Je n'ose pas avouer ce qui fait le malheur

Qui pétrit ma chair blanche et si pure autrefois,

J'ai vendu à un songe cette antique pudeur

Qui bâtit les limites que l'on franchit parfois.

J'attendrai que le Ciel me condamne au repos

Pour dévoiler enfin le monde auquel j'aspire,

Mais mon cœur étouffé par le poison des mots

N'a rien de comparable à celui qui m'attire.

Le silence que j'observe entre ces quatre murs

Ne m'aura pas aidé à rire de la mort,

Mon âme, enveloppée d'une robe de bure,

S'est trouvée plus traîtresse que ne l'était mon corps.

Si je ne peux t'aimer, ô dieu noir de mes rêves,

Je te donne ma vie, je n'ai pas d'autres choix,

Je préfère à la corde l'acier rouge du glaive,

Si je ne te prie pas, qui me pardonnera ?

J'ai dansé tous les soirs une valse maudite

Pour échapper en vain à cet ange qui me hante,

La Divine Comédie s'est teintée d'eau bénite,

Et mes yeux corrompus ne regardent que Dante.

J'ai versé, je le crainds, trop de larmes amères

Pour refuser encore de Te voire mourir,

O sublime monarque, Tu ne peux que Te taire,

Car Tes paroles sont un voilier qui chavire.

Je ne veux ni souffrir, ni faner l'aubépine,

Pour cela je retiens Ton ultime sanglot,

Ne tremble pas d'effroi devant la guillotine,

Elle n'est que l'instrument d'un candide bourreau.

Ne me condamne point, puisque Tu n'es mon Père,

Je n'ai que faire, vois-Tu, de tes  odieux tourments,

Cette main que j'embrasse est la même qui me perd,

Et nos doigts s'entrelacent jusqu ‘au dernier moment.

Il finira aussi dans la fosse commune.

Oubliant qu'il fut droit, oubliant qu'il fut juste,

Le peuple l'immola sous un flot de rancune,

Ainsi crachent les Hommes sur le nom de Saint-Just.