Oui, elle est là, à portée de mots, je l'attends. Notre histoire ressemble à une nuit. Quand époumonnés de bonheur au coucher du soleil, quand les filaments dorés tissaient encore les rêves qui nous recouvraient, quand nous nous sommes livrés à l'obscurité reposante, les premiers éclairs de chaleur découpaient nos derniers mouvements sur les murs azur de notre maison, nous nous promettions encore, naïfs, d'être heureux.
Mais soudain, effrayant, inattendu, l'orage assourdissant éclata, forçant toutes les failles, rageur, écumant de haine, balayant de sa tignasse charbonneuse la moindre lumière joyeuse. Faible, enfant, impuissant devant cette violence qui renfermait un peu du sacré dévastateur et adoré, j'ai baissé les yeux, j'ai refusé l'obstacle, j'ai rendu les armes. Éloignée depuis longtemps des scènes de combat et des rapports de force, ma faiblesse gentille et responsable d'un soupçon de vie a modelé mon attitude.
Et dans ces moelleux coussins de tranquillité, installés çà et là pour amortir une chute violente, a germé une nouvelle façon d'aimer. Nous apprenons ensemble la patience, nous apprenons à nous pénétrer de la pensée lointaine de l'autre, nous apprenons le plaisir ténu de l'existence, dans sa simple nudité, dans son expression la plus infime. Savoir qu'elle vit est déjà un bonheur entier qui ne se partage plus mais qui remplit toutes les aspérités, tous les espaces mis au jour par les torrents d'intolérance ; et dans les regards impossibles luit la beauté d'un futur souvenir, dans les caresses impensables s'épanche la foi des retrouvailles. La solitude n'est plus que celle du corps qui se repose. L'esprit s'envole, épouse une âme venue à sa rencontre. C'est déjà l'heure des rêves, où les possibles prennent forme dans la lumière qui les baigne délicatement. L'obscurité s'efface à grands coups d'envie de vivre. L'aube ressemble à son visage.
C'est sûr, nous allons nous retrouver, la nuit a encore porté conseil.