- J'y arrive pas, non, je suis coincée !
- Attends, je vais t'aider...
La tête gigantesque de l'aussi gigantesque poussin me passe en travers de la gorge. Elle m'empêche de respirer, je parviens enfin à m'en débarrasser grâce à l'aide de mon charitable compagnon d'infortune
- Sors de mon corps Gobou !
Un souhait seulement, l'espace d'un frétillement, et je redeviens moi.
Costume, comme tu dupes bien ton public, et aussi celui que tu tiens comme enserré en tes crocs !
On ne respire qu'avec peine sous ta carapace, et c'est comme une ossature de douleur qu'on réprime à l'intérieur de ton corps.
Les enfants ont beaucoup aimé ton être doux et enrobé. Il est vrai que certains ont pleuré des cordes, mais cette pluie-là était douce et sucrée, la peur dans leur petit cœur s'était immiscée.
La majorité, des petits et des grands, s'est instinctivement approchée de cette boule animée par ma sueur et ma volonté.
J'avoue que j'ai bien aimé, l'espace d'un instant, être Gobou. C'est tellement bon d'être embrassé et câliné, adulé par des enfants. J'ai ressenti la tendresse à travers l'épaisse carapace de Gobou, la véritable, celle qui s'offre sans besoin de demander
A chacune de mes entrées, mon nom est crié, suivi de près de rires et de grandes envolées.
L'enfant rit tout seul, ensuite il appelle sa maman, lui exprime sa joie qui se résume en un seul mot : « GOBOU ! »
Physiquement, je vais vous dire ce qu'il en est : imaginez-vous un poussin, couleur jaune clair et orangé. Je suis une immense boule, un nounours géant, je n'accroche l'œil que par ma rondeur, opulente et jovial, moi qui aie de grands yeux expressif...
Comme gonflé à l'hélium, avec une surface peluchée, je plais aux enfants et même à leurs parents, qui me trouvent trop mignon.
Collée contre la paroi intérieure, je reprends mon souffle, exténuée par la chaleur assommante, et là je sens presque l'étreinte d'un petit qui me serre, qui m'enserre avec ses petits bras.
Et c'est si bon de se sentir aimé... même si on est déguisé... même si on s'est camouflé