Dans ce nid ouaté, dont chaque brindille était un geste amoureux qui en croisait un autre, dans cet abri par nous dessiné s'est construite l'âme de notre union. Ce n'était pas une musique triomphante, ce n'était pas une épopée de gagnants, cela ressemblait à la douceur d'un silence plein de ferveur, un silence qui remplit les cathédrales, à la profondeur d'un examen de conscience que l'on fait aux moments graves où se jouent dans le bruissement des projets à peine esquissés l'imbrication des histoires et des envies. Cela ressemblait au plaisir que l'on devine dans le sourire de l'autre, dans son cri surpris, dans le brusque relâchement de sa maîtrise, dans l'accomplissement d'un geste commun et offert, une caresse devinée, une pensée qui affleure, un baiser qui se dit. Nos corps importaient peu, l'amour ne se réfugiait plus dans des frictions bienfaisantes ou dans des contacts riches de sensations anciennes, non, l'amour était cet air purifié qui emplissait nos yeux et nos oreilles, un plaisir de couleur rouge, une tranquillité arc-en-ciel, une béatitude active et généreuse. À ce moment précis nous n'étions femme et homme que pour marquer une différence qui ne se devinait plus, nous étions un couple impossible, une espèce de bonheur qui devrait se détruire sans douleur pour continuer à exister au fil des heures qui nous éloigneraient inexorablement.
Dans cette bonbonnière moelleuse est née une belle histoire, une histoire qui gomme les différences, une histoire courageuse faite de tous les obstacles à venir. Les brindilles se sont transformées en poutres, le nid est devenu une barricade contre la cruauté du monde.
Dans ce nid, je suis peut-être né.