Que pourrais-je dire qui ait la moindre importance aux yeux des Hommes aujourd'hui ? Mais que m'importe l'avis des autres tant que je n'ai pas l'avis des amis ? Rien , je ne veux rien de ce monde avec lequel je suis froid comme la glace et dur comme la pierre. Je n'ai plus ni haine ni amour pour celles que j'aimais autrefois, je n'ai plus d'attirance pour les femmes, plus d'admiration pour les hommes, je n'ai plus rien.
Et si l'on doit me punir de cette absence, je refuserai. Cet état n'est pas de moi, je refuse de payer pour une chose dont je ne suis pas responsable. Je laisse aux autres le soin de souffrir pour moi, je laisse aux autres le soin de m'aimer ou me haïr, s'aimer ou se haïr pour moi, puisque je ne peux plus m'acquitter de cette tâche.
L'ennui ? Non, je ne m'ennuis pas de l'Homme, il m'est impossible de m'ennuyer de Lui, il est trop compliqué pour ne pas exciter jusqu'au plus haut point ma curiosité jusqu'aux dernières minutes de ma vie.
Quand j'y réfléchis, je me dis que ça devrait être un supplice de ne plus pouvoir aimer, ne plus pouvoir haïr, sentir son cœur battre tant l'émotion est forte, authentique, inégalable. Je me dis que ça devrait être un supplice pour quelqu'un d'autre que moi. Mais en l'occurrence, c'est moi-même qui suis dans cette situation, et ça doit être pour cela que ça n'est pas un supplice. Je suis froid, tellement froid que je le sens en moi comme si on avait laissé une cavité béante dans ma poitrine qui prendrait le vent et la neige. Ce vide me glace tellement que je prends mon manteau le matin, j'enfile mon écharpe, je mets mes gants, et une fois à l'extérieur, je suis en nage.
Et j'ai toujours froid.
Chaque soir, quand je m'allonge pour dormir, un mélange d'eau et de sécrétions lacrymales glisse sur mes pattes d'oie naissantes. Elle est comme une caresse, de douces lèvres qui vous frôlent, un souffle, un murmure, une envie qui parcourt votre peau et descend lentement avaler la vie. Elle monte, elle descend, revient et vous anime, vivante, avide, elle suit votre lobe et sa fraîcheur vous électrifie, cette morsure qui vous surprend, vous l'attendiez pourtant. Elle enfle, vente, son ventre vient, vous pouvez presque la voir virevolter sur votre peau, et dans un ultime effort, finir sa course effrénée dans le fracas d'une multitude. Contre vous, au creux de votre cou, elle vit encore, magnifique maîtresse de votre vie, multitude et unique larme.
Si cette simple larme m'avait suffi à recouvrer les sentiments dont je suis privé, je serais peut-être le plus triste, ou le plus heureux des sirs. Mais c'est chaque nuit que revient cette inquisitrice incompressible et incompréhensible, seule et unique.
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Commentaires :
pseudo : Isalou
Sans sentiments ... ou l'inverse ? Trop de sentiments ... et donc une carapace extrême pour vous en protéger ... ?
pseudo : volatile
Permet moi de te dire que je ne suis pas d'accord. Le simple fait que tu aies des larmes et que tu nous le dise à travers ce beau texte nous montre que tu as des sentiments. Ils faut les apprivoiser pour se connaitre soi-même, prendre confiance et retrouver de la chaleur. Amitiés et continue d'écrire.
pseudo : obsidienne
ah, voilà quelqu'un qui vit, c'est rassurant
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