Oublier qui je suis, je ne peux m'y résoudre,
A avoir tout osé, il ne me reste rien
Que le son des canons, le parfum de la poudre,
J'ai gravé sur les lèvres le goût âcre du vin.

Et je m'égare encore entre le ciel et l'eau,

Je ne suis pas de celle dont on pleure la perte,

J'ai appris ce que c'est que d'être née bourreau,

Mes victimes reposent dans des tombes entr'ouvertes.

Oui j'ai haï l'amour, et  oui j'aime la haine,

Tous les soldats déchus se jettent à mes trousses,

Je ne suis pas de celles qui connaissent la peine,

Je suis un ouragan que le Diable repousse.

Lorsque je vous regarde, vous tombez à genou,

Vous parlez de clémence, mais comment vous comprendre ?

J'ai une faim égale à celle qu'ont les fous,

Si je vous prends la vie, ce n'est guère pour la rendre.

Voyez-vous donc cet homme qui me suit tous les soirs?
Les églises s'enflamment au seul bruit de ses pas,
Que devrais-je lui dire quand il réclame à boire?
Bois ton sang, Ange Noir, et ta soif passera.

Et je sens quand il chute, et je pleure quand il souffre,
J'ai appris comme lui à mépriser l'Enfer,
Mais malgré le néant où nos coeurs s'engouffrent,
Nous sommes tous deux Judas avant d'être Saint Pierre.