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La mer de la mère par Motus

La mer de la mère

Et moi j'étais assise là, sur ce rocher que je savais si dur, si froid. Tremblante, frissonnante devant le spectacle magnifique qui s'offrait à moi. Le feuillage long et souple caressait mes pieds, l'air frait du soir dansait entre mes orteils, dans ma chevelure, sur mes cils. Léger contact invisible pourtant si puissant. Cette brise qui avait une douceur de miel, un odeur de Lys, un frôlement délicieux.

Les vagues tristes venaient s'écraser contre les pierres, faisaient valser le quai flottant, lèchant les rochers de leur fraicheur de mai. Laissant dans l'air cette mélopé si fluide que nous offre la mer, que seul quelques oiseaux accompagnaient parfois de leurs chants. Au loin, très loin, on pouvait distinguer des montagnes, fièrement dressées, d'une allure presque royale. Elles veillaient sur la mer, de leur élégance robuste, de leur allure forte, imposante. Le silence incitait en moi les songes, les souvenirs.

Comme les montagnes, je devais aussi veiller sur quelque chose. Cette chose était beaucoup moins grande que la mer, moins vaste. Elle était toute petite. Toutefois, elle pouvait crier aussi fort que l'eau, chassant tout silence ou tout chant d'oiseau. Elle était une moins grande responsabilité, car il était beaucoup moins dur de veiller sur la mer que sur elle. Mais elle était du moins tout aussi importante. Toute petite, un bouton de rose dans un champs immense. Elle était une enfant.

Et j'étais celle qui devait veiller sur elle, telle une montagne. Et cette petite mer, je la tenait dans mes bras. Elle était endormi, paisible, les yeux clôts. Cette enfant était ma fille, la plus belle de toutes, la plus adorable. Elle était un petit bébé, d'un mois, et elle pleurait souvent, très souvent. Mais je l'aimais. Elle mouillait ses couches, elle régurgitait, elle criait. Mais je l'aimais. Et je savais pertinement que c'était son dernier sommeil dans mes bras. Parce que je l'aimais.

Je glissais à terre, et mes pieds heurtèrent le sable. Les vagues lèchèrent mes chevilles, et mon enfant dormait toujours. Peu à peu, je m'enfonçai dans la mer, regardant mon ange dormir, mon amour. L'eau arrivait maintenant à ma taille, dansant autour de moi, soufflant des mots doux. Et je la pris dans mes mains, ma fille, et la porta à la hauteur de mon visage. Elle dormait toujours. Je lui déposai des baisers sur le front et les joues.

Je la déposai sur l'eau, brisant la surface lisse de la mer. C'est à ce moment qu'elle ouvrit les yeux. Un regard bleu saphir s'empara de moi. Un regard mêlé d'incompréhension et de paix. Seules mes mains la maintenait en vie, sous elle, la retenant à la surface. Je devais la laisser partir. La laisser voguer avec les courants, la laisser s'infiltrer de cette eau si pure. Je devais lui donner cette chance d'être la mer, de danser sous les vagues, de voir les merveilles du fond marin. Elle devait boire de cette eau, s'en imbiber comme une éponge, de s'en emparer. Parce que, d'une manière ou d'une autre, elle devait me quitter. Les médecins avaient été clairs.

Je la libérai doucement de cette étreinte qui la liait à la vie, et, délicatement, elle s'enffonça dans l'eau. Ses yeux saphirs s'effacèrent peu à peu, ses petites mains pottelées semblaient tenter d'attraper le courant. Un sourire se dessina sur son petit visage. Puis, elle disparue.

je n'avais rien à craindre, elle était en paix. Mon ange. Et, à défaut d'avoir une mère pour veiller sur elle, elle avait une mer. Et les montagnes. Pas beaucoup de mère peuvent offrir une mer à leur enfant. Je l'aimais. Et je m'en retournai mourir sur mon rocher.

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Coup de cœur : 14 / Technique : 10

Commentaires :

pseudo : ficelle

c'est bouleversant d'amour, de sensibilité, de pureté, de symboles, Motus. Quel texte fort ! j'ADORE !

pseudo : Isalou

Motus, c'est un des textes les plus poignants que j'ai lus sur ce site. Extrêmement bouleversant. Bravo et merci.

pseudo : obsidienne

une drame d'une telle beauté qu'il en est troublant

pseudo : Batoule

J'ai aussi ADORE ton texte Motus, tout a déjà été dit, c'est un FABULEUX texte!

pseudo : Cécile Césaire-Lanoix

Ce texte est beau et triste. Bravo pour ce moment fort!

pseudo : Motus

Merci à vous tous! vos commentaires m'encouragent!

pseudo : Blanche Plume

Troublant... Je suis touchée, en tant que mère. Ravie de te revoir !

pseudo : gigi

superbe ce texte et tellement emouvant, je le lis etle relis.