Blue jay le chien pas bleu Blue Jay est le plus joli chien de bétail qu’on ait jamais vu en Nouvelle Calédonie. Le regard clair, le poil doux, laineux et deux belles oreilles dressées bien droit. Blue Jay est né là-bas dans la brousse qu’il aime tant, parmi les hautes herbes et les fleurs. Tout blanc il l’avait été, comme les dalmatiens dont il était cousin, le premier mois entre les pattes de sa mère. La couleur bleue viendrait plus tard avait dit le maître. Mais voilà, le temps passe et Blue Jay n’est toujours pas bleu alors que ses frères et sœurs portent déjà leur robe couleur de ciel nocturne. Il a bien comme tous les siens des traces jaunes sur le poitrail et l’intérieur des pattes, lointain souvenir d’un parent australien, le dingo, dont il n’aime pas trop parler, cette filiation-là le faisant plutôt rougir, lui qui aurait dû être bleu…. Alors que faire ? Son futur maître qui l’a réservé va bientôt venir le chercher !! Blue Jay a posé la question à sa mère Bourgeon Bleu, mais les mères sont comme ça, elles ne veulent pas voir la réalité en face : « Tourne-toi un peu pour voir, non pas comme ça, là, en pleine lumière, eh bien mon fils ! regarde-toi, tu es bleu, tout bleu je te l’assure ! C’est que tu te tiens mal un point c’est tout !! » Le pauvre Blue Jay tout contorsionné, tout bancal croise les regards de ses frères rassemblés autour de leur mère, il y lit la peur de contredire celle qui les a fait naître et l’un des chiots le prend à part, derrière la niche pour lui avouer que bleu, même au soleil, il ne l’est pas, mais alors pas du tout !! : « Il faudrait, lui dit son frère, que tu aies peur, très peur, il paraît que la peur bleue ça existe et qu’on le devient en quelques secondes ! - Oui dit Blue Jay ,mais tu sais bien que nous les chiens bleus, on n’a peur de rien, même si je ne suis pas bleu, je suis comme vous tous! Enfin, je veux bien essayer, mais comment ? - Attends cette nuit et tu vas voir » La nuit arrive et son frère lui dit de le suivre dans les champs, heureusement, le maître a oublié de fermer la grille de l’enclos où ils dorment. Arrivé en haut d’une petite butte, Blue Jay est laissé seul près de l’abreuvoir : « Couche-toi là en attendant que le soleil pointe derrière la montagne et prépare-toi à changer de couleur » Blue Jay fait comme son frère a dit et attend le jour, dormant d’un œil comme tous les chiens. Une lueur pâle jouant sur son museau le réveille et il entend venir du fond des prés comme un roulement de tonnerre, un vacarme grandissant et bientôt c’est comme une grande vague noire qui surgit, cornue et rugissante, fonçant tout droit sur l’abreuvoir. Blue Jay ne sait pas ce que c’est, il n’a jamais vu ces choses-là mais son instinct lui dit qu’il est né pour eux, pour les garder, pour les diriger. Bien sûr, il est encore trop petit mais de peur, il n’en a point, à peine voit-il, plein d’espoir, quelques poils de ses pattes bleuir, mais l’orgueil est le plus fort et se rangeant sur le côté, il regarde les grands taureaux noirs boire dans la lumière rose du matin. Et puis l’excitation retombant il s’apprête à redescendre vers l’enclos. Et alors s’étale devant lui un spectacle qui le laisse pantelant, il s’assoit pour contempler une mer de fleurs bleues, leurs pétales étincellent sous le soleil. Pris de folie, il court vers les fleurs, jappe pour leur dire de lui prêter un peu, un tout petit peu de leur couleur. Les fleurs se font attirantes, se couchent sous ses cabrioles, et miracle ! répandent sur la robe du chiot mille étoiles du plus bel indigo qui s’y impriment à jamais. Blue Jay a compris, il leur promet de toujours revenir vers la brousse les saluer au petit matin. Et c’est ce qu’il fait tous les matins, suivant les chevauchées de son nouveau maître parmi les herbes blondes et les fleurs bleues.