(Nous sommes en fin de matinée et un grand-père parle avec son petit-fils. La scène se déroule dans un salon figuré par deux fauteuils ou même deux chaises. Année 2004. Les deux acteurs sont assis en vis à vis avec ou sans table)

Le papy est un personnage hyper serein qui a visiblement vécu beaucoup de choses de la vie sans se prendre la tête. Issu de milieu modeste, il a réussi à rester plus proche des êtres humains que de son argent.

L'enfant est un enfant assurément intelligent à l'esprit de synthèse évident. Il n'en reste pas moins un enfant plus près de ses amusements que des incertitudes de la vie à venir.

Dans l'esprit, le papy est un homme très moqueur au regard de ses contemporains qui, comme lui, ont réussi leur ascension sociale, mais sont restés très hautains et éloignés des autres.

L'enfant, digne petit-fils, est intelligent et curieux. Il doit paraître évident aussi qu'il est très complice avec son grand-père : l'un apprenant toujours à l'autre à faire ses bêtises et vice versa...

Les gestes, mouvements et expressions sont à l'appréciation du metteur en scène 

L'enfant - Dis, papy, c'est quoi un gens d'orgueil ?

Le papy - Il s'agit, mon tout petit, d'un être humain, qui a pu acquérir un savoir précis dans une science précise : comme médecin, juge, chirurgien, avocat, énarque, scientifique, pilote de ligne, et j'en passe. Ils ne sont pas tous comme ça, mais ceux-là ont la particularité de regarder les autres de haut. De très haut.

L'enfant - Alors c'est quelqu'un d'intelligent ?

Le papy - Oh ! Non mon petit. Pas forcément ! Tu sais, on peut être cultivé dans un domaine bien précis. Avoir quelques connaissances ailleurs. Mais vois-tu, si on ne sait pas bien se servir de sa culture, on peut aussi être « con » qu'un manche à balai ! ! !

L'enfant - Oh ! Papy, les gros mots !

Le papy - Mais tu ne le diras pas à tes parents. Tu sais, dans la vie, les « gens de peu » disent aussi des gros mots. Pourtant, ça ne les empêche pas de respirer.

L'enfant - Pourquoi ces gens cultivés ne sont-ils pas intelligents s'ils savent beaucoup de choses ?

Le papy - Hé bien ! tu vois : ils ont appris énormément. Ils ont gagné beaucoup d'argent et ils sont tellement habitués à cela qu'ils ont fini par s'imaginer qu'ils étaient devenus le centre de tout. Le centre d'intérêt de tous les autres gens qu'ils rencontrent. C'est ce que l'on appelle être égocentrique. D'ailleurs l'égocentrisme est une maladie. Parfois, pour se donner bonne conscience, certains participent très officiellement à des actions « humanitaires ». Cela leur donne bonne conscience et ils pensent ainsi pouvoir dormir sur leurs deux oreilles. Cela fait bien. C'est très « in ». C'est une reconnaissance sociale, pensent-ils.

L'enfant - Alors c'est ça : « être le nombril du monde » ?

Le papy - Oui, mais ceux-là vont jusqu'à refuser les lois ordinaires qui régissent la vie de tous les autres. Pour en être assurés, ils se construisent entre eux des Conseils supérieurs de je ne sais quoi (alors que les autres doivent se contenter d'associations). Ce qui leur permet d'être influents à de très hauts niveaux. Ces gens-là, vois-tu, n'acceptent pas qu'un jour leur métier puisse être en perte de vitesse. Ils pensent avoir des métiers d'éternité. Le charbon, le minerai, les chantiers navals, c'est bon pour les autres, croient-ils, bon pour les gens de peu.

L'enfant - Alors, papy, ils n'ont rien de commun avec nous ?

Le papy - Mais si, justement. Imagine donc que chez le coiffeur, ils sont bien obligés d'ôter leur chapeau, comme les autres. Et encore, je ne te fais pas le coup des chiottes !

L'enfant - Oh ! Papy, qu'est-ce que tu dis comme gros mots aujourd'hui !

Le papy - Tu me comprends bien, mon tout petit. Et toi, que veux-tu faire, quand tu seras grand ?

L'enfant - Moi, je veux apprendre un métier où l'on voit beaucoup de gens tout le temps pour ne pas devenir isolé. Et puis gagner aussi beaucoup d'argent pour ne pas être pauvre. Et puis aussi, je veux me rappeler tout le temps dans un coin de ma tête que mon grand-père était si simple qu'il savait même faire des crêpes pour moi et qu'il savait bien m'expliquer les choses de tous les jours que les grands seuls disent comprendre.

Le papy - Tu es si simple, toi aussi. Reste-le toute ta vie.

L'enfant - Oui, mais c'est pas toujours marrant de rester sérieux ou simple. Moi, je veux ......................................... ????????????????????????!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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Gustave