitiers parfois, peut faire des ravages. Il faudrait pousser encore plus la comparaison et l'étude mais à l'heure actuelle, je comprends ces phrases et les trouves éloquentes pour dire ce qu'est cette chose.
Qu'elle serait donc la munition et l'arme qui pourrait arriver à vaincre une telle chose, un tel corps mus par une force si étonnante ? Et puis même, quel vaccin pourrait nous protéger, personnellement, de sa morsure empoisonnée.
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Elle tire sa force de sa capacité à se moduler à loisir. Elle peut-être partout à la foi, partout en ce sens ou aucune porte ou aucune distance ne l'arrête. Elle voyage à la vitesse du son et encore, même parfois plus vite.
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Commentaires :
pseudo :
J'ai été un peu dérouté par la longueur de ton texte, Dual, et ta pensée n'est pas simple à suivre mais la métaphore du mercure me fait penser au cours lointain de chimie et nous jouions avec ces petites perles grises.
pseudo : Dual
En effet, le problème est que je suis peut-être le seul à réellement comprendre de quoi je parle. Je ne sais pourquoi j'ai soumis ce texte au public critique mais j'avais besoin d'avoir des retours sur une infime partie de tout mes écrits. En effet, je jouais aussi avec ce mercure si étrange et si beau !
pseudo : Lulu
Je trouve que tu as un très beau style.
pseudo : Dual
Merci beaucoup, cela me fait très plaisir (si c'est vrai bien entendu!)
pseudo : ciloum
c'est vrai c'est littéraire
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