Dans une coupe de cristal, claire et limpide, j'ai vidé mes poches. En tintant contre la paroi polie, roulant autour d'un vieux stylo, se sont entrechoquées mes phrases qui avaient pris un peu de la douceur de ma flanelle, des mots isolés s'intercalaient et coloraient curieusement ces assemblages, distance et proximité faisait bon ménage, cancer faisait un peu d'ombre à amour, plusieurs se collaient à toujours, liberté recouvrait totalement pression et famille se fixait sur habitudes.
Quelques pétales aux senteurs passées frottaient encore leur soie sur des pièces de monnaie, presque rien d'argent qui permettait de parler un peu plus longtemps aux marchandes. Trois papiers griffonnés d'un peu d'amour léger se dépliaient pour laisser voir un dessein ingénieux, un monde où aimer serait tout simplement vivre. Une clé, pour aller plus vite dans ma nouvelle écritoire, pleine de tout ce que je trouve en pensant remplir cette coupe. Et quelques graines exotiques, presque des perles, de camaïeu rouge orangé comblaient les interstices de ma parole.
Dans cette coupe se trouvait ma pensée, toujours affûtée pour comprendre les autres, faite de mes mots et de mon travail, toujours orienté vers le plaisir des autres, pleine de souvenirs des campagnes heureuses menées avec les autres.
Dans cette coupe s'est levé un tourbillon d'idées nouvelles, des mots jamais dits, des phrases exceptionnelles que je comprenais à peine, presque le sens véritable de l'amour, des flèches qui transperçaient tous les cuirs, un vent serein qui apaise les cœurs meurtris, une vie découverte faite d'audace et de succès, une odeur de futur joyeux et de passé rénové. En regardant bien cette coupe, j'ai vu qu'elle changeait, elle s'ouvrait encore pour accueillir tous mes fonds de poche.
Je me suis dit qu'elle était précieuse, que je ne devrais jamais la briser.
Il fallait que je te garde intacte, mon amour